Enfin ! Plus d'examens, plus de trucs chiants au bras, depuis hier, plus de douleur insupportable. Sa clavicule s'est ressoudée, mais il reste encore de la rééducation pendant quelque temps. Bref, ces trois semaines, presque quatre, ont été les plus longues de sa vie. A ceci près qu'il a eu Chris pour l'aider — s'occuper de lui — et les examens de fin de semestre à l'Université pour s'occuper. Se rendre en cours avec une fracture était une torture mais puisque c'était le côté gauche qui était touché, cela ne l'empêchait pas d'écrire. Tout cela était fini maintenant.

C'est donc dans l'optique de se vider la tête que Merlin se retrouve dehors à 23 heures, un samedi. Il a eu du mal à s'endormir un peu plus tôt, pour de nombreuses raisons, et il en a eu marre de tourner en rond. Alors, ne voulant pas réveiller Christopher, il est sorti. Il avait cru comprendre qu'on parlait d'eux en ville, alors il pensait, bien naïvement, qu'à cette heure-là il serait tranquille. Que les gens seraient soient couchés, soient bourrés. Mais il a apparemment fait une erreur de calcul. Alors qu'il passe, sans vraiment s'en rendre compte, devant le Warehouse, un établissement où il n'a jamais mis les pieds, il entend son prénom. Et il n'y a pas trente Morgan à Shady Cove.

Se retournant donc, interloqué, il remarque un jeune homme blond, sûrement à peine plus âgé que lui, venir à sa hauteur. Il lui sert naturellement la main lorsque celui-ci se présente comme étant Reese Hastings. Merlin écoute, presque bouche-béé, les paroles de l'autre, et a un peu de mal à relier les informations. Après un temps de latence presque nécessaire, il se rappelle en effet avoir déjà entendu ce nom. Chris lui a parlé très furtivement de lui, disant qu'il était insupportable. Et ce qu'il y a rattaché en plus, d'autres sources, n'augure rien de vraiment bon.

— Reese... En effet j'ai déjà entendu parler de toi, et oui, ta réputation laisse à désirer, rajoute-t-il en souriant.

Mais on parle de Morgan ici. Malgré ce qu'il a pu entendre, il ne va pas juger ce gars-là. Même si c'était un crétin, le brun part du principe qu'il est sympa, comme toutes les personnes qu'il rencontre. Certains pensent que c'est beau de voir le bon en chacun, bien que ça ne marche pas à tous les coups. D'autres disent que c'est juste profondément naïf, et idiot. Et d'autres encore se taisent et profitent de cette innocence. Bref.

— Et euh.. comment ça je suis la "star" de Shady Cove ? Les gens parlent tant que ça... ? demande-t-il, un peu inquiet, voire un tantinet alarmé.

Il avait compris l'existence d'une rumeur à propos de sa relation avec Chris à cause des nombreux regards à la dérobée ou des mots perçus à la volée, mais il ne pensait que TOUTE la ville en faisait un tel foin.

Ce Reese n'a pas l'air méchant. Il doit avoir le même âge que Morgan, voire quelques années de plus. Raison de plus pour le trouver sympathique. D'autant que le brun ne juge jamais sur des on-dits, même s'il le voulait il ne pourrait pas, c'est dans son caractère. Comme à l'ordinaire, il se montre ouvert et social. De plus, il n'est pas vraiment mécontent d'être ainsi dérangé, il préfère cela que traîner seul. Il pose ensuite une question suite une phrase du blond.

Christopher devait être au courant pour l'ampleur de la rumeur, puisqu'il bosse en ville, au magasin de sports, mais il ne lui a rien dit ! Quel imbécile. Ils auront une petite discussion en rentrant. Ou demain matin, parce qu'il est un peu tard quand même. Le jeune essaie de le rassurer quand même, lui disant que justement, ça ne fait que parler, raconter des ragots. En gros il lui dit que ce n'est rien, que ceux qui en parlent eux-mêmes n'y font pas réellement attention. Et Merlin apprend par la même occasion qu'il est barman au Warehouse.

— Le problème c'est qu'ils s'imaginent des idioties sans nom et qu'ensuite ils jugent par rapport à ça, à partir de débilités, et puis ça ne les regarde pas. Pas que ce soit vrai hein, juste que ce ne sont pas leurs affaires, rajoute-t-il rapidement pour finir.

