Pour rien au monde Morgan ne changerait le cours des événements. Pour rien au monde il n'échangerait sa place. Et pour rien au monde il ne regretterait sa première fois, quoiqu'il puisse advenir. Tout s'est déroulé de façon tellement naturelle. Comme si c'était maintenant, pas avant ou pas après. Juste à ce moment-là. C'était comme si tout avait été prévu pour qu'ils trouvent le bonheur dans les bras l'un de l'autre. Pour le brun, c'est aussi un peu irréel. Disons que s'il y réfléchit trop, il y a toujours un "pourquoi" qui tourne en boucle. Ce n'est pas de la curiosité comme il en a l'habitude, c'est plus de la forme d'un problème qu'il veut résoudre. Pourquoi lui ? Et pourquoi Chris ? Ils sont aussi différents que l'eau et le feu. Lorsque l'ancien militaire reprend la parole, l'anglais repousse au loin ses pensées. Elles sont stériles dans tous les cas, alors il ne faut pas se donner la peine de s'arrêter dessus.

— Pas la peine de me remercier pour quoique ce soit, c'était le bon moment, c'est tout... souffle-t-il, sous l'êtreinte du plus âgé.

L'attente a été nécessaire, au moins pour Merlin. Il n'aurait pas pris le même plaisir au lit s'il n'y avait pas été de son plein gré et l'esprit serein. Christopher n'a pas à lui dire merci. Ça revient un peu à répondre "merci" à un "je t'aime". Parce que, mine de rien, s'offrir à quelqu'un, c'est une sacrée preuve d'amour. Surtout dans leur situation. Intentionnellement, le britannique a choisi d'éluder la dernière phrase en parlant d'autre chose. Il ne se voit bizarrement pas lui avouer que parfois, c'était en effet pressant. Et puis, en disant que c'était simplement le bon moment, qu'il avait senti que c'était maintenant et pas dans deux jours, il répond sûrement à certaines de ces questions muettes que l'américain se pose. Il ne s'est pas senti forcé, ou prit de pitié. Ça n'aurait pas fonctionné. Quelque part, il a en effet voulu faire plaisir à Chris, mais en faisant ça, il se fait aussi plaisir à lui-même. Rendre l'homme qu'il aime heureux. Il n'y pas à chercher plus loin. Et puis, il le lui rend bien aussi.

— Merci... lâche-t-il, rougissant, quand l'américain vient lui dire qu'il s'est très bien débrouillé, avant de lui rappeler que c'était une première pour lui aussi. Ah oui c'est vrai, s'exclame-t-il en se redressant à l'aide d'un coude, avant d'arborrer un magnifique sourire. Alors je suis aussi ton premier, en tant qu'homme.

Il l'embrasse de nouveau, furtivement. Il ne sait pas pourquoi il est heureux, il a juste l'impression d'autant appartenir à Christopher que celui-ci lui appartient. Et puis, il est certain de découvrir énormément de chose grâce à lui, mais il est aussi certain de la réciproque. Chris découvrira de nouvelles choses grâce au plus petit. Ce dernier est d'ailleurs prêt à apprendre, du moment que c'est avec et pour l'ancien officier. Comme dans tout, au lit, Morgan est loin d'être égoïste. Et puis, l'amour qu'il ressent lui donne encore moins envie de l'être. Par réflexe, il plonge dans les yeux de Christopher, et y reste, à se chauffer à cette flamme de sentiment qu'il devine aussi présente dans son regard. Un long moment passe ainsi, comme suspendu dans le temps. Finalement, l'anglais, qui avait l'air d'être un peu dans la lune, revient parmi le commun des mortels. Assez éloigné du visage de l'américain pour parler, il ne reste pas moins proche de lui. Et puis, le reste sort tout seul. Parce que c'est le bon moment, c'est tout.

— Je t'aime... chuchote-t-il en toute simplicité.

[i] « Je t’aime »[/i ]. Ces trois mots ont l’effet d’une bombe sur Christopher. Alors que Morgan les prononces, l’ancien militaire en oublie ce que le plus jeune vient de dire avant. Il était déjà heureux avant, mais maintenant il l’est d’autant plus. Ces trois mots viennent de faire exploser son cœur, un sentiment de pure allégresse se propageant en lui. Souriant avec douceur, Christopher lève sa main droite et la pose sur la joue du plus jeune.

« Moi aussi » souffle-t-il avant de l’embrasser.

Tendrement et amoureusement, il le sert contre lui et ferme les yeux. Ne pensant à rien, ne faisant aucun mouvement, Christopher se contente de rester allongé là, sur le lit, avec Morgan dans ses bras. Silencieux, seule leur respiration se fait entendre. Son sourire n’ayant toujours pas lâché ses lèvres, l’ancien premier maître à l’impression que plus jamais il ne sera malheureux de sa vie mais que le bonheur cessera dès lors que Morgan devra quitter sa place dans ses bras.

Mais le moment fatidique arrive bien trop rapidement. Le poids du plus jeune se faisant sentir sur son épaule qui commence à s’engourdir, Christopher remue légèrement. Mais, ne retrouvant plus une confortable position, il décide d’échapper complètement au poids de Morgan. Alors, posant sa main droite sur l’épaule du britannique, il le repousse doucement et, se relevant, retire son bras. Assit sur le matelas, il se masse l’articulation et lui fait faire quelques mouvements, histoire de détendre un peu les muscles, puis pose à nouveau son regard sur Morgan et lui sourit.

Puis, après avoir retiré le préservatif et l’avoir nouer pour le fermer, Christopher passe ses jambes au-dessus du lit et attend quelques instants, hésitant. Devait-il vraiment partir maintenant ? Ne serait-il pas mieux dans son lit, à côté de Morgan ? Ne pouvait-il pas se prendre le temps de rester au près du plus jeune maintenant ?

