C’est avec un léger sourire aux lèvres que Veronica quitte son domicile. D’un coup d’œil, elle vérifie qu’elle n’oublie rien, puis verrouille sa porte à double tour. Non pas qu’il y ait la moindre menace dans le ciel bleu de Shady Cove, mais plutôt par habitude. La vie ici est paisible, un peu trop parfois à son goût. Mais le changement n’a jamais fait de mal à personne. Surtout pas à elle qui s’adapte avec une facilité certaine. D’un signe de main, elle salue l’un de ses voisins, puis se remet en route. Veronica se sent dans son élément, elle se donne entièrement à son personnage, à cette image lisse qu’elle donne et cette discrétion qui lui permet d’entendre en général ce qu’il se passe. Il n’y a absolument rien d’autre que son travail dans son esprit. Il n’y a toujours eu que cela depuis le premier jour où elle a posé le pied dans le hall d’entrée de la maison d’Editions de son père. Une maison d’Editions qu’elle reprendrait peut-être un jour, qui sait…

En attendant, c'est autre chose que la jeune femme a en tête : l'extrait du manuscrit que son poulain lui a amené la veille. C'est justement chez lui qu'elle se rend, avec ses notes, ses remarques et ses idées, enfermées bien soigneusement dans son porte-document. C'est quelque chose qu'elle apprécie beaucoup faire, débattre, échanger des idées, trouver des solutions. Son travail lui plaît énormément. Sinon, jamais elle ne s'investirait autant, au point de changer sa vie de A à Z. Bientôt, la brunette aperçoit la maison de l'auteur.

Evan Baker. Veronica ne le considère pas à proprement parlé comme un homme, ou comme un être vivant avec ses besoins, ses envies et son rythme. Elle ne voit en lui que l’écrivain talentueux qu’il est. Elle s’arrête uniquement à cette force encore brute qu’il faut dompter et recadrer, pour en tirer quelque chose de viable. Il est capable de grandes choses, elle en est persuadée, et son rôle à elle est de le pousser à donner le meilleur de lui-même. C’est ça, sa mission, la raison pour laquelle elle s’est installée dans cette petite ville depuis quelques mois déjà. Il allait renouer avec le succès et la gloire dans un avenir proche. La jeune femme, quant à elle, n’y goûtera pas, mais être dans la lumière, ça n’a jamais été son but. Cela dit, sa satisfaction n’en sera pas amoindrie. Au contraire. Agir dans l’ombre, tirer les ficelles, lui convient à merveille. Sans compter sur le fait que son paternel sera extrêmement fier du travail accompli et de ses performances.

C'est énergiquement qu'elle frappe à la porte. Veronica l'a prévenu qu'elle passerait dans la matinée et elle compte bien rester tout le temps nécessaire. Elle ajuste la bretelle de son chandail, revêt un sourire charmant (a)

Ce matin, Evan ouvre difficilement les yeux lorsqu’il entend frapper à sa porte. Il jette un œil à son réveil, et constate qu’il est en fait presque midi. Après un court instant de réflexion, il se souvient que Veronica devait passer le voir pour qu’ils discutent du manuscrit qu’il lui avait donner la vieille, et c’est donc certainement elle qui attend sur le pas de la porte.

Il se lève donc le plus rapidement possible pour accueillir son hôte. La tâche lui est rendu difficile à cause de son manque de sommeil et de son taux d’alcoolémie qui n’est sans doute pas encore tout à fait revenu à zéro. Il faut dire qu’hier soir, il n’a pas vraiment joué les mecs raisonnables. Après avoir enfin fini le travail qu’il devait rendre à Veronica, il a jugé qu’il méritait bien de se détendre en sortant au bar. Là bas il a rencontré un pote, puis un autre, et encore un autre... Au final il a bu pas mal de verre..! C’est ça l’avantage des petites villes comme Shady Cove, c’est facile de retrouver ses potes !

Puisque son éditrice est déjà en train de l’attendre, Evan se contente d'enfiler des fringues propres en speed, passer rapidement dans la salle de bain pour ordonner un minimum ses cheveux et se passer un peu d’eau fraiche sur le visage, puis il se dirige sans plus tarder vers la porte. Après avoir pris une bonne inspiration pour se donner du courage, il ouvre finalement et arbore un sourire hypocrite à la jeune femme. Il a de plus en plus de mal à rester cordial avec elle, mais jusqu’à maintenant il a réussi à garder son calme en sa compagnie malgré leurs mésentente sur certains points.

