What's in a name? That which we call a bitch by any other name would hurt as well [Terminé]

Les nouvelles sont rassurantes. Même si le cancer est bel est bien présent, Jane a un petit corps robuste et une fois l’opération passée, elle ne devrait pas avoir de mal à vite entrer en rémission. Il faut dire qu’elle a eu la chance d’être dépistée assez tôt pour que toutes les chances de guérisons soient de son côté. C’est ce que Dan est venu dire à son ami Gabriel alors qu’il prenait sa pose à la pâtisserie. Il ne va pas souvent le voir sur son lieu de travail, mais là, il ne pouvait pas attendre plus longtemps et comme il passait dans le coin au moment idéal, il a sauté sur l’occasion.
C’est donc un sourire un peu plus affirmé qu’il aborde aujourd’hui. Depuis le diagnostique de sa mère, le barman a quelques peu perdu de son engouement général pour la vie. Fatigué, rongé par des soucis qu’il n’avait pas avant, il essayait de faire bonne figure et ces bonnes nouvelles lui redonnent espoir. La seule ombre au tableau désormais, c’est le coût de tous ces soins. Jane et son mari n’ont pas une très bonne assurance santé malgré leur travail. Dan s’est proposé de casser son plan d’épargne pour l’université, transformé en épargne pour son projet futur pour aider à payer les premiers frais d’hôpitaux. Jane a évidemment commencé par refuser avant de réaliser qu’elle n’avait pas d’autre choix. Dan n’a pas grand-chose sur ces comptes, pas assez pour ouvrir un bar, mais assez pour sauver la vie de sa mère et choisir entre l’un et l’autre n’a pas été compliqué.

Fauché mais rassuré, il quitte discrètement l’arrière boutique pour rentrer chez lui en passant par la salle du salon de thé. La pâtisserie vient de rouvrir et quelques clients ont déjà été servis. Il se dirige vers la sortie quand Gabriel l’appelle de loin pour lui dire qu’il allait oublier son téléphone. Dan fait donc volte face pour le récupérer, salue une dernière fois son ami qui disparait dans les cuisines. Cette fois c’est la bonne il s’en va. Ah, un nouveau message, Dan tapote de son pouce l’écran tactile de son smartphone pour voir de quoi il s’agit, les yeux rivés sur l’écran puis s’arrête brusquement évitant de peu de rentrer dans une cliente. Malheureusement, elle aussi inattentive est surprise par cette collision évitée de justesse et a sursauté laissant son gobelet de café ou autre boisson chaude se déverser un peu sur elle, un peu sur Dan et beaucoup sur le sol.

La première réaction du barman est de lancer un « Wooops » avant de ricaner légèrement devant le ridicule de la situation. Puis il s’excuse aussitôt, bien conscient toutefois de ne pas être le seul coupable. « Désolé, j’ai pas fait attention. » Il relève enfin le regard vers le visage de la jeune femme et penche sa tête sur le côté en plissant les yeux, il connaît ce visage. « Euh, je vais peut-être attraper des serviettes pour… pour, enfin les tâches quoi. » Dan garde un immense sourire mais reste pourtant immobile se demandant si oui ou non ce visage est celui de Lilah Ward.

Jour de congé, enfin. Lilah aurait pu dormir, faire la grasse matinée et glander toute la journée. Avant, elle aurait probablement fait ça. Mais maintenant, elle s'occupait, elle profitait de la ville, des gens. En fait, elle avait du mal à rester seule dans sa maison.

Et puis elle avait découvert le salon de thé, son ambiance chaleureuse, et surtout son patissier. Lilah était tombée fan des pâtisseries de Gabriel Evans, elle craquait donc tous les jours pour une petite sucrerie. Le Cup of Tea était devenu, en quelque sorte, son repère matinal, son petit coin de tranquilité. Et ce matin elle s'était levée pour aller profiter d'une bonne patisserie, un café chaud et une bonne ambiance.

Son café et sa religieuse en mains, elle remercia le serveur et se détourna pour aller s'asseoir à une petite table dans le coin. Elle fit quelques pas puis se rappelle subitement que les serviettes sont près de la caisse. Elle se retournandonc, mais n'eut pas le temps de faire trois pas qu'un client manqua de lui rentrer dedans. Lilah sursauta, poussa un petit cri, et ce qui devait arriver arriva : le café se renversa. Le haut de Lilah, le pantalon du client, le sol, rien ni personne n'est épargné.

"Oh c'est pas vrai!", s'exclama-t-elle dans un élan plaintif.

"woops", c'est tout c que le fautif trouva à dire. Lilah manqua de faire une remarque avant de se résigner. Pas besoin d'ouvrir un conflit pour une remarque malheureuse. Mais quand même, il aurait pu faire attention, avec son téléphone!! Ce sont les adolescentes qui sont accros à leur portable au point d’oublier le reste.

Lilah leva les yeux vers lui, et au même moment il croisa son regard. La jeune femme crut déceler une lueur furtive étrange dans le regard du jeune homme. Il devait avoir à peu près le même âge qu'elle. Elle devait afficher une certaine frustration, voire une pointe de colère dans son regard. Avant qu'elle eut pu dire quoi que ce soit, l'autre client bredouilla qu'il devait peut-être aller chercher des serviettes, mais ne bougea pas. Il espérait quoi, qu'elles se téléporteraient dans ses mains. Décidément, l'homme n'avait pas l'air hyper dégourdi....

"Effectivement, je crois que ça serait utile."

La remarque fut un peu sèche, plus que ce que Lilah aurait voulu. Son agacement transparaissait dans ces paroles. Elle tenta un sourire, peut-être que ça rattraperait le coup.

"Je vais y aller, ne vous embêtez pas, j'arrive."

Comme dit l'autre, on est jamais mieux servi que par soi-même. Lilah attrapa donc un lot de serviettes quelques mètres plus loin, puis revint à l'endroit du drame, essuya rapidement par terre, et se releva en tendant quelques serviettes au jeune homme avant de tenter de s'essuyer le haut.

