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Since forever For years on end Newbies

La vie de Charlotte a longtemps ressemblé à celle de toutes les jeunes filles de bonne famille de l'Upper East Side. Son père et sa mère, tous les deux issus de famille aisée, habitaient un appartement confortable sur Madison Avenue, dans l'Upper East Side, héritage de ses grands-parents paternels.
Son père, juriste, était senior partner au sein du plus gros cabinets d'avocats du sport de Manhattan, alors que sa mère dirigeait le service RH de Barneys ; de bonnes situations professionnelles, mais demandant beaucoup de travail. C'est peut-être la raison pour laquelle ils ont toujours formé un couple soudé, n'ayant même pas le temps de se disputer. Il n'en demeure pas moins que dès sa plus tendre enfance, Charlotte a vu en eux un modèle pour sa vie future. Elle aussi se marierait un jour, pour former le même couple uni que ses parents.
En attendant, Charlie - comme sa mère l'appelait souvent, connut une enfance des plus classiques : école, puis lycée privés. Nombreuses activités extrascolaires, toujours liées cependant au domaine artistique. Danseuse classique dès le plus jeune âge, pianiste de la première heure, elle ajouta à ces deux talents la guitare sèche au lycée, plus dans le but de distraire ses amis, d'ailleurs.
La fac vint ensuite, section architecture et design ; passionnée d'art, Charlotte avait également hésité avec la carrière de galeriste, avant de se rendre compte qu'en devenant décoratrice d'intérieur, elle pourrait non seulement côtoyer ces œuvres qu'elle aime tant, mais aussi leur offrir le plus beau des écrins, la meilleure des mises en valeur.
C'est à cette période qu'elle rencontra celui qui serait son futur mari. Phil était comme elle un fils de bonne fille, qu'elle connaissait à vrai dire déjà, en tant qu'aîné des enfants d'un collègue de sa mère. Elle n'avait, cependant, jamais prêté la moindre attention à lui avant que leurs chemins ne se croisent hors du cercle parental. Il ne leur fallut pas plus d'un trimestre pour former un couple, au plus grand bonheur d'ailleurs de leurs familles respectives.
Phil était un brillant étudiant en finance, et au sortir de ses études il fut embauché dans une grande banque, alors que Charlotte rejoignait une société de décoration d'intérieur huppée. Si son métier la passionnait, et lui apportait un certain succès, son couple en revanche se révéla rapidement décevant. Hors du cadré estudiantin, Phil devint mesquin, carriériste, et bien trop matérialiste. Charlotte, bien que déçue de ce changement de caractère, fit ce qu'elle pouvait pour s'en accommoder. Son mari - leur union ayant eu lieu peu de temps après leurs diplômes respectifs - n'en demeurait pas moins un homme brillant, charismatique et généralement chaleureux.
En famille, en particulier, il devenait quelqu'un d'autre, et tout semblait alors plus facile à Charlotte. Elle qui s'était senti un instinct maternel très tôt vécut leur décision d'avoir un premier enfant comme un véritable bonheur. Phil redevint pendant quelques mois l'homme qu'il avait été à la fac, plus prévenant, plus délicat.
Charlotte aménagea ses horaires, s'attendant à tomber enceinte d'un jour à l'autre ; mais rien en vint. Les semaines passèrent, puis les mois. Charlotte se mit à enchaîner les visites chez le médecin, la gynéco, avant qu'une nouvelle fatale ne tombe un matin, annoncée de façon abrupte par son praticien : elle était stérile. Définitivement. Aucun espoir de FIV pour lui remonter le moral. Son ventre ne porterait jamais d'enfant.
Cette journée lui est restée aujourd'hui encore comme une des pires de sa vie, si ce n'est la pire : elle déambula pendant des heures dans les rues de Manhattan, n'osant ni rejoindre l'appartement qui abritait son couple, ni appeler son mari.
Quand le soir vint et qu'il fallut rentrer, elle eut la sensation d'être un condamné qu'on envoie à l'échafaud. Comment annoncer la nouvelle à Phil, lui qui se voyait père d'une grande fratrie ? Bien sûr, il y avait la solution de l'adoption, et c'est ce que Charlotte lui présenta comme alternative. Mais l'enthousiasme n'y était pas, ni pour elle, ni pour Phil qui se referma, jour après jour.
Trois mois plus tard, alors qu'elle rentrait d'un chantier chez une cliente, elle constata que leur appartement était semi-vide. Phil avait emporté ses affaires, et laissé à la place les papiers d'une demande divorce, que Charlotte signa sans y réfléchir, trop abasourdie pour bien se rendre compte de la situation.
Moins de six mois plus tard, elle annonçait à ses parents sa décision de partir. Son ancienne patronne, avec qui elle avait mené une fructueuse collaboration, lui avait conseillé de s'installer, de monter son affaire, ne doutant pas de son succès.
Forte de ce projet, Charlotte vint s'établir à Shady Cove, où ses grands-parents maternels avaient si longtemps vécu ; le succès ne tarda pas à se faire connaître, la petite ville manquant visiblement de quelqu'un pour décorer ses maisons.
Charlotte se prit une maison, suffisamment grande pour y installer son bureau, et qu'elle ne tarda par à ouvrir à la colocation, pour tromper la solitude des premières semaines.
Aujourd'hui, elle est devenue membre à part entière de la petite ville, intégrée, bien qu'ayant gardé sa discrétion naturelle. Le moment idéal pour se lancer dans de nouveaux projets, familiaux, de nouveau.