Bonjour ! Lance-t-il, espérant que son manque de sommeil ne se lise pas trop sur son visage.

Entrez, je vous en pris. Ajoute-t-il ensuite poliment  en se décalant pour laisser la jeune femme pénétrer dans la maison.

Un léger sourire sur les lèvres, Veronica fait preuve d'une patience exemplaire devant la porte de l'écrivain. Elle semble heureuse, épanouie. Pas tant par le lieu, mais surtout grâce à son travail qu'elle fait avec plaisir chaque jour que Dieu fait et sans jamais décrocher. Il y a fort à parier qu'elle ne sera jamais une femme d'intérieur. En revanche, si elle continue avec la même assiduité, elle parviendra à faire une belle carrière, que ce soit, ou non, dans l'entreprise de son père. Il occupe une grande majorité de son esprit, de son temps. Elle ne décroche que très rarement et toujours pour une période limitée. La preuve la plus flagrante est sans doute ledit emménagement. Il n'y a pas tout le monde qui irait jusqu'à quitter sa vie, son nid pour accomplir au mieux ses tâches professionnelles.

Ses pensées sont balayées lorsque la porte s'ouvre. Si Evan l'avait oublié, il en aurait payé le prix fort. Heureusement pour lui, cette question ne se pose pas ! La jeune femme est réellement ravie de le voir. Ils vont pouvoir, sans tarder, s'atteler à la tâche. Ce futur livre est surement aussi important pour lui qu'il l'est pour elle. Même si les raisons sont toutes différentes.

- Bonjour, et merci ! lance-t-elle en réponse, ne se faisant pas prier pour rentrer. Elle a déjà eu quelques occasions de se rendre chez lui et, finalement, ne se gêne pas tant que cela. Si le courant ne passe pas extrêmement bien entre eux, la jeune femme fait mine de ne pas s'en apercevoir, la plupart du temps. Et puis, après tout, ça ne rentre pas en ligne de compte.

- Alors, bien dormi ? En forme pour ce qui nous attend ? demande l'éditrice, uniquement dans un souci de bienséance ainsi que de suivre un minimum les conventions sociales. Si ça ne tenait qu'à elle, si elle ne faisait pas d'efforts, elle commencerait sans préambule. Mais autant caresser dans le sens du poil, faire dans la dentelle. Après tout, ce qui s'annonce ne sera pas forcément facile, ni pour l'un, ni pour l'autre. L'important étant qu'ils sortent en étant à nouveau sur la même longueur d'onde - si tant est qu'ils l'ont déjà été...

La jeune femme prend son porte-document, l'ouvre pour en sortir l'extrait ainsi que ses notes.

Evan a toujours été passionné par son travail, et même si son don pour l’écriture a bien sûr eu son importance, son succès il le doit aussi a son acharnement et aux heures qu’il a passé à bosser. Sa carrière a une grande importance dans sa vie, et il a récemment remarqué qu’il n’était pas le seul dans ce cas. En effet, son éditrice a également de grandes ambitions de carrière, et elle est prête à mettre tous les moyens en œuvre pour obtenir ce qu’elle souhaite. L’écrivain s’en est rendu compte un peu malgré lui, quand il a compris qu’elle faisait circuler en ville des rumeurs plus folles les unes que les autres, tout ça simplement pour donner matière à écrire à Evan. Et c’est ce genre de manière que l’écrivain n’apprécie pas chez cette femme. Certes, il a lui aussi dû se montrer manipulateur parfois vis à vis des habitants de cette ville, mais il n’est jamais allé jusque là, et surtout il éprouve quelques remords par rapport à ça, alors que ça ne semble pas être le cas de la jeune femme…

Enfin, quoi qu’il en soit, il se voit obligé de travailler avec elle jusqu’à la parution de son bouquin, le plus tôt possible il l’espère. D’ailleurs, elle vient aujourd’hui pour lui donner son avis sur ce qu’il a écrit dernièrement, et Evan a vraiment envie d’entendre un avis positif… Une fois réveillé il va donc lui ouvrir sans perdre de temps et l’invite poliment à entrer.

Pas vraiment, mais je vais faire avec…

Souffle-t-il sans mentir tout en refermant la porte d’entrée derrière elle. Il se doute qu’elle posait la question par simple politesse et n’a rien à faire de sa réponse, alors il ne s’éternise pas. De toute façon, ce n’est pas vraiment la personne avec laquelle il a envie de se taper la discut’...