"C'est bête, je venais d'aller faire ma lessive", lança-t-elle dans une tentative d'humour.

Peu à peu son agacement s'en allait, Lilah n'était pas tellement rancunière pour les petits tracas de la vie. Elle avait acquis un certain recul. Elle regarda son camarade d'infortune et lui lança un sourire, espérant qu'il dise quelque chose en retour. Elle se sentait légèrement ridicule, avec cette histoire.

La réaction de la malheureuse cliente est plus que compréhensible. On ne peut pas dire que quelqu’un sur terre soit fan des tâches de café sur les habits neufs ou pas. Celle de Dan est spontanée et il aurait sans doute plaisanté sur le sujet pour dédramatiser l’ensemble s’il n’avait pas reconnu le visage de cette peste de Lilah Ward. Il s’est excusé en plus, et sous le choc, s’empresse de proposer d’aller chercher des serviettes. Pourtant, il reste là, avec un sourire tordu à se demander si c’est bien elle ou s’il a vu un fantôme.
La jeune femme décide finalement de prendre les choses en main après une réponse plutôt sèche, son sourire détend un peu Dan quoiqu’il rougisse de ne pas avoir réagit assez vite.

Lorsqu’elle revient un quart de seconde plus tard avec des serviettes en papier, Dan s’accroupie à moitié pour lui venir en aide mais voyant qu’elle gère la situation, il se relève et prend celles qu’elle lui tend pour essuyer le haut de sa cuisse avec, avec un peu de chance, il a un pantalon noir aujourd’hui, au moins il ne va pas se trimballer dans toute la ville en faisant croire aux habitants qu’il s’est pissé dessus. La demoiselle en profite pour tenter une pointe d’humour que Dan repère aisément. Il relève un regard plein de gratitude à la brunette.

« C’est pour ça que je fais jamais la lessive. » Il ouvre un visage bien plus lumineux, souriant et détendu à l’adresse de sa compagne d’infortune. Peut-être que ce n’est pas Lilah Ward en fait. Dan voudrait lui poser la question directement, mais avant ça, pour rattraper sa maladresse, il fait une offre à la demoiselle. « Je peux vous payer un autre café peut être, c’est la moindre des choses. » dit-il en souriant. Il réduit un peu l’intensité de celui-ci sa rappelant que certaines ont tendance à prendre ça pour de la séduction. Offrir un café à une inconnue, un classique. En fait, Dan ne peut pas offrir un café à celle-là, il est fauché comme les blés et n’est même pas sûr d’avoir quelques dollars qui restent dans son portefeuille, il pourra toujours voir si sa carte bleue passe.

« C’est pour ça que je fais jamais la lessive. »

Lilah souffla intérieurement. Il avait vu l'humour et y répondait en toute sympathie, c'était déjà ça. Et la jeune femme crut voir son agresseur au café se détendre. Alors lorsqu'il lui proposa un café, elle ne se sentit pas d'humeur à refuser. Après tout, son gobelet avait perdu les trois quarts de son contenu.

"C'est gentil, je veux bien. Je le prend noir. Mais prenez-en un avec moi, alors", ajouta-t-elle en souriant.

En fait, elle avait envie de mettre ce jeune homme à l'aise, et pourquoi pas de faire connaissance. Mis à part qu'il avait ruiné son t-shirt, il n'avait pas l'air méchant, il semblait même sympathique à souhait, il devait s'en vouloir d'avoir fait cette bourde, et c'était l'occasion pour Lilah de montrer qu'elle pouvait être sympathique et avenant même en ces circonstances. Ca ressemblait à un challenge, c'en était peut-être un d'ailleurs, inconsciemment, pour la jeune femme, de prendre sur elle et de laisser de côté ses vieilles habitudes de pimbêche. Un peu comme "Yes Man", elle voulait être gentille en toute circonstance. Essayer du moins.

"Je vais...je vais aller m'asseoir là-bas et euh, je vais vous attendre, si ça ne vous dérange pas."

Il faut dire qu'elle commençait à en avoir marre de porter son gobelet d'une main et sa patisserie de l'autre et de rester comme ça, l'air manche, les deux mains en l'air. Et puis, ils n'allaient pas discuter debout en plein milieu du salon de thé quand même! Lilah relança un sourire furtif à l'inconnu - d'ailleurs il faudrait commencer par lui demander son nom, c'était embêtant de parler à quelqu'un qu'on ne connaissait pas du tout- et indiqua la table dont elle parlait. Puis elle fit volte face et alla s'asseoir, posant enfin son gobelet et sa patisserie, qui lui faisait terriblement de l'oeil, mais qu'elle mangerait plus tard. C'était impoli de manger devant quelqu'un qui ne mangeait rien.

Plaisanter n’est pas difficile pour Dan. Il le fait avec tout le monde, il règle son intensité en fonction des gens à qui il a à faire. Le truc, c’est qu’il a l’impression d’avoir reconnue Lilah Ward en cette victime inattendue. Cette touche d’humour lui permet de perdre un peu en nervosité. Il faut dire que si c’est bien de Lilah qu’il s’agit, Dan n’a pas toujours eu de bons rapports avec elle. Il fut un temps, Dan avait beau être le rigolo de la bande, accepté par tout le monde au lycée, ça n’empêchait pas cette gamine de se foutre allègrement de lui à temps plein. Evidemment, Dan répondait toujours à ses attaques avec humour et ironie mais ce serait mentir s’il niait avoir été longtemps gêné par l’attitude de miss Ward.
Avant de lui sauter à la gorge pour lui demander son nom, Dan propose naturellement de lui remplacer son café, et elle accepte lui proposant même d’un partager un avec elle.