Tandis que ses pensées vont dans cette direction, Christopher se lève. Sans un regard vers Morgan, il se dirige vers la porte de sa chambre et en sort. Refermant doucement la porte derrière lui, il va dans la salle de bain et jette le préservatif dans la poubelle avant de se tourner vers le lavabo et lancer un coup d’œil dans le miroir. S’observant longuement, il allume finalement l’eau et, après s’être laver les mains, se passe le visage sous l’eau. Soupirant doucement, il referme le robinet et s’essuie le visage avant de ressortir de la salle de bain.

Sans réfléchir d’avantage, il retourne dans sa chambre. En passant la porte, il croise le regard de Morgan et lit clairement le soulagement sur le visage de ce dernier. Attendrit par la certaine appréhension que le jeunot à surement dut ressentir à son égard, ne sachant pas si l’ancien militaire reviendrait ou pas, ce dernier referme la porte derrière lui puis s’avance vers le lit. Se glissant sous la couverture, il attrape Morgan et l’oblige à se coucher à son tour. Allongé sur le côté, Christopher passe un bras autour du corps dénudé du plus jeune et l’attire contre lui.

« Repose-toi maintenant » lui ordonne-t-il avant de l’embrasser délicatement sur la tempe « Je pense que, dès à présent, tu pourras profiter plus souvent de mon lit » reprend-t-il avec un sourire.

Il est clair que, maintenant que Morgan à passé le cap, Christopher ne le laissera qu’à contre cœur dormir à nouveau dans la chambre d’ami. De toute manière, il n’est pas sûr de pouvoir se passer de la présence du plus jeune. Même pendant la nuit.

A ce moment précis, Morgan trouve cela absolument normal et naturel de dire ces trois petits mots. Alors qu'il y a quelques temps, ils se bloquaient dans sa gorge. Là, et alors qu'il les prononce, l'anglais sent comme un poids quitter ses épaules. Dire quelque chose à voix haute rend toujours la chose en question plus vraie, l'assoit pour de bon dans la réalité. Et il est heureux, simplement, de lâcher enfin cette évidence. Chris lui répond naturellement qu'il ressent la même chose, juste avant de l'embrasser amoureusement. Comme pour sceller cet instant, le graver dans la pierre. Par la suite, Merlin se retrouve avec bonheur dans ses bras. Blotti contre son torse, il ne tarde pas à fermer les yeux et à laisser sa respiration prendre un rythme lent et régulier, quelque peu propice au sommeil. Aucun mouvement, aucun bruit. Avant de s'en rendre compte, l'étudiant est à deux doigts de dormir. Il est tellement bien là, il ne voudrait jamais en partir.

Mais il le faut bien, tôt ou tard. Il sent tout d'abord l'américain remuer quelque peu, puis il est finalement invité à se redresser. Il laisse Christopher libérer son bras avant de se recoucher, sur le côté, de façon à pouvoir le voir. Un bâillement lui déboitant la mâchoire, il entrevoit l'ancien militaire désengourdir son bras, puis son sourire qu'il lui rend immédiatement. Ses paupières se referment toutes seules, et avec un soupire, il se cale plus confortablement en reajustant l'oreiller sous sa tête. Un mouvement de la part de Chris, qui fait bouger le matelas, lui fait rouvrir les yeux. L'aîné est sur le bord du lit, et se lève finalement, sans un regard. La porte se referme doucement, en même temps que le britannique cède et ferme les yeux. Il tourne la tête de l'autre côté, se disant que l'américain va bien revenir.

Il a un sentiment un peu bizarre, assimilable à de l'appréhension. Il a un tantinet l'impression qu'après avoir tiré son coup, Chris se barre. Un tantinet. Mais il sait aussi que cet homme n'est pas comme ça. Cependant, plus le temps passe et moins il arrive à se détendre. Il n'était bien que dans les bras de l'ancien militaire. Et qu'il soit parti sans un mot ne l'aide pas à retrouver la sérénité. Il est fatigué, mais quelque chose l'empêche de s'endormir. Tournant plusieurs fois dans le lit, il ne trouve pas de bonne position. Se disant que finalement, il irait peut-être prendre une douche, il entend la porte s'ouvrir. Se redressant, un sourire illumine son visage, soulagé de son retour mais aussi certain de ce dénouement. Christopher se glisse de nouveau sous la couverture, avant de l'attirer à lui. Le britannique se love du mieux qu'il peut entre ses bras, ce qui n'est pas bien difficile. Tant pis, la douche attendra.

— Avec plaisir, souffle-t-il en un sourire. Et il est plus confortable, et y'a toi, donc c'est le paradis, confie-t-il en allant déposer un baiser dans son cou parce qu'il n'y a que cette zone qu'il peut atteindre.

Il bouge un peu pour trouver une bonne position, puis bâille de nouveau. Fermant les yeux, il compte bien faire ce que Chris lui a dit de faire : se reposer. Il s'aperçoit alors que plus rien ne vient perturber ses pensées. Plus de questions, plus d'idées noires. Juste le bonheur de se retrouver dans les bras de son Christopher. De son amant. Ça lui fait bizarre de se dire ça, mais ça le fait sourire aussi. Il a tout juste le temps de penser qu'il va maintenant pouvoir dormir toutes les nuits ici, avant de sombrer dans le sommeil comme une pierre. La preuve qu'il a besoin, en ce moment, de sa présence pour être totalement apaisé, puisqu'il n'y a pas trois minutes, il n'arrivait pas à se laisser aller à s'endormir. Un bras passé autour de l'américain, il ne le laisserait en tout cas partir pour rien au monde. Et ça ne pourrait pas aller mieux dans le meilleur des mondes.