Et vous, la forme ?

Ajoute-t-il lui aussi par simple politesse, tentant de faire un effort pour paraitre sympa avec elle. Une fois arrivés dans le salon, Evan reprend donc la parole.

Vous voulez boire quelque chose ?

Demande-t-il en se dirigeant vers la cuisine, ouverte sur le salon pour en faire une grande pièce de vie. Il se sert d’ores et déjà un verre d’eau, espérant que ça arrange un peu sa gueule de bois...

Ils devraient pourtant s'entendre. Sans mentir, Veronica et Evan ont un certains nombre de points communs et pourtant, on ne peut pas dire que ce soit réellement le grand amour entre eux. De son côté, la brunette est réputée pour avoir un coeur aussi froid que la glace - ou en tout cas, c'est ce qui ressort le plus souvent. Peut-être est-ce lié. Ou alors c'est uniquement à cause de la relation professionnelle qui les lie tous les deux. Ils vont d'ailleurs faire un malheur, elle en est persuadée.

Lire est une de ses activités favorites. C'est donc avec un certain plaisir qu'elle s'est attelée à cette tâche la veille, dans l'optique de rencontrer Evan aujourd'hui. Sans ambiguïté aucune, ce sont toujours des moments qu'elle attend avec impatience. Le plus jouissif est certainement de deviner l'impact que les rumeurs lancées par ses soins peuvent avoir sur les écrits du garçon. Elle se sent utile, ou en tout cas sur la bonne voie pour arriver à leur fin. Leur destin est, à ses yeux en tout cas, lié - au moins jusqu'à la parution du livre.

Son sourire s'élargit lorsque l'écrivain répond à la question. Il cache sa joie à merveille (a) Sans doute est-elle persuadée qu'il exagère un peu et qu'ils vont bien s'amuser. Ce n'est pas impossible qu'ils ne partagent pas la même définition du mot.

Toujours. s'exclame-t-elle, le suivant dans le salon. Alors qu'il se dirige vers la cuisine, Veronica prend place, posant son porte-document sur la table basse. Volontiers un verre d'eau. reprend-t-elle, relevant brièvement les yeux. Puis, elle reporte son attention sur l'extrait du manuscrit qu'elle feuillette brièvement.

La jeune femme profite du court laps de temps pendant lequel Evan est occupé pour discuter sur le ton de la légèreté.

Ca m'impressionnera toujours la vitesse à laquelle les rumeurs se propagent ici... Vu ce que j'ai entendu ces derniers temps, ça doit bien t'aider pour la suite, non ? demande-t-elle, l'air de rien, comme si elle n'était qu'une auditrice parmi tant d'autres et qu'elle n'avait rien à voir avec les bruits circulant en ville... Voyons, qui ferait une chose pareille (a)

En apprenant que c’était la fille de son éditeur qui allait s’occuper de lui à présent, Evan n’avait pas d’a priori sur elle. Mais finalement il se rend compte que malgré leur désir commun d’avoir une belle carrière professionnelle, leurs méthodes de travail n’étaient pas forcément les mêmes. Peut être le problème vient-il aussi du fait que cela fait maintenant plus d’un an qu’Evan est installé à Shady Cove et manipule plus ou moins ses habitants pour écrire son bouquin. Donc forcément au bout d’un moment, il a commencé à s’attacher à certaines personnes, et il a de plus en plus de mal à continuer sans état d’âme alors que Veronica elle vient d’arriver en ville, elle ne connait personne et c’est donc presque normal qu’elle pourrisse de manière presque invisible la vie des gens sans que cela ne semble lui poser de problèmes de conscience…

Si l’écrivain n’est pas franchement emballé par cette entretien qu’il va avoir avec la jeune femme, elle semble ravie, et de bonne humeur qui plus est. Tant mieux, cela rendra peut être ce moment moins désagréable. Laissant Veronica prendre place sur le canapé, il se dirige vers la cuisine pour remplir deux verres d’eau avant de la rejoindre.

C'est vrai que ça va très vite… Et honnêtement il y en avait bien assez avant pour que j’ai matière à écrire, pas besoin d’en créer de toute pièce…

Fait-il remarquer avant de poser les deux verres sur la table basse et s’asseoir à coté de la brune. Il n’est pas idiot, il sait très bien que les rumeurs se multiplient ces derniers temps, et que Veronica n’y est pas pour rien. Il devrait s’en réjouir c’est vrai, mais quand ça touche et blesse des personnes qu’il apprécie en ville, il a du mal à voir seulement le bon côté des choses…

Alors, qu'est ce que vous pensez de ça ?