« Euh … Ouais, d’accord, avec plaisir. » Bien, maintenant il faut que la carte passe, sinon il va passer pour un blaireau. Vivement la paye. « Okay, j’arrive avec ça alors. » Dan prend le chemin opposé et va au comptoir commander les boissons désirées. Heureusement c’est un vendeur qu’il connait bien, il lui explique la situation et lui offre le café de remplacement de la demoiselle, quant au café de Dan, lorsqu’il donne sa carte le ventre noué, le solde est accepté. Ouf. Il adresse un sourire au vendeur et retourne donc vers la jeune femme et s’installe à ses côté, souriant poliment. « Et voilà, noir. »

Il jette un court regard inquisiteur vers elle avant de rapidement poser la question qui le taraude depuis le début oubliant pour l’occasion le vouvoiement. « Tu serais pas … Lilah Ward ? » Bon, si elle dit non, il va avoir l’air d’un vrai con.

Lila s'assit a la table et attendit patiemment le jeune homme, qui ne tarda pas à arriver avec deux cafés dans les mains. Il s'installa à coté de la jeune femme qui lú rendit son sourire tout en le remerciant pour le café. Elle s'apprêtait à porter le breuvage à ses lèvres lorsque son compagnon maladroit la stoppa nets avec une question.

"Tu serais pas...Lilah Ward?"

La brunette ouvrit des yeux surpris et reposa doucement le café devant elle. Elle scruta attentivement l'inconnu, qui de toute évidence n'était pas si inconnu que ca. Mais elle avait beau réfléchir, pas moyen, elle ne se souvenait absolument pas de ce jeune homme. Aucun nom ne venait. Alors au bout de quelques secondes, elle se décida à répondre.

-Euh, oui, c'est moi.

Il l'avait reconnue sans trop hésiter. La connaissait-elle de vue? De nom, de réputation? Après tout ici, les rumeurs allaient plus vite que Bip Bip et le retour de la pimbeche avait du faire les choux gras des commères, Lilah ne seraite pas étonnée que la moitié de la ville la reconnaisse dans la rue. Mais il était également possible et probable qu'il l'ait reconnue parce qu'il l'avait connue en personne. Après tout les deux jeunes gens avaient plus ou moins le même age, ils auraient pu se connaitre à l'adolescence. Dans ce cas pourquoi avait-il reconnu Lilah alors qu'elle était incapable de dire qui était ce grand brun? Elle sourit, un peu gênée, avant de reprendre.

-Excuse moi, mais on se connaît? Je n'ai aucun souvenir de t'avoir déjà rencontré....

Elle avait conscience que ce pouvait être mal pris de son interlocuteur, personne n'aimait reconnaître quelqu'un et se rendre compte que ce quelqu'un ne nous replace pas du tout. Elle ne voulait pas vexer ce jeune homme, mais il lui fallait bien être honnête, elle était persuadée de ne l'avoir jamais côtoyé dans sa vie. Les gens ne changeaient pas à ce point physiquement que l'on ne les reconnaissait pas. Elle fit une grimace embarrassée, espérant qu'il ne le prenne pas trop mal. Elle espérait surtout qu'il ne se souvenait pas de Lilah Ward pour une mauvaise raison... or c'était fort probable vu le nombre de gens qu'elle avait maltraité.

Avec chance, Dan tombe sur quelqu’un de sympa à la caisse du Cup of tea, sa carte bancaire semble elle aussi des plus amicales, de quoi lui redonner un peu de sourire. Maintenant qu’il a acheté les cafés, il retourne voir la pauvre victime de son inattention qui s’est déjà installée. Elle lui rappelle clairement Lilah Ward, cette pimbêche qui se moquait régulièrement de lui plus jeune mais son attitude lui permet tout de même de douter un peu de ce qu’il avance. Dan finit par arrêter de se demander et poser la question de façon claire.

A sa grande surprise, il ne s’était pas trompé sur la personne. En fait, au fond, il aurait préféré passer pour un con et faire une excellente nouvelle connaissance, mais maintenant qu’il sait que Lilah est de retour, Dan se referme un peu. Son visage sourit toujours mais il sent ses dents se resserre aux souvenirs qui l’envahissent. « Ah ! » lâche-t-il alors avec une neutralité mal contrôlée alors qu’elle en profite pour lui demander qui il est.

Ce n’est pas si étonnant qu’elle ne l’ait pas reconnu, Dan a pas mal changé depuis toutes ses années, il faut dire que les hommes voient les changements corporels définitifs survenir plus tard dans l’adolescence, Dan a du attendre un peu avant de pouvoir se la péter avec sa barbe sexy, au début il se trimballait avec un petit duvet roux horrible, ah ! les affres de l’adolescence…

« Dan Scheppers, on était à l’école ensemble, mais c’est normal que tu me reconnaisses pas, j’ai perdu pas mal de poids depuis le lycée. » lance-t-il alors en riant presque. Il confirme ses dires en tapant sa main sur son bidon. Non, il n’a pas du tout perdu de poids depuis le lycée, tout juste a-t-il pris quelques centimètres, mais il préfère annoncer d’entrer la couleur. Il n’a pas changé et même si elle veut l’attaquer, il est toujours aussi drôle et prêt à l’autodérision.

« Alors tu es de retour. » dit-il ensuite ne sachant pas vraiment comment réagir.

"Ah !"

Oui, ah. Visiblement, c'est tout ce que l'annonce inspire à son interlocuteur. Lilah fit une grimace quasiment imperceptible. Il n'a pas l'air enchantée que ce soit effectivement elle. Ca n'annonce rien de bon, rien du tout. Lilah voudrait pouvoir lui expliquer, s'excuser pour tout ce qu'elle a pu potentiellement faire, lui dire qu'elle est différente, lui dire qu'il peut l'apprécier... elle se tut. A quoi bon, après tout? Il était temps d'assumer ses erreurs.

