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Since forever For years on end Newbies

Paris – Medford : 21h de trajet, escales comprises.

Le voyage s’était révélé bien plus excitant lorsque Daisy l’avait fait dans l’autre sens, il y a maintenant 4 ans. C’était pleine d’ambition que la jeune femme avait décidé de faire sa vie à Paris, ville du champagne, des croissants et de la haute couture. Aujourd’hui, elle revenait à Shady Cove, sans avoir accompli quoi que ce soit, mais pas la queue entre les jambes pour autant. Personne n’avait besoin de savoir comment son séjour en France s’était réellement passé, et son retour n’était que temporaire : dès qu’elle aurait assez d’argent pour repartir, elle quitterait ce patelin du fin fond des Etats-Unis pour toujours. Et elle avait un plan ; ou presque.

*N’importe quel idiot avec une moitié de cerveau fonctionnelle peut écrire un best-seller. Si Dan Brown a pu vendre des millions de livres, je peux le faire aussi ; j’ai lu ses bouquins, c’est pas si bon que ça.*

Dans l’avion, elle entreprit donc d’écrire une lettre qu’elle enverrait à différents éditeurs, même si elle n’avait encore pas mis une seule ligne de son « futur best-seller » sur papier. Après tout se disait-elle, l’idée était la partie la plus importante du projet. Et à la rigueur, elle pourrait toujours engager quelqu’un pour écrire à sa place si les éditeurs se révélaient moyennement emballés par son style.

Madame, Monsieur,

Je me permets de vous écrire afin de vous faire part d’un projet de livre qui, j’en suis sûre, saura attirer votre attention. Il s’agit d’une semi-autobiographie, basée sur ma vie et sublimée par quelques éléments de fiction.

L’intrigue s’ouvre sur la naissance d’une petite fille, à New-York, en 1990, dans une famille aisée et très portée sur les arts. Dès son plus jeune âge, la petite est de toutes les expositions et de tous les vernissages. Mais voilà, alors qu’elle a 6 ans, son père quitte brusquement le domicile familial, pour des raisons qu’une fillette de cet âge ne peut pas comprendre. Sa mère et elle déménagent alors pour une petite ville de l’Oregon, afin de s’éloigner du tumulte de New-York.

*Bon, c’est un peu loin de la réalité pour l’instant, mais la vie d’une rouquine née à Seattle et dont l’activité favorite était de faire faire du lèche-vitrines à ses Barbie n’intéresse personne. Ah, j’ai oublié de mentionner Violet. Bah, elle m’en voudra pas, et une sœur serait un personnage secondaire complètement inutile après tout. Rah mais j’hésite encore sur le départ du père. Est-ce que je tente le récit de la mère lesbienne qui couche avec une collègue du mari, qui du coup demande le divorce ? Pour une fois la réalité est plutôt funky, mais c’est peut être trop avant-garde pour des éditeurs américains. On va laisser comme ça pour l’instant.*

Malgré le déchirement familial et la ruralité prononcée de son nouveau lieu de résidence, l’héroïne vit une enfance heureuse dans l’Oregon, et devient une belle jeune femme. Cependant, elle sent au fond d’elle qu’il ne s’agit pas de la vie qui est faite pour elle, et décide donc de tout quitter sans un sou en poche pour tenter sa chance en Europe.

*On va éviter de mentionner que je suis partie seule en prétextant un voyage d’été avec mes amies et en prenant l’argent prévu à l’origine pour payer mes études. Je ne vois pas ce que ça apporterait au récit et il faut conserver la sympathie du lecteur.*

A Paris, elle découvre avec émerveillement la langue et le mode de vie français. Elle y rencontre des gens incroyables qui vivent de leur passion : écrivains, peintres, cinéastes… Sur les champs Elysées, elle fait la connaissance d’un jeune héritier parisien, de qui elle devient la muse.

Mais alors qu’elle file le parfait amour et que sa carrière d’actrice va décoller – elle a décroché le premier rôle dans le prochain film d’un grand réalisateur français –, elle reçoit une lettre de sa mère : celle-ci est gravement malade et lui demande de revenir dans sa ville d’enfance afin d’être à ses côtés. Elle doit alors faire un choix difficile : sa carrière en Europe, ou sa famille dans l’Oregon.

*Ah, quelle tension dramatique ! Je suis décidément trop douée. Bon par contre il me faudra quelqu’un pour écrire la partie à propos de Paris. Rien que de me souvenir de tous ces projets d’artistes ratés dans lesquels j’ai investi mon argent et qui n’ont abouti à rien me donne de l’urticaire. Et tous ces vêtements magnifiques que j’ai du revendre pour juste me payer ce billet d’avion ! Mais accroche-toi bien à ta tour Eiffel Paris, parce que je n’en ai pas fini avec toi. La prochaine fois, je ne laisserai pas les autres utiliser mon argent pour leurs projets stupides : j’aurai mes idées, mes investisseurs, et je raflerai la mise.*

Dans l’attente de votre réponse je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, mes salutations les meilleures.