Demande-t-il ensuite en indiquant du regard le manuscrit que Veronica tient sur les genoux. Il a hâte d’en finir, alors autant commencer sans perdre de temps.

Avoir une conscience, à quoi est-ce que cela sert ? Ce ne sont pas les gens qui en ont qui réussissent le mieux dans la vie. Veronica a des principes cependant, elle est considérée comme bien éduquée, intelligente, les scrupules lui manquent peut-être. Ses méthodes ne sont pas toutes très catholiques. Mais personne, pour l'instant en tout cas, n'a tenté de la faire revenir sur terre. Ce jour viendra éventuellement. Et, avec un peu de chance, on parviendra à lui inculquer des valeurs un peu plus... réelles. En attendant, la brunette n'a pas conscience une seconde de ses torts. Et ce ne sont pas les remarques ou l'expérience d'Evan qui vont y changer quoi que ce soit.

Leur relation de travail ne pourrait pas être mieux, aux yeux de Veronica. Le courant passe, ils ont cette même envie et cette même passion des livres. Faisant comme chez elle, la jeune femme s'installe sur le canapé et l'attend patiemment. Rapidement, elle entame la discussion sur le thème principal qui les intéresse tous les deux : les rumeurs. Veronica n'avoue pas une seconde son implication et pourtant, Evan n'est pas complètement stupide, il voit très clair dans son jeu. Il est d'ailleurs bien le seul. Surement parce qu'ils se sont connus avant son arrivée à Shady Cove. Sa nouvelle personnalité ne peut pas le tromper.

C'est le propre des petites villes; ils s'ennuient, alors ils papotent sur les autres. On n'y peut rien elle hausse les épaules, l'air de rien, comme si ce n'était en rien sa faute. Cependant, le sourire qui s'affiche ensuite sur le coin de ses lèvres traduit bel et bien son petit manège, tout comme la satisfaction qu'elle a à évoquer ce petit rôle qui lui tient tant à coeur. si Veronica agit ainsi, c'est uniquement pour Evan. Elle ferait n'importe quoi pour lui, pour son livre....

L'éditrice murmure un merci lorsqu'il apporte l'eau. La journée commence à merveille. Gardant un sourire aux lèvres, elle ne répond pas immédiatement à sa question mais en profite pour aborder un autre sujet :

Il serait peut-être temps de se tutoyer, non ? Certes, ils ne sont pas vraiment amis, ils collaborent. Mais peut-être que ça passera plus inaperçu si on les considère juste comme des collègues. Je t'ai fait des annotations. Mais, dans l'ensemble, c'est bien. Ca manque encore un peu de profondeurs, mais ça va continuer de se construire avec la suite, j'imagine.. ?

Elle a hâte, de voir son œuvre s'achever. Si Veronica fait mine d'être on-ne-peut-plus sérieuse, et professionnelle, elle ne peut pas cacher entièrement son excitation vis-à-vis de ce bouquin.

Evan est conscient que pour mener à bien son projet de roman, qui lui tient particulièrement à cœur, il a du se montrer stratège et pas vraiment honnête avec pas mal d’habitants finalement. Il a du faire semblant de vouloir sympathiser avec eux alors qu’il voulait simplement avoir leur confiance afin d’apprendre des détails croustillants de leur passé. Il ne regrette pas ce qu’il a fait parce qu’il a agit pour une bonne raison selon lui, et puis il est quand même resté “vrai” avec quelques personnes, qu’il considère réellement comme ses amis. Mais maintenant qu’il connait les gens de Shady Cove, il commence aussi à s’attacher à eux et c’est sans doute pour ça qu’il peine à finir son roman.

C’est peut être pour ça d’ailleurs que Veronica a ressenti le besoin de venir s’installer ici ? Pour lui mettre un peu la pression, lui rappeler qu’il doit se bouger pour finir son œuvre. Et puis elle l’aide à sa manière en faisant parler les commères de la ville aussi. Rien que pour qu’elle arrête de faire ça, Evan a envie de finir son roman à vrai dire… Les rumeurs sont assez nombreuses ici, et font assez de ravages comme ça, pas besoin d’en rajouter. Malheureusement, la jeune femme ne semble pas de cet avis.