L'inconnu se présente comme Dan Scheppers, non sans humour. Lilah ouvre de grands yeux. Dan, bien sûr! Le petit rigolo de service, le grand ami de Hailie. Lilah et Hailie était amies, mais Lilah ne faisait pas le poids face à Dan et Gabriel. Un petit gars un peu rondouillard, mais avec un humour formidable, sympathique à souhait. Mais ca n'avait pas empêché Lilah de lui mener une vie d'enfer. De se moquer de lui jour après jour, sur son physique, ses cheveux, son poids, ses blagues débiles, tout ce qu'elle pouvait. Il y avait un peu de jalousie dans ces moqueries, jalousie que Dan lui vole un peu Hailie. Il y avait aussi et surtout beaucoup de cruauté gratuite.

"Alors tu es de retour."

La brunette baissa les yeux. Que pouvait-elle lui répondre, lui dire, après s'être souvenue de ce qu'elle lui avait fait subir? Elle avait été nulle avec lui. Et voilà qu'il venait de lui offrir un café. Décidément, la vie était une comique. Il se passa deux secondes de silence, puis Lilah lança un soupir, avant de relever les yeux dans un sourire gêné. Elle haussa les épaules.

-Eh oui, je suis revenue. J'ai connu des... déconvenues sérieuses et j'ai décidé que mon point de chute serait Shady Cove.

Un peu masochiste, quand on y pense, de revenir dans une ville où beaucoup de personnes vous détestent. Si ça tombe Lilah ne tarderait pas à se faire chasser.

-Je me souviens de toi, en fait. Tu faisais rire tout le monde. Et j'étais loin d'être tendre avec toi. Une vraie pimbêche en fait.

Pire que ça même, mais par souci de préserver l'innocence du plus jeune public de ce forum, nous n'utiliserons pas le terme exact. Elle regarda Dan droit dans les yeux.

-Ca ne doit pas valoir grand chose pour toi, mais sache que j'en suis désolée. Vraiment. Je regrette cette période et mon comportement envers toi.

C'était sincère, bien entendu. Avec le recul, Dan et Lilah auraient même pu être amis si la jeune fille n'avait pas été si arrogante, si elle ne s'était pas comportée avec autant de mépris. Elle avait cru que comme ça elle se plaçait au dessus des autres; elle avait eu tout faux. Et voilà qu'elle se sentait plus idiote que jamais, mal à l'aise face à cette ancienne victime. Elle n'avait plus envie de patisserie tout à coup.

Okay, la première réaction de Dan ne présage peut-être pas le meilleur. Il faut dire que maintenant qu’il sait qu’il a bien à faire à Lilah Ward face à lui, il ne se sent pas vraiment à son avantage. Il a beau avoir toujours fait le fier et essayé de remballer la gamine avec humour lorsqu’il était plus jeune, ses remarques n’en étaient pas moins vexantes. Pourtant, Dan ne se démet pas de sa bonne humeur. Le plus, c’était de se sentir ébranlé par une fillette. Hautaine, prétentieuse et blessantes, voilà les premiers mots qui viennent à Dan en pensant à Lilah. Il ignore tout de son changement et de sa vie en général, mais même sans ça, ce n’est pas maintenant, une bonne dizaine d’années après qu’il va prendre sa revanche. La vengeance est un plat qui se mange froid, mais de toute manière, il n’a pas faim (a) et en plus, ce ne sont que de vieux ressentiments.

« Pas cool. » se contente-t-il de dire lorsqu’elle avoue avoir des déconvenues. Oui, il n’est pas revanchard mais il veut tout de même attendre un peu avant de vraiment la plaindre. Il porte son gobelet à la bouche et se brûle un peu le palais avec son café. Un message pour lui rappeler de ne pas juger Lilah comme elle a toujours eu l’habitude de le faire.
Elle reprend la parole pour lui dire qu’elle se souvient de lui y compris de ce qu’elle lui faisait subir. Dan ricane spontanément, il s’excuse aussitôt du regard surtout en l’entendant ajouter qu’elle est désolée et qu’elle regrette cette période passée. Il pose alors son regard sur elle comme pour sonder sa sincérité. Il lui faudra peut-être un peu de temps pour l’accepter, mais il n’a pas l’intention de lui en vouloir aujourd’hui.

« T’étais une gamine » Enfin, les premières années, mais ça a duré jusqu’à ce qu’elle quitte la ville en fait. « Bon, allez, le passé on s’en fout, dis moi plutôt pourquoi t’as choisi de revenir ici, t’avais l’air d’une nana qui veut parcourir le monde. » lance-t-il alors essayant de détendre l’atmosphère sans se soucier de savoir si sa curiosité n’est pas un peu déplacée.

On avait frôlé l'échec. Le ricanement de Dan avait donné un frisson à Lilah, celui qui disait "il va te massacrer, te jeter en pleine figure toutes tes conneries, et tu l'auras bien mérité ma fille". Mais le jeune homme s'était aussitôt excusé du regard, et avait continué la discussion normalement. Elle qui pensait qu'elle devrait faire face aux reproches fut agréablement surprise de la gentillesse de Dan. Bien entendu, il avait toujours été gentil, c'était dans sa nature, mais même le plus gentil des hommes aurait pu être rancunier à l'égard de Lilah Ward. Il ne la lyncha pas, il se contenta de la regarder attentivement, ce qu'elle pouvait comprendre vu comme ses paroles pouvaient surprendre -à moins qu'elle ait un truc sur le visage?

"T'étais une gamine." Littéralement ou dans sa tête? Les deux réponses se valaient, sûrement. Et cela semblait conclure la chose pour l'instant, du moins. Dan enchaina en demandant la raison du retour de la jeune femme, comme si de rien n'était, comme s'ils étaient juste deux connaissances qui se retrouvaient après des années. Lilah lui en fut très reconnaissante et le lui signifia par un regard et un sourire qui en disaient long. En fait, elle commençait à apprécier Dan Scheppers, après cinq minutes trente et malgré un t-shirt ruiné.

