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Since forever For years on end Newbies

« Resolve the weakness in me »

J’allais sur mes 23 ans quand je me suis installée à Shady Cove, et bien que cette ville soit gorgée de souvenirs, mon pays me manque encore énormément à ce jour. J’ai failli retourner y vivre après mon divorce, et après le départ de mon amie la plus chère, mais j’ai trouvé quelques bonnes raisons de rester, notamment mon travail, dans le centre de loisirs que j’ai fondé, mais aussi Damian, le fils de cette amie, qui s’est installé chez moi pour ne pas avoir à changer de lycée au beau milieu de son année de terminale. Sa présence m’est agréable, et je me sens moins seule ainsi dans cette grande maison. Il faut dire que je ne voyais pas ma vie comme ça. Je ne pensais pas qu’à 33 ans, je vivrais seule avec mes trois chats. Alors la présence de Damian me rassure en un sens, bien que cela n’enlève en rien les regrets que je cultive sur ma vie. J’aurais dû faire les choses différemment. J’aurais dû être moins bête, et comprendre que les choses avec Mark n’allaient nulle part. Il m’a complètement baladée, je croyais en notre relation, je croyais en notre avenir… Ou plutôt, disons que je voulais y croire.

En plus de devoir faire face à mon divorce, j’ai eu des difficultés à gérer ma réputation à Shady Cove. Je suis passée de la femme volontaire et généreuse, directrice d’un centre de loisirs, à la femme bafouée, humiliée par son mari volage. Quand je pense à lui, je ne peux pas m’empêcher d’être en colère, mais c’est finalement contre moi que je tourne toute ma haine. Lui, il a refait sa vie, alors que moi… Je me retrouve sur le carreau. Quelque part, je me dis que je l’ai mérité. Si j’avais été plus maligne… plus jeune… plus drôle ?

Heureusement, tout ne s’est pas écroulé pour autant dans ma vie. J’ai une carrière dont je suis fière, et surtout un métier qui me passionne. J’adore les enfants, et les recueillir dans mon centre est un véritable plaisir, dont je ne me lasse pas. Et puis, à Shady Cove, j’ai aussi des amis. Il y a Chandler Hayes, Charlotte Greene et puis, avant, il y avait Joan Keller. Je suis sans doute un peu vieille pour utiliser le terme de « meilleure amie », mais je crois que c’est elle qui me connaît le mieux. Lorsque son conjoint a obtenu une promotion, et qu’elle a dû quitter l’État, j’ai sérieusement songé à retourner chez moi, là-bas, en Australie. Il faut dire que notre lien était très fort. Devoir mettre un terme à ma relation avec Mark et voir Joan s’en aller ont été deux épreuves particulièrement difficiles. Elles m’ont beaucoup fragilisée. Je n’aime pas me plaindre, et encore moins me regarder le nombril, mais les faits sont là, je dois reconnaître que ça n’a pas été simple. J’ai tenté de me raccrocher aux branches, de me plonger dans le travail, de me faire quelques petits plaisirs… Mais la solitude me pèse, et je déteste ça. C’est peut-être elle qui m’a fait si longtemps espérer que les choses allaient s’arranger avec Mark, et qu’il me ferait un jour des enfants. J’avais peur de le quitter, de me retrouver confronter à moi-même… Et aujourd’hui, je n’ai plus le choix. Je suis la femme bafouée qui essaie de gérer l’adolescent qui vit sous son toit. Heureusement, Damian est un garçon agréable, poli et plutôt raisonnable. Je le considère presque de ma famille. Quand je l’ai connu, c’était encore un enfant. C’est impressionnant de voir l’homme qu’il est devenu… qu’il est en train de devenir. Ce n’est que le début, pour lui. Je l’envie quelque part. J’ai l’impression d’avoir loupé le coche, je donnerais tant pour avoir son âge, rembobiner la bande, et tout recommencer à zéro.

Mais voilà : personne n’a encore inventé la machine à voyager dans le temps. Il faut donc que je fasse avec, et c’est ce que je fais, jour après jour. J’essaie de me focaliser sur les points positifs de ma vie, et travailler avec des enfants – pour certains handicapés – m’aide véritablement à relativiser. Je ne suis pas la plus à plaindre. Je suis une femme comme les autres. Livrée à elle-même, oui, mais peut-être est-ce finalement utile. J’avais probablement besoin de me retrouver. Je suis à une période charnière de ma vie, il me reste bien des pages blanches à remplir… et c'est à moi de trouver ce que je veux y écrire.