Si, on peut déjà éviter d’en rajouter…

Insiste l’écrivain à propos des rumeurs. Peut être que si Veronica avait agi ainsi quand le brun venait d’arriver en ville, il aurait vu la chose d’un autre œil et aurait effectivement été heureux de ce coup de pouce, mais là ce n’est clairement pas le cas… Mais sa collaboratrice ne semble absolument pas tenir compte de ce qu’il pense, et ça commence à l’agacer d’ailleurs.

Il hausse les épaules et lâche un “ouais” d’approbation à propos du tutoiement. Il ne la considère pas comme une amie, et ce ne serait certainement jamais le cas d’ailleurs, mais après tout c’est vrai qu’en tant que collègues ils peuvent se permettre cette familiarité. Il écoute ensuite son avis sur ce qu’il a écrit.

D'accord, Acquiesce-t-il à propos des annotations. Bah là je suis quand même sur la fin donc je pense plus apporter beaucoup de modifications à vrai dire…

Lui fait-il savoir, tentant de rester concentré et professionnel malgré le fait qu’il soit encore dans le mal à cause de sa soirée de la veille. En tout cas du coup, il n’est pas franchement de bonne humeur alors Veronica a plutôt intérêt à être conciliante si elle veut éviter une prise de tête.

Ils réussiront, ou échoueront ensemble. Leurs carrières respectives sont liées. Veronica, de son côté, pourrait sans doute bénéficier d'une seconde chance de part son statut de fille du directeur. Mais elle ne l'accepterait pas si elle rate cette mission si importante. Grâce à elle, à son intervention, son installation dans cette ville et son double-jeu, ils devraient rapidement bouclé ce dossier. Il est la seule raison de sa présence à Shady Cove.

On sentirait presque une note de désaccord dans la voix de l'écrivain, lorsqu'ils abordent le sujet des rumeurs. Veronica se contente de jouer les ingénues, comme si elle ne savait pas ce qu'il se trame, comme si elle était étrangère à toutes ces rumeurs qui courent. Pour la plupart, c'est vrai, elle essaie simplement d'y mettre son grain de sel. Par contre, quelques unes émanent directement de sa personne. Il suffit de donner une information, un doute, une petite histoire, à la bonne personne pour que la réussite soit immédiate. Voilà pourquoi il est important de nouer des liens...

Mais ça t'aide... Tu peux l'avouer. elle n'est pas décidée à avouer à voix haute le rôle qu'elle s'efforce de jouer. En revanche, elle rêve d'entendre de la bouche d'Evan une sorte de remerciement. Un aveu, qu'il avoue que son aide lui est précieuse. C'est prétentieux de sa part, il n'y a aucun doute là-dessus et c'est sans doute exagéré puisqu'il s'en sortait déjà bien auparavant. Juste, pas suffisamment vite. Il peut faire toutes les allusions qu'il voudra au sujet de son manque de tact, et des rumeurs, elle y restera sourde. Butée la petite. Un léger sourire se dessine sur ses lèvres, elle est on-ne-peut-plus ravie qu'il accepte de passer au tutoiement.

Il faut juste la remanier. Enfin, je t'ai déjà donné mon avis là-dessus.

Commente simplement Veronica. Ce n'est pas toujours évident, de faire ce qu'elle fait, son travail. Surtout pour quelqu'un qui est aussi enthousiaste, de nature, par la littérature. Les livres sont sa passion. Mais elle se doit de garder la tête froide, de rester objective et de ne pas montrer ses émotions.

Au fait, pour ma crédibilité, il vaudrait peut-être mieux qu'ils ne sachent pas ce que je fais comme job Demande la brunette, cherchant, quelque part, son approbation. Il faut qu'ils se mettent d'accord. Une bonne diversion en attendant que le garçon lise et prenne en compte ses annotations. Mine de rien - même si c'est un sentiment ridicule compte tenu de la situation et du fait qu'Evan ne la supporte pas beaucoup - Veronica se sent proche de lui, presque complice... Après tout, ils partagent des secrets.