"Je suis partie à Boston pour mes études. Je voulais...j'étais persuadée que j'allais devenir une brillante avocate, en fait. Disons que ça ne s'est pas passé comme prévu."

Elle eut un petit rire amer en repensant à cette mésaventure. Mais il fallait bien qu'elle mette le passé et son amertume de côté, un jour.

"Du coup, j'ai changé de plan et me voici. Je sais pas si c'était un choix de revenir ici, en fait. Je voulais juste revenir quelque part où je serais un peu moins paumée. Au final je suis là et je me rend compte que j'ai laissé plus de mauvais souvenirs que de bon. C'était peut-être pas une si bonne idée."

Elle haussa les épaules et reporta le regard sur son café, dont elle but une gorgée. Avec Dan, ça en faisait un de moins, c'était déjà ça.

Rancunier ? Dan ne l’est pas vraiment, pas la vraie rancune tenace qui pourrait le pousser à souhaiter la mort de ses ennemis ou pire, leur déchéance sociale. Et puis, ce n’est pas comme si Lilah avait tué l’un des parents de Dan, elle s’était contentée d’agir comme la pimbêche qu’elle était à l’époque. Cela dit, il fait tout de même preuve de peu d’empathie lorsqu’elle lui explique qu’elle est revenue ici suite à un échec. Alors qu’elle semble faire des excuses, il lui pardonne d’un revers de main mettant en cause son âge à l’époque. Elle a sans doute grandit depuis, enfin il lui souhaite.

Il lui demande ensuite plus précisément pourquoi elle est finalement rentrée. Il ne s’inquiète pas d’être indiscret. Dan agit instinctivement et naturellement, avec sa facilité légendaire. Comme avec une cliente au bar. Il lui dit de ne pas s’inquiéter mais n’ajoute pas qu’elle n’a pas intérêt à recommencer.

« Ah ouais. » Persuadée. Dan fait une grimace déçu pour elle mais par forcément étonné. En fait, il a beau ne pas lui en vouloir, il se dit qu’il y a une justice. Ne connaissant pas encore la nouvelle Lilah, il ne peut pas encore lui souhaiter tout le bonheur du monde mais s’attèle au moins à lui donner une seconde chance. « Pas facile de changer d’échelle, ça a du te faire bizarre de passer du complexe scolaire à la méga université. » dit-il.

Elle lui avoue ensuite que son retour en terrain connu n’est pas aussi évident qu’elle l’imaginait et Dan commence à ressentir de l’empathie pour elle. Il prend une longue gorgée de café avant de donner son avis sur la question.

« C’était peut-être un passage obligé, je veux dire, t’aurais peut-être pas changé si t’étais pas partie, après, tu peux pas en vouloir aux gens de vouloir que tu fasses tes preuves. »

Dan se sent d’ailleurs étrangement rassuré de savoir qu’il n’était pas le seul à l’avoir dans le nez. A l’époque, il se sentait particulièrement rabaissé lorsqu’elle commençait à l’ouvrir et à voir son attitude, on aurait dit qu’elle était celle qui avait raison. Il lui adresse cependant un sourire bienveillant, il sonde encore sa sincérité mais quelque chose lui fait croire que Lilah ne fait pas du tout le choix de la facilité en repointant son bout de nez par ici.

"Pas facile de changer d’échelle, ça a du te faire bizarre de passer du complexe scolaire à la méga université."

Et en plus il la console et lui donne une excuse. Ce Dan a tout de l'homme idéal, en fin de compte! Lilah ne releva pas la remarque, car elle savait très bien, au fond d'elle même, que le problème n'était pas là. Trop honteuse, encore, d'avoir échoué à ce point, elle préférait ne rien tenter d'expliquer, parce qu'aucune explication ne serait satisfaisante.

Bizarrement, elle ne pensait pas que parler de son retour et de son accueil mitigé à ce quasi-inconnu serait si facile. De toute évidence, Dan avait un don particulier pour mettre les gens à l'aise et les faire parler. Il était peut-être psy. Lilah détestait les psys, mais celui-ci ferait l'exception, si jamais.
Et la réponse ne se fit pas trop attendre, à la fois douce et ferme. Son camarade parla de passage obligé, de changement, et de faire ses preuves. La brunette sourit. Elle trouvait que c'était une façon délicate de dire "tout ne va pas te tomber tout cuit dans les mains, après tout t'es peut-être sympa aujourd'hui mais t'as quand même été une sacrée pimbêche avant." Elle comprenait tout à fait ça, d'ailleurs, pleinement consciente qu'elle allait devoir plus ou moins se battre ici. Mais la remarque laissait quand même à réflexion : aurait-elle changé si elle avait réussi ses études et était restée à Boston? Ou serait-elle restée cette fille prétentieuse? Parce que si la deuxième hypothèse était la bonne, alors peut-être était-ce finalement une chance d'avoir échoué. Ca se discutait. Enfin, au final, à l'heure actuelle, Lilah préfèrerait quand même être une avocate qu'une caissière de Shady Cove.

"Peut-être, oui. Peut-être que j'aurais changé de toute façon. En tout cas revenir ici me fait prendre conscience de qui j'étais...et j'en suis pas très fière. Je compte bien faire mes preuves, comme tu dis. Avec toi, entre autres."

Elle lui adressa un sourire timide avant de boire une gorgée de café. Elle avait une bonne impression à propos de Dan, il dégageait quelque chose de rassurant, de sympa. Elle avait envie qu'il l'aime bien. Mais elle décida de clôturer la conversation, car pour changer elle devait commencer aussi par s'intéresser aux autres, et Lilah Ward était devenue curieuse des gens.

"Bon, assez parlé de moi! Que fait donc Monsieur Dan à Shady Cove depuis que je suis partie?"

