Ce mec est totalement... Étonnant. Même complètement sonné, il pense qu'à la drague. Et dire que je culpabilisais... Apparemment, il est pas plus traumatisé que ça. Il se prend même pour un bad boy.

- Ouais, enfin, première fois ou pas, c'est pas censé laisser un souvenir mémorable !

Je m'autorise une petite tape délicate sur le crâne. Mais il reste dans son délire. Il me donne un coup de coude dans les côtes, et me fait part des réflexions féminines.

- Ou alors elles se foutent de ta gueule, au choix. J'te signale que t'es encore habillé en sous-vêtements féminins, donc niveau crédibilité...

J'enlève le mouchoir de sa lèvre, le sang s'étant arrêté de couler. Je jette le tout à la poubelle et range la trousse de secours dans un tiroir du bar. Ce sera peut-être utile. Bon, le départ est proche. Ça m'a un peu refroidi, tout ça.

- Je reviens, je vais chercher tes fringues !

Je suis même pas sûr qu'il m'entend, tellement il est absorbé par ce regroupement féminin autour de lui ! Je me fraye un chemin jusqu'aux vestiaires, choppe ses fringues et lui ramène.

- Allez, on va pas tarder.

Bizarrement, j'ai l'impression que l'alcool est descendu dès que j'ai vu Elliot par terre. Ouais, bon, j'ai flippé quand même ! Je veux pas qu'on amoche mon meilleur ami, moi !
J'attends qu'il se rhabille pour partir. Lorsqu'il se lève, je choppe son poignet et tente d'atteindre la sortie, pour éviter de le perdre dans des groupies en furie.

Enfin, on atteint la sortie. Elliot et moi avons le même réflexe : cigarette, cigarette, cigarette. Mon amour. Je n'ai même pas le temps d'allumer ma cigarette que j'entends gueuler :

- C'est eux !

Oui bah va rejoindre tes potes mec, mais le gueule pas dans la rue, merci ! Je tâte mes poches pour trouver mon briquet, quand je me sens partir. Elliot me crie de courir, je regarde autour de moi et, effectivement, le gros méchant homophobe nous a repéré. Eh merde. Ma clope est tombée je ne sais où, et je lui dis adieu mentalement, pendant que mon meilleur ami m'entraîne dans sa course effrénée. Soudain, Elliot disparaît. Je m'arrête, et le vois près d'un buisson, couché. Je me jette à côté de lui en voyant le mec nous courir après, et en rampant, lui fait comprendre de venir se cacher derrière le buisson.

Je retiens mon souffle - et mon rire -, essayant de distinguer le bruit des pas de l'homme. Le silence se fait bientôt et je regarde Elliot. Et j'arrête d'essayer de retenir mon fou-rire et me laisse aller. Putain, quelle aventure !

- Pourquoi ça ne m'étonne même pas que toi et moi finissons dans un buisson ?

Je tâte mon sac et rencontre la bouteille de vodka. Je souris, et la sort, comme un trophée.

- Au moins, on n'a pas tout perdu.

Je l'ouvre et prend une gorgée, avant de filer la bouteille à Elliot. Je m'étale comme une merde, les bras en croix, et ferme les yeux. Malgré tout ce que ce débile m'a fait subir, j'ai passé une soirée comme je les aime. Ou alors j'suis un peu maso peut-être. Et puis je rigole, encore.

Je ferme les yeux, et je sais pas ce qui me retient de pas dormir. Je sens Elliot qui s'allonge à côté de moi, et mon sourire s'agrandit encore une fois. En fait, je pense qu'on va tous les deux s'endormir ici. M'enfin. Je prends mon sac et le met en-dessous de ma tête, improvisant un oreiller. Bon, vu qu'il est vide, ça sert pas à grand-chose.

Je me mets en tailleur et essaye de le remplir d'herbe. J'imagine déjà l'oreiller moelleux que ça peut me faire, quand je me rends compte que ça me prendra des heures. Tant pis, pas d'oreiller pour cette nuit. Je me couche à nouveau.
Soudain, la voix d'Elliot brise le silence.

- J'ai oublié ma casquette dans les vestiaires. Tah.

Je rigole. Après s'être fait tabassé, il n'oublie pas sa casquette quand même.

- Je te la rendrais demain soir, après mon service.

Les danseuses sont pas vraiment attirées par les casquettes d'Elliot, donc je suis plutôt sûr de la trouver demain. Le silence, encore. J'ouvre les yeux mais les referme rapidement, la vodka faisant tourner la terre plus vite que prévu. Et puis la voix d'Elliot, encore.

- Cap ou pas cap d'être mon meilleur ami pour toujours ?

Je souris, d'un large sourire qui va jusqu'aux oreilles, ou même carrément derrière le crâne. Je laisse passer quelques minutes, comme pour lui faire croire que je réfléchis à son défi. Comme si j'avais besoin de réfléchir. Je le regarde.

- Cap.