Quand Veronica est arrivée à Shady Cove, Evan avait déjà bien avancé l’écriture de son roman, il ne lui restait plus que les derniers chapitres à écrire, et des petites retouches à faire. Et à vrai dire depuis qu’elle est là, il a de plus en plus hâte de terminer ! Autant avant qu’elle soit en charge de son projet, il avait la paix et son éditeur lui demandait juste de temps en temps de lui montrer l’état d’avancement du roman, autant maintenant, il a presque l’impression d’être fliqué sans arrêt. Veronica est quand même allée jusqu’à venir s’installer dans la même ville que lui ! Enfin, il fait avec, il n’a pas vraiment le choix de toute façon. Il ne va pas mettre sa carrière en péril parce qu’il n’apprécie pas vraiment cette collaboration avec la fille Lang…

C’est ainsi qu’il se retrouve, un lendemain de cuite, à devoir faire un point avec elle sur les derniers chapitres de son bouquin. Il n’est pas vraiment d’humeur à se faire critiquer, mais il tente de faire un effort, dans le but une fois de plus d’accélérer au maximum la parution de son livre. Il ne veut pas le bâcler pour autant, mais ça ne sert à rien de perdre du temps à se prendre la tête pour des broutilles !

J’ai pas besoin d’aide de ce côté là.

Souffle Evan. Si Veronica ne semble pas vouloir admettre qu’elle joue un rôle concernant les rumeurs de la ville, l’écrivain lui ne veut pas approuver ce comportement en admettant que ça l’a aidé. Ils semblent chacun bien campés sur leurs positions à ce sujet, alors Evan préfère passer à autre chose, et entrer dans le vif du sujet.

Ouais, je vais voir ce que je peux faire…

Concède-t-il en prenant les pages annotés de la jeune femme pour y jeter un œil. Ce qu’elle demande semble relativement raisonnable, heureusement. De toute façon, même si elle joue un rôle important dans le projet, l’auteur c’est lui, alors il estime que s’il n’a pas envie de faire un des changements qu’elle lui suggère elle doit le laisser faire, c'est à lui d'avoir le dernier mot là dessus. Il relève la tête en sa direction lorsqu’elle reprend la parole.

Je pense que les gens savent déjà qu’on bosse ensemble non ? Tu veux qu’on leur dise quoi ?

La questionne-t-il ensuite, arquant un sourcil, un peu perplexe. Il ne voit pas trop où elle veut en venir. C’est vrai que sa venue peut paraitre louche, mais dans la petite ville elle est sans doute déjà fichée comme étant “une collaboratrice d’Evan Baker”...

C'est amusant de voir comme deux personnes peuvent avoir une vision totalement contraire d'une même situation. Veronica est ravie de cette collaboration. Plus le temps passe et plus elle se sent... proche de lui. Dans le sens où elle se trouve un bon nombre de points communs entre eux et ceux-ci font qu'elle a d'autant plus envie que ça se passe à merveille. Malgré tout, elle reste son éditrice, et, pour cette raison, il y aura toujours une sorte de barrière entre eux pour ne pas compromettre son travail.

Son air se rembrunit instantanément. Autant Veronica est prête à entendre beaucoup de choses, autant, il y en a qu'elle n'est pas prête à concéder. Et ce qu'Evan évoque en fait partie. Si tu n'avais pas besoin de mon aide, ton livre serait déjà disponible en librairie, depuis un bout de temps. Une vérité un peu brutale, mais nécessaire. L'éditrice se sent, en effet, indispensable, elle se donne le bon rôle et une importance surement exagérée. D'ailleurs, elle ne comprend pas comment cela se fait que l'écrivain n'en arrive pas au même raisonnement, qu'il ne lui soit pas reconnaissant de tout ce qu'elle met en oeuvre pour lui, uniquement pour lui. Voilà, c'est ça, il devrait se contenter de lui dire « merci » pour les sacrifices qu'elle fait.

J'ai confiance en toi. Cette fois, son ton est nettement plus doux, mais d'autant plus sincère. L'editrice apprécie réellement le travail du jeune homme, que ce soit par le passé, qu'en ce qui concerne son nouveau livre. Et il lui semble important de le souligner. Malgré le comportement qu'elle peut avoir, les remarques qu'elle peut faire, il ne faut pas y voir du négatif.