Donc Lilah Ward est de retour à Shady Cove. Bien, Dan met de côté un instant son instinct défensif et tente d’accepter le fait de lui donner une deuxième chance. Après tout ce n’est pas si compliqué, elle n’a pas l’air de vouloir à nouveau balancer de désagréables remarque sur son physique rondouillard, étant donné que c’était ce qu’elle faisait 99 pour cent du temps avant, c’est déjà un bon pas en avant qu’elle fait là. Il ignore donc tout sentiment de rancune et s’attache à faire peau neuve, comme il le peut, en interrogeant Lilah sur sa vie en dehors de la ville. Elle ne semble pourtant pas exactement ouverte à trop se dévoiler. Tant pis pour lui, il en a vu d’autre.

Tout en sirotant son café, il avance un argument sur le changement qu’elle a effectué en elle, supposant qu’il ne serait peut-être pas arrivé si elle n’avait pas quitté Shady Cove. Il faut dire que des pimbêches, la ville en a compté de belles et Lilah en faisait partie. Il sourit à sa réponse, alors qu’elle avoue vouloir faire ses preuves et avec lui entre autre. Il baisse le regard un instant vers son gobelet, tapote le carton du bout des doigt avant de lui apporter une réponse qui l’étonnera sans doute. « Je serais pas le plus difficile à convaincre. » lance-t-il en fronçant le nez amusé. Dan est un homme foncièrement bon et gentil, parfois trop, et il se connait assez pour savoir que ce pincement au cœur qu’il a en repensant au passé avec Lilah sera bien vite oublié. Il espère bien sûr qu’il ne se fera pas avoir mais c’est plus fort que lui, il voit le meilleur en chacun.

Lilah change finalement le sujet pour s’intéresser à lui, sans doute pas l’idéal quand on veut se repentir que d’avoir face à soi quelqu’un cherchant à le psychanalyser. Dan comprends. Il sourit aussitôt à la question de Lilah, il est vrai que les choses ont bien changé depuis le départ de la petite pour l’université.

« Ah, ah, bonne question. Je suis barman au Shelter. » dit-il sans détour. Il est fier de son boulot et même si les temps son durs, il s’accroche, pas question de partir en Alaska pour bosser nuit et jour sur une plateforme pétrolière pendant 4 mois et revenir les poches cousues d’or. Jane a besoin de son fils et Dan a besoin de Shady Cove, c’est ainsi, il espère tout de même se trouver une solution quant à sa situation financière. « J’aime bien ce boulot et je suis plutôt efficace là dedans alors j’ai pas à me plaindre. »

« Je serais pas le plus difficile à convaincre. »

Ca semblait une remarque anodine, ça n'en était pas une. Pour Lilah, c'était même beaucoup. Elle adressa un regard reconnaissant à Dan. Il faisait des efforts dingues, des efforts qu'elle ne méritait peut-être même pas, et elle n'oublierait jamais ça.
Son camarade lui annonça ensuite son métier : barman. Ahah!! L'énigme était donc enfin résolue. Dan n'était pas psy, il était mieux que ça. Il était ce mec derrière le bar, qui vous écoute racontre votre vie entre deux verres d'alcool, qui vous console quand le verre de trop vous transforme en pathétique madeleine, qui vous raccompagne jusqu'à un taxi et qui le paie. Lilah adorait les barmans, contrairement aux psys. Et Dan affirmait aimer son boulot et être efficace, ce dont elle ne doutait pas. Efficace pour servir des verres, ou efficace pour les actions citées plus haut, là était toute la question, mais Lilah pariait que c'était pour les deux.

-Je comprend mieux pourquoi on se sent à l'aise pour te parler, lança-t-elle dans un sourire.

En espérant qu'il ne le prendrait pas mal. Parfois les barmans se vexaient quand on évoquait la partie "discussion" de leur métier. Après tout, c'était comme quand on parlait aux caissières de la partie "les clients qui n'achètent que des préservatifs". Pas toujours drôle, mais les gens étaient curieux des petites histoires croustillantes de la vie quotidienne. Surtout ici, à Shady Cove, où le contenu d'un caddie pouvait faire l'objet des rumeurs les plus folles. Dan se faisait peut-être également harceler pour savoir qui avait révélé quoi lors d'une soirée trop arrosée. La joie des bourgades à rumeurs, comme miss Ward aimait les appeler. Au moins à Boston, elle n'avait pas eu ce problème.

-Mais, même si tu aimes bien, tu voudrais pas...Faire autre chose? Je veux dire, tu voudrais rester barman toute ta vie?

Ca lui semblait être une idée inconcevable, on ne pouvait pas vouloir rester barman toute sa vie. On voulait autre chose, être considéré autrement, non? Ou peut-être était-ce elle qui avait la mauvaise façon de penser, qu'elle avait une optique encore trop portée sur la réputation et la classe sociale.

Dan ne rechigne pas à dire à Lilah ce qu’il est devenu. D’autant qu’elle ne semble plus être la même. C’est marrant parce que dans un sens, il a comme l’impression de la retrouver, la vraie Lilah Ward et non l’espèce de personnage ingrat qu’elle s’était forgée. Il apprécie de plus en plus sa compagnie surtout lorsqu’elle donne son avis concernant son métier actuel. Il sourit et rougit même un peu. C’est l’essence même de son boulot. Rien à voir avec la préparation des cocktails, surtout dans un endroit comme le Shelter, ce bar porte bien son nom, il est un refuge pour n’importe qui veut oublier ses problèmes. En les buvant ou en en parlant à Danounours, au mieux en faisant les deux XD.

« C’est ce que je préfère là dedans, j’ai l’impression d’avoir ma petite utilité dans cette ville. » dit-il tout fier de lui avant d’ajouter un sourire en coin : « Et puis je suis au courant de tout avant tout le monde, un bel avantage crois moi ! » Il part à rire légèrement, parce qu’il n’est pas du genre à s’enflammer quand on lui annonce quelque chose, ou en tout cas pas toujours. Mais même si certains ragots peuvent faire du mal, d’autres sont parfois terriblement croustillants et drôles à entendre. Lilah poursuit en lui demandant qi c’est ce qu’il veut faire de toute sa vie. Comprenant la question, il ouvre un regard pétillant et n’hésites pas à lui parler de ses projets. Parce que même s’ils ont malheureusement compromis, rêver fait du bien.

