« Les liens qui nous lient sont parfois impossibles à expliquer. Ils nous connectent, même après que le lien semble avoir été rompu. Certains liens défient la distance. Et le temps. Et la logique... Parce que certains liens sont simplement indestructibles. »

Perdue dans ses pensées qui vagabondaient, Juliana Stewart gardait les yeux rivés sur l’extérieur, depuis son poste d’observation à l’arrière du taxi. Son cœur tambourinait contre sa poitrine et menaçait d’en jaillir et, pourtant, elle ressentait une excitation très rare chez elle. Malgré le décalage horaire qui lui retournait la tête et auquel elle peinait à s’habituer, la jeune femme ne pouvait que se réjouir d’être arrivée entière sur le continent américain. Il s’agissait de son premier long voyage au-dessus de l’Atlantique et désormais, ressemblait à une gosse qui découvrait le monde. Son Angleterre natale lui manquerait sans doute un peu, puisqu’elle n’avait toujours connu que cela – si ce n’est quelques mois passés en France, mais ce n’était absolument pas comparable.

Cette fois, il s’agissait de l’aventure de toute une vie. Jul’ détestait l’expression « recommencer à zéro », bien trop cliché, mais malgré tout, la phrase convenait parfaitement à ce nouveau départ. Shady Cove, petite ville nichée au cœur de l’Oregon, lui plairait sans aucun doute. Elle imaginait déjà les longues randonnées, l’air frais, les gens sympathiques, les événements distrayants. Cette pensée lui mit du baume au cœur tandis que le véhicule s’engageait dans le quartier résidentiel. L’impatience de Juliana atteignit son point culminant ; bientôt elle découvrirait la maison d’Alyssa et son nouveau foyer, pour l’instant du moins. Elle serait éternellement reconnaissante à sa benjamine de lui avoir proposé de venir s’installer chez elle, le temps de redécouvrir les joies de la vie. Certes, elle exerçait encore le métier de pompier, sa véritable passion. Mais ici, au moins, elle rencontrerait de nouvelles personnes, de nouveaux collègues, qui ne s’inquiéteraient pas toutes les cinq minutes en la croisant de son état. Elle inspira profondément. Oui, personne ici ne se doutait du profond traumatisme subi, donc elle n’aurait aucune explication à fournir. C’était bien mieux ainsi.

Le taxi s’immobilisa finalement devant une petite maison coquette, parmi tant d’autres, et Juliana en déduisit que c’était ici qu’Alyssa vivait. Elle trouva l’endroit absolument charmant. Avant de descendre, elle s’enquit du prix de la course auprès du chauffeur et fouilla dans son porte-monnaie pour en sortir le montant adéquat ; enfin, il l’aida à sortir ses bagages – deux valises et un sac de voyage ! – du coffre, puis les aligna sur le trottoir, juste devant la petite maison. Un sourire radieux illumina le visage de Juliana, tellement heureuse. Il y avait bien trop longtemps qu’elle n’avait pas vu Alyssa, depuis son départ d’Angleterre. Et elle comptait bien rattraper ce retard le plus rapidement possible !

Neuf ans qu'Aly n'a pas vu sa soeur, voilà ce qui explique un comportement de véritable puce aujourd'hui. Excitée comme par possible, elle s'active de tous les côtés, elle saute partout. Elle veut que tout soit parfait. Puisque sa soeur aînée va passer un moment chez elle, la brunette a été obligée de faire un peu plus que du rangement. Elle a carrément déménagé certaines de ses affaires qu'elle stocke désormais chez sa meilleure amie qui habite à quelques rues d'ici. Elle a également réaménagé la pièce qui lui sert de bureau pour en faire une sorte de chambre d'ami. Elle y a mit un canapé lit, a laissé le bureau, et a acheté une armoire pour que sa soeur puisse y ranger ses affaires, qu'elle se sente chez elle.

Aujourd'hui est un grand jour. Elle a pourtant vu sa famille il y a moins d'un an, mais comme à chaque fois, Juliana manquait à l'appel. Son boulot lui permettait difficilement de prévoir à l'avance un aller/retour aux Etats-Unis. Elle ne pouvait pas non plus se permettre de souffrir d'un jet lag...Aly a toujours été très compréhensive même si chaque fois que sa soeur déclinait ses invitations elle ne pouvait être que déçue...Mais cette fois-ci, c'est la bonne. Les deux soeurs vont enfin de retrouver après neuf années de séparation. Aly se demande même si avec son aînée elles vont se reconnaître en se voyant...

N'ayant pas pu aller chercher sa grande soeur à l'aéroport, Aly s'est occupée de faire un dernier brin de ménage dans sa maison pourtant parfaitement rangée. Elle veut tellement que tout soit parfait qu'elle devient une parano de la propreté. Toute la journée, la brune n'a cessé de regarder l'heure, impatiente. Connectée sur son ordinateur, elle décide de s'occuper un peu pour que le temps passe plus vite, mais surtout pour arrêter de bondir partout ! Et le moment est enfin arrivé...En entendant une porte claquer dehors, elle jette un oeil par la fenêtre avant de voir un taxi s'éloigner, laissant sur le trottoir une grande blonde et ses valises. Sautillant partout, Aly pousse un cri avant d'ouvrir la fenêtre pour courir jusqu'à sa soeur, bras ouverts, les yeux mouillés de larmes de joie.