Il n'a pas envie de donner du crédit à cette rumeur. Même si elle a l'air de toucher la vérité, ce n'était pas une raison. Il n'est déjà pas prêt à assumer envers lui-même ce qu'il ressent vraiment Chris, il a encore du mal avec ça, alors s'assumer devant toute ville. Comment peut-il supporter le regard des autres s'il ne supporte pas le sien ? Franchement, ce n'est pas le moment pour ces commérages. Par la suite, Reese lui propose d'aller boire un verre, qu'il lui offre, pour faire connaissance. Ce qui n'est pas une mauvaise chose puisque le britannique est sorti sans rien d'autre que ses clés. Comme Morgan n'est absolument pas contre un nouvel ami, il lui rend son sourire.

— Oui pourquoi pas, avec plaisir, répond-il. Par contre, je ne bois pas d'alcool, j'espère que tu auras autre chose, précise-t-il en rigolant doucement.

Il n'est pas contre aller dans un établissement comme le Warehouse, pour une fois, en revanche l'alcool lui a laissé un mauvais souvenir, depuis la fête. Donc il n'y touche plus.

Le meilleur côté dans l'histoire, c'est que Reese n'a pas l'air de s'en soucier, de cette rumeur. C'est toujours ça. Morgan n'a pas le moins du monde envie de parler de ça maintenant, il n'a pas envie qu'on lui rappelle qu'il est, selon les dires, en couple avec un autre homme de sept ans son aîné. Franchement, dans le genre commérage, celui-là doit être en pôle position. Bref. Ce soir, il n'y pense plus, il a prévu de se vider la tête. Et il ne doute pas que sa rencontre fortuite avec le blond va l'aider. Celui-ci l'aide d'ailleurs à dédramatiser la situation, en lui disant qu'il faut simplement ne pas écouter les gens.

— Plus facile à dire qu'à faire, fait néanmoins remarquer le britannique, avec un léger soupire.

D'ordinaire, les racontars ne l'auraient pas dérangés. Il en a déjà entendu de belles, au lycée par exemple. Mais là, déjà que la situation est presque vraie, elle implique Christopher. Et tout le monde n'est pas ouvert sur un sujet tel que la sexualité. Dans une petite ville de province, c'est d'autant plus dur. A San-Francisco ou à New-York, ils n'auraient eu aucun problème à s'afficher. A Shady Cove, Merlin se demande s'il va même oser simplement marcher à côté de lui dans la rue.

Reese lui propose ensuite de lui offrir un verre, ce que l'étudiant ne refuse pas. Il précise cependant qu'il se tiendra loin de l'alcool, ce qui a l'air d'étonner quelque peu le barman. Un jeune qui ne boit pas doit être rare dans le coin, Merlin se dit parfois qu'il est le seul. Entre Reid, Sam, Alex... et Reese maintenant. C'est une généralité, quelque chose qui va avec l'âge. Mais le brun est l'exception. Il suit tout de même sa nouvelle connaissance jusqu'au Warehouse, faisant attention à ne pas le perdre étant donné qu'il y a un peu de monde. Une fois au bar, il s'installe et réfléchit un instant à ce qu'il veut.

— Mmh, je prendrais un Mojito sans alcool, commande-t-il avec un sourire, avant de regarder un peu autour de lui. Pour l'instant ça va, répond-il ensuite en haussant les épaules. Enfin, jusqu'à ce que quelqu'un vienne et me balance "Oh c'est toi qui sort avec l'autre mec là ?" dit-t-il sur le ton de la plaisanterie en imitant une voix, avant de rire légèrement.

Parce que oui, on lui a déjà fait le coup. Une fois. Enfin, tout ça pour dire qu'il ne sera pas contre aller aux VIPs.

Un cocktail sans alcool, ça existe, et ce n'est pas pour rien. Et puis Morgan se retrouve en boîte pour la première fois depuis... un an, ou deux, alors autant ne pas se contenter d'un banal soda. En tout cas, c'est la première fois qu'il vient au Warehouse. Ce qui n'est pas vraiment étonnant, mais il fallait bien qu'il y atterrisse un jour ou l'autre. C'est de son âge. Et même s'il n'a pas l'habitude de fréquenter de tels lieux, il lui arrive de si rendre parfois. Sans pour autant s'alcooliser cela dit. Ou très, très, très, très peu. Quand Reese lui propose le carré VIP, le britannique refuse, pour le moment, en plaisantant. En rigolant, le blond lui fait savoir que les gens ici doivent de toute façon être trop bourrées.