« C’est plus qu’un job pour moi, c’est genre, ma vocation. Après, c’est clair qu’à un moment j’aimerais bien avoir mon propre bar, mais c’est pas vraiment à l’ordre du jour pour l’instant. » dit-il sans détour et en gardant un sourire et un regard d’enfant.

« Et toi, tu as trouvé un job ou tu cherches ? » demande-t-il alors ne sachant pas exactement depuis quand elle est revenue. Il n’a pas eu l’occasion de la croiser à la caisse de l’épicerie, disons qu’il n’y ait pas allé depuis un bail, durant ses allées et venues à Ashland, il en profite souvent pour faire le plein du frigo là-bas, il peut comme ça faire d’une pierre deux coups et acheter dans des magasins discounts.

Avoir une utilité. C'est donc ce qui motive Dan. Une noble motivation, que beaucoup sur cette Terre partagent. Lilah y compris, désormais qu'elle n'est plus axée sur elle-même. Elle aussi voudrait être utile. Trouver sa place, avoir l'impression de servir à quelque chose ou à quelqu'un. Pas facile du tout, comme aspiration. Dan a l'air d'avoir réussi, en tout cas, et Lilah l'envie un peu pour cela, bien que barmaid ne soit pas du tout dans la liste de ses vocations. Elle ne sait même pas doser un diabolo fraise correctement, de toute façon, donc la partie serait perdue d'avance!

"C’est plus qu’un job pour moi, c’est genre, ma vocation."

Sa vocation. Dan a les yeux qui pétillent rien que de parler d'ouvrir un bar. Le jeune Dan a donc bien d'autres aspirations que d'être barman au Shelter. Le "Scheppers", ça sonnerait pas mal. Et puis c'aurait été fun d'avoir le Shelter et le Scheppers, ça rime. Pardon, il semble que la narratrice soit perturbée par la température extérieure et parte dans des pensées étranges. Revenons à nos moutons.
Lilah pouvait voir clairement, n'importe qui pouvait voir clairement que Dan rêvait d'ouvrir son propre bar un jour. Que c'était le but de sa vie. Bien qu'il précise que ce n'était pas à l'ordre du jour, et on sentait l'amertume qui parfumait cette dernière phrase. Bien sûr, il y avait l'éternel problème de l'argent, Lilah en savait quelque chose depuis quelques semaines.

-J'espère qu'un jour j'aurais l'honneur de fréquenter le bar de Monsieur Scheppers, lança-t-elle dans un sourire.

Dan lui demanda ensuite si elle avait un job. Lilah détourna le regard. Elle était fière d'avoir un boulot, mais elle n'aimait pas spécialement parler du sien. Néanmoins elle reporta son attention sur son interlocuteur et répondit dans un sourire.

-Oui. J'ai pris le premier job que je trouvais. Je suis caissière au Corner.

Caissière; pour la sensation d'utilité, on repassera. Lilah avait l'impression de ne servir à rien derrière sa caisse, elle se morfondait sur sa situation. Elle perdait son temps, elle n'était qu'une ombre. Et puis de toute façon, les caisses automatiques faisaient son boulot dans d'autres villes, Shady Cove n'allait pas y échapper éternellement.

-C'est un boulot purement alimentaire. Dès que j'aurais trouvé autre chose, je partirais. Mais bon...faut déjà trouver autre chose. En attendant ça paie le loyer, comme on dit!

Le barman adore son job, mais avec ses jours de repos, il se demande s’il l’appréciera autant une fois qu’il fera ça sept jours sur sept, cinquante heures par semaine. Pour le moment, il est positif. Il en parle comme d’une vocation. C’est comme ça que Dan le voit, depuis qu’il exerce au Shelter, il réalise chaque soir qu’il est fait pour ce métier. C’est d’autant plus dur pour lui de devoir renoncer à son rêve même s’il ne blâme personne pour cela.
Il parle de ce rêve désormais déchu à Lilah. Tout le monde en ville sait qu’il aspire à cela. Les mots de la jeune femme sont réconfortants, encore un encouragement et pourtant des caisses encore plus vides.

« Oui, oh, tu y sera la bienvenue. » lance-t-il alors en souriant. Dan a le cœur un peu serré à cet instant. Il en profite pour rebondir et poser des questions sur la vie de Lilah avec son retour. Apprenant qu’elle est caissière au Corner, il se tait et la laisse continuer. Elle explique que c’est un boulot alimentaire, après tout, il n’y a pas de sot métier. Dan affiche un visage bonhomme et cligne de l’œil.

« C’est tout à ton honneur ! » dit-il avec sincérité. Elle aurait pu se contenter de vivre sur l’argent de papa et maman, quoi que Dan ne se souvienne pas de la situation de la famille Ward à vrai dire. « Tu sais vers quoi tu veux te diriger à terme ? » demande-t-il curieux de connaitre les projets de la jeune femme.

« C’est tout à ton honneur ! »

Dan n'a pas tort. Après tout, certaines personnes estiment qu'elles préfèrent être au chômage que d'accepter un poste de caissière. Lilah aurait réagi comme ça, quelques années auparavant. Mais il en fallait bien, des caissières, non? Tout du moins jusqu'à l'avènement des machines. La majorité des gens hurlaient au scandale lorsqu'on remplaçait les caissières par des bornes automatiques; et pourtant la majorité des parents avaient une peur bleue que leur enfant soit caissier. Le monde à l'envers. Derrière sa caisse, Lilah avait pu vérifier tous les clichés attachés aux caissières dont on parle dans les films et les bouquins. Elle n'avait pas vu les choses sous un autre angle que celui de la honte; mais Dan venait de lui ouvrir les yeux. Ce qu'elle faisait, c'était bien aussi.