Par la suite, la brune lui demande s'ils peuvent éviter d'étaler selon détails de leur relation professionnelle. Elle hoche légèrement la tête. Il n'a pas tort. Ils sont bien placés pour savoir que les bruits circulent rapidement. Les nouveaux arrivants sont comme du pain béni. Oui, mais on va peut-être éviter le : « je suis son éditrice et je l'aide à finaliser son livre qui porte, en quelques mots, sur vos vies. » Tu ne penses pas ? Un sourire éclaire ses lèvres. Non, sérieusement, ils ne peuvent pas savoir toute la vérité. Veronica n'a pas encore réfléchi de ce qu'elle racontera s'il faut donner des précisions, mais ça viendra x)

Peut être qu’Evan finira par changer d’avis sur Veronica, qu’il se rendra compte qu’ils ont plus de points communs qu’il ne le pense, et qu’elle ne veut que son succès. Mais pour le moment, il ne peut s’empêcher de se focaliser sur ses façons de travailler, qui ne lui plaisent pas forcément. Enfin, elle a au moins le mérite d’être toujours cordiale avec le brun, et il ne peut pas lui reprocher non plus de prendre son poste à la légère ! Au contraire, elle est peut être même trop impliquée à son goût… Mais personne n’est parfait après tout, et il faut qu’Evan apprennent à travailler avec des personnes qu’il n’apprécie pas forcément. Heureusement, il est d’une nature suffisamment sociable pour pouvoir le faire sans trop de problème.

Je préfère prendre le temps qu’il faut pour sortir un ouvrage de qualité c’est tout.

Répond Evan, légèrement agacé pour la remarque de son éditrice. Bon, c’est vrai qu’il traine un peu sur la fin, qu’il a du mal à finaliser son bouquin à cause du fait qu’il s’attache de plus en plus aux habitants de ce village, mais il reste convaincu que l’aide de Veronica n’était pas indispensable. Même sans elle son roman serait sans doute sorti un jour ou l’autre. Mais bon, il faut admettre que même si ce n’est pas forcément agréable d’avoir quelqu’un sur le dos, cette pression l’oblige à se bouger les fesses pour terminer son livre. Et plus il sortira vite mieux ce sera, Evan en est conscient. Même si ce projet lui tient à cœur, il a maintenant presque hâte d’en finir avec ça il faut dire.

Merci.

Finit quand même par lâcher Evan quand l’éditrice lui fait savoir qu’elle lui fait confiance. ça fait plaisir à entendre, alors lui aussi peut faire un effort pour se montrer sympa et la remercier. Reste à espérer que ce qu’elle dit est sincère..!

Oui, bien sûr. Mais si les gens me demandent pourquoi exactement tu es venue t’installer à Shady Cove, tu veux que je leur dise quoi ?

Lui demande-t-il ensuite. Autant qu’ils racontent la même chose tous les deux s’ils ne veulent pas paraitre suspects… Evan a déjà dû esquiver les questions de Jamie à ce sujet par exemple, et si jamais une situation similaire se présente à lui, autant qu’il ait une réponse claire et précise à donner.

C’est amusant parce que, de son côté, Veronica ne se rend pas bien compte de l’aversion d’Evan à son égard. Elle estime à tort être la meilleure chose qui lui soit arrivé, de la même manière que lui l’est pour elle. Pas sur un plan des sentiments, mais pour le travail. Toujours le travail. Ils vont tous les deux s’aider pour (re)lancer leur carrière respective.

Réponse bateau. commente la brune, prenant le risque de l’énervé. Evidemment, elle ne peut pas savoir ce qu’il « traverse » ni ce qu’il ressent puisqu’elle-même n’écrit pas – et même le fait de lire énormément ne peut pas l’aider à se mettre à sa place. Mais elle considère qu’à un moment ou à un autre, il faut se donner un bon coup de pied au derrière et dépasser ses blocages. Elle n’imagine pas que ceux-ci se traduisent par son attachement à cette ville. Veronica ne peut de toute façon pas concevoir que quelque chose, quelle qu’elle soit, puisse surpasser l’importance du travail.

Veronica esquisse un sourire, il n’y a pas de quoi la remercier, c’est sincère. Qui plus est, de ce fait et parce qu’elle apprécie réellement son talent, elle adore travailler avec lui.

Que j’avais besoin de calme, de changer d’air et… Que j’ai été séduite par la façon dont tu parles – sans cesse – de cette ville ? réfléchit-elle à voix haute. Ca lui semble être une raison plausible. Ils risquent bel et bien de faire l’amalgame, de se dire qu’elle l’a suivi, que c’est pour Evan qu’elle est là. Ils n’auraient pas totalement tort. Mais pas pour les raisons qu’ils pourraient le croire – pas par amour. Quelle idée saugrenue !