— Raison de plus ! N'importe quoi peut sortir de la bouche de quelqu'un de beurré, réplique Merlin en haussant les épaules, puis il sourit. Mais j'y penserais, à les emmerder.

Ils ne méritent que ça. Bref. Leurs commandes arrivent et c'est le blond qui paye son collègue. Les deux jeunes hommes trinquent ensuite, avant de prendre la première gorgée de leurs consommations. Le brun ne trouve rien de bizarre à son Mojito. Pour en avoir déjà goûté un vrai — dans le verre d'une amie certes, mais goûté quand même —, il sait quel goût a le rhum dans ce cocktail. Mais Reese lui met le doute. Après l'avoir entendu dire que le barman est axé sur l'alcool et qu'il a très bien pu lui coller un vrai Mojito, Morgan regarde dans son verre comme si la réponse s'y trouvait. Il reprend une petite gorgée, faisant plus attention, puis secoue négativement la tête.

— C'est gentil mais je- je crois que c'est bon, qu'il n'y pas d'alcool, répond-il, pas sûr à 100% malgré tout. Je le sentirais je pense, rajoute-t-il en riant un peu.

A cet instant, il regrette de ne pas avoir un détecteur à alcool dans les papilles. S'il savait qu'il y a en effet du rhum, il le regretterait d'autant plus. En effet, ce David a alléger cette boisson de telle sorte que l'alcool ne se sentait pas assez pour Merlin le perçoive. Quand il s'en rendra compte, il sera surement trop tard. Lui et l'alcool n'ont jamais fait très bon ménage. Ce n'est pas qu'il ne connaisse pas ses limites, c'est surtout qu'elles arrivent très vite, et que même simplement éméché, il perd un peu les pédales. Ne pensant plus à ce qui pourrait arriver s'il buvait ce soir, il tourne la tête vers Reese, curieux.

— Bon, et toi alors, tu bosses vraiment ici ? Enfin, à plein temps je veux dire, t'as l'air jeune.. Tu fais des études à côté... ?

La dernière phrase de Reese ne rassure pas vraiment Morgan quant au contenu de son verre. S'il y a vraiment de l'alcool, il ne le verra que trop tard. Pour l'instant, il croit qu'il n'y en a pas car il ne le sent pas, mais il ne va tout de même pas demander au blond de goûter pour être sûr. Bref, il fait confiance à celui qui les a servi, après tout, quel intérêt aurait-il à mettre de l'alcool alors que le client a précisé sans alcool. Pour changer de sujet, il pose quelques questions à Reese, avant de reprendre une gorgée de sa boisson en l'écoutant. Ainsi, il apprend que le jeune homme bosse ici grâce à son grand-frère, car les études ce n'étaient pas son truc.

— Ça aide toujours les grands-frères, fait-il remarquer en souriant, avant de répondre à la question qui lui a été posée. Ouaip, à Ashland.

Merlin n'est pas surpris qu'il lui ai demandé sil était étudiant, il a l'âge. Sans doute se sont-ils déjà croisés à Ashland en plus. Le brun ne voit pas trop pourquoi le barman serait venu à l'Université mais c'est aussi une possibilité. Il doit bien avoir des amis qui y sont encore. Avec ce sixième sens animant les personnes lorsqu'on parle d'elles, Morgan croise un court instant le regard de deux femmes qui le regardent fixement, messes-basses en prime. Il détourne alors les yeux, reportant son attention sur son verre. Puis soudain, un bruit faisant penser à une chute puis un rire. Celui de Reese. Le britannique remarque alors que l'une des deux femmes de tout à l'heure se relève et qu'elle file aux toilettes avec son amie. Il cache un sourire, mais n'y fait pas référence, quoiqu'il devrait peut-être dire merci au blond.

— Et bien ça va faire... 3 mois, répond-il après un petit instant de réflexion, puis il retourne la question à Reese. Et toi ? Tu es ici depuis toujours ?

Il rigole un peu en disant cela. La plupart des gens ici sont nés dans cette petite ville, et ceux qui y sont depuis plusieurs années sont intégrés presque comme s'ils y habitaient depuis toujours. Ça c'est de la communauté, y'a pas à dire. Mais qui dit communauté dit ragots. D'ailleurs, si quelqu'un d'autre essaie de l'aborder pour cette raison, il acceptera la proposition de Reese pour l'espace VIP. Morgan n'a pas envie d'être dérangé pour ces idioties.