Vers quoi voulait-elle se diriger à terme? Ahah, la question! Aucune idée. Lilah voulait devenir avocate. Elle était encore en deuil de ça, alors comment réfléchir à une nouvelle voie? Pour l'instant, il n'y avait pas de long terme. Il n'y avait que Shady Cove, le Corner, le salon de thé et sa petite maison. La jeune femme se contenta donc de hausser les épaules d'un air résigné.

-Je n'en sais absolument rien, en fait. J'aimerais bien avoir un but, comme toi, mais pour l'instant je n'ai pas encore trouvé ma voie, je pense. J'aime bien beaucoup de choses pourtant! Et j'aime à croire que je suis ambitieuse. Mais...pour l'instant j'essaie déjà de régler mes problèmes. On verra ensuite.

Elle ponctua cette phrase d'un sourire. A l'entendre, on pourrait presque la plaindre. Elle osait dire ça devant Dan, l'homme qui avait sûrement dû se battre plus qu'elle pour prouver qu'il était un excellent barman. L'homme qui se battait jour après jour pour ouvrir son propre bar, pour réaliser son rêve. Et miss Ward venait se plaindre de ses petits problèmes avec ses parents et son amour-propre. La blague.

-Si ça tombe, dans dix ans j'aurais racheté l'épicerie et ce sera moi qui martyriserai les caissières!

Donc Lilah Ward est désormais caissière en ville. Dan ne porte aucun jugement à cette information, au contraire, c’est plutôt bien qu’elle travaille. Et puis, lui conjuguera bientôt deux jobs. Il sait que ce n’est pas évident de tirer un trait sur ses ambitions, mais la vie est ainsi faite et il faut puiser son énergie dans les choses positives. Chacun apporte sa pierre à l’édifice, aussi petite soit-elle, aucune pierre n’est inutile. Dan lui demande cependant ce qu’elle voudrait faire ensuite comprenant que ce n’est pas exactement sa passion.

La jeune femme lui explique qu’elle n’a pas vraiment de but précis pour le moment. Elle souhaite régler certains problèmes avant tout. A nouveau, c’est à son honneur. Lilah semble avoir vraiment pris du plomb dans la cervelle, c’est assez surprenant. Dan ouvre d’ailleurs un regard presque surpris. Le sourire de la jeune femme le rassura d’ailleurs. Il ne se souvient pas de tels sourires lorsqu’ils étaient plus jeunes. Elle ajoute ensuite que si cela se trouve, elle sera un jour la gérante de l’épicerie. L’image de Lilah martyrisant des caissières est d’avantage familière à Dan et il rit de bon cœur à cette dérision.

« Tu trouveras bien en temps voulu. T’as raison de vouloir faire le vide un peu. »

Dan jette alors un œil à l’horloge stylée sur le mur d’en face et réalise qu’il va devoir retourner au boulot. Il n’avait pas prévu de passer autant de temps au salon de thé et l est déçu de ne pouvoir passer plus de temps à discuter avec Lilah. Il lui en fait d’ailleurs rapidement part.

« Désolé, mais il va falloir que je te laisse, je vais bientôt prendre mon service. Mais je serais ravi qu’on se revoie et si tu as besoin d’un coup de pouce pour te faire pardonner de certains, il n’y a pas de soucis. » Il se lèvre et prend une serviette propre, fouille dans sa poche arrière de jean pour en sortir un feutre noir. Dan écrit son numéro de téléphone sur la serviette et la tend ensuite à Lilah. « Tiens, si t’as le moindre souci, n’hésites pas. Je suis pas superman, mais si je peux aider. » Il lui adresse un immense sourire lui faisant comprendre qu’il veut bien être son allié dans toute cette histoire de retour à Shady Cove.

HJ:

Dan a l'air de soutenir Lilah dans ses décisions et ce qu'elle dit. Il est vraiment conciliant, ce garçon. Ca le rend charmant. Lilah se souvient du gars sympatoche, qui sortait des vannes à tout-va, qu'elle prenait un malin plaisir à harceler, et qui prenait ses attaques avec humour mais aussi avec embarras. Ils avaient bien changé, tous les deux. Dan avait l'air plus sûr de lui, il avait trouvé sa voie. Lilah vivait l'inverse. C'est drôle comme la vie vous joue des tours, comme ça, histoire de vous montrer qu'on récolte ce que l'on sème, comme dirait l'autre.

Dan lui dit qu'elle trouverait en temps voulu. Si le temps voulu pouvait arriver vite, ce serait chouette! Lilah n'était pas du genre patiente. Elle voulait tout, tout de suite, et cette situation d'attente de Dieu-sait-quoi l'ennuyait beaucoup. Mais les paroles de Dan étaient réconfortantes. Il semblait sincèrement croire en elle.

Un coup d'oeil à l'horloge, et il était temps pour son camarade de partir. La jeune femme en eut un pincement au coeur. Elle aurait bien continué à discuter avec le barman. Mais elle aperçut elle aussi l'heure.

"Oula oui, moi aussi il faut que je file!"

Elle prit la serviette avec le précieux numéro, la plia soigneusement et la rangea dans la poche de son sac à main, avant d'adresser un sourire à Dan.

"Merci. De toute façon, je sais où te trouver", ajouta-t-elle avec un clin d'oeil.
"Ce fut un plaisir, Dan. A très bientôt! "

Et déjà il s'éloignait. Cette rencontre avait mis Lilah de bonne humeur. Elle qui était partie du mauvais pied se sentait légère. Même si elle allait devoir aller au boulot avec un haut tâché... D'une série de gestes fluides, elle se leva, prit ses affaires, adressa un signe de la main à Gabriel derrière son comptoir, puis sortit du café. Demain, elle reviendrait. Sait-on jamais, une autre bonne rencontre pouvait arriver!

[Clap de fin]

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What's in a name? That which we call a bitch by any other name would hurt as well [Terminé]

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