« Juliana ! Tu es là ! Mon Dieu, tu es là ! Je n'arrive pas à y croire ! »

Alors qu’elle gardait les yeux rivés sur la maison, son nouveau logement, la porte s’ouvrit en grand et une silhouette familière apparut dans l’embrasure, une jeune femme à la chevelure foncée et au rire communicatif. Juliana marqua un temps d’arrêt, ne sachant guère quelle attitude adopter. Il y avait tellement d’années qu’elles ne s’étaient pas vues… A l’époque, Alyssa quittait à peine le douloureux monde de l’adolescence, Jul’ ne s’en souvenait que trop bien. Et aujourd’hui, toutes deux adultes depuis bien longtemps, elles se retrouvaient face à face. La voix émue de sa petite sœur rompit le silence, et oubliant toutes ses craintes, la jeune femme esquissa un sourire amusé face à tant d’enthousiasme et se précipita à son tour en sa direction. Guère douée pour exprimer ses sentiments, encore moins pour mettre des mots dessus, elle se contenta d’accepter l’étreinte d’Alyssa, de la serrer très fort, comme si elle voulait l’étouffer, rattraper le temps perdu, la serrer encore et encore, la serrer éternellement.

« Bon sang ! » souffla Juliana, les yeux à demi-clos, la tête posée contre l’épaule de sa benjamine. « Tu m’as manqué, si tu savais à quel point. »

Peu encline aux démonstrations d’affection, même après une aussi longue séparation, qu’elle jugeait souvent embarrassantes, Juliana se recula légèrement et jaugea sa sœur d’un regard approbateur. Les traits demeuraient les mêmes, le regard rieur, le sourire malicieux… Alyssa n’avait pas changé. Mais grandi, de toute évidence. Elle était différente ; mais Jul’ se sentait incapable de l’expliquer.

« Tu es resplendissante ! » s’enthousiasma-t-elle avec un large sourire. « Je me doutais bien que tu avais changé, mais pas autant ! »

Evidemment, toutes deux avaient bien changé. Affirmer l’inverse aurait été une sérieuse méprise. Juliana avait hâte d’en apprendre plus sur la vie de cette sœur qui lui avait tant manqué, de cette vie loin de l’Angleterre qui paraissait si différente. Ici, à Shady Cove, même l’air paraissait unique. Peut-être Jul’ exagérait-elle, mais tout à son bonheur, elle s’en fichait complètement. Seules comptaient ces retrouvailles.

Retrouver sa soeur après tout ce temps rend Aly complètement nerveuse. Au début, elle s'est sérieusement demandée si elles allaient se reconnaître, tant physiquement que de part leur personnalité. Elles ont forcément un peu changé de ce côté là en neuf ans. Elle craint que la séparation ait détruit leur lien. Mais il n'y a pas de raisons. Elles sont soeurs, elles ont ça dans le sang. Elles vont se retrouver, et tout sera aussi parfait qu'il y a neuf ans, comme si elles ne s'étaient jamais quittées. Elle pense aussi à toutes ces choses qu'elles vont avoir à se dire ! Une seule journée ne suffira pas. Elles ont chacune fait leur vie de leur côté, se donnant quelques nouvelles grâce à internet, mais il n'y a rien de mieux que de se raconter les choses en "live". Alors elle vont sans doute passer les prochaines heures à parler, parler, parler...

En attendant, pas de discussions, seulement des embrassades. Une étreinte qu'Aly fait durer, parce qu'elle peine à réaliser qu'elle a bien lieu. Elle tient bien sa grande soeur dans ses bras. Ce sont bien ses cheveux blonds, son parfum, sa voix...Des choses dont l'animatrice se souvenait parfaitement. Les traits de son visage ont changé, comme tout le monde après neuf ans, mais elle est toujours aussi belle qu'avant. Une beauté qu'elle lui a toujours secrètement enviée, d'ailleurs...

« Toi aussi, tu m'as tellement manqué, Jul' ! Je suis tellement contente que tu sois là ! »

Relâchant doucement la silhouette de son aînée, Aly l'observe longuement, heureuse de la voir de ses propres yeux plutôt que virtuellement lorsqu'elles se donnaient quelques nouvelles par webcam interposées.

« Et toi alors ! Tu es magnifique ! »

Lui lance-t-elle, un peu jalouse. Depuis toute petite, elle lui a toujours envié ses jolis yeux et ses cheveux blonds comme les blés sous un soleil d'été. Juliana est, pour Aly, un modèle, en beaucoup de choses, mais premièrement un modèle de beauté. Elle est bien foutue, un visage d'ange...Aly n'est pas mal non plus dans son genre, mais à côté de sa soeur, elle se sent minuscule. Une toute petite fourmis. Invisible. Son regard se baisse pour observer les bagages de sa soeur, sur le trottoir.

« Je vais t'aider à porter tout ça jusqu'à la maison ! »

Il y avait bien longtemps que Jul’ ne s’était pas sentie aussi heureuse, et d’un seul coup, tous ses anciens soucis en Angleterre, le long voyage au-dessus de l’Atlantique, les hôtesses de l’air maussades et le stress d’avoir perdu ses bagages disparurent. Ici, au moins, personne ne la regardait de façon étrange. Elle ne serait plus qui devait être parfaite à tous les niveaux. Elle ne s’en souvenait que trop bien, plus jeune, quand sa mère s’exclamait à ses deux plus jeunes sœurs « ah, prenez donc exemple sur Juliana ! » Du fait, la moindre incartade était proscrite. Et cette idée lui déplaisait. Au moins, à Shady Cove, personne ne pourrait la réprimander de telle ou telle attitude !

Elle esquissa un sourire quand Alyssa la flatta à son tour, mais ne trouva rien à répondre. Si elles se lançaient dans l’échange de compliments, elles seraient probablement là jusqu’au soir ! Juliana l’adorait littéralement. Même si elle n’était pas très expansive à ce niveau, et n’était pas du genre à déclamer ses sentiments à coup de grands discours dégoulinant de guimauves et de bons sentiments, elle ressentait une affection toute particulière pour elle ; un lien particulier existait de toute manière entre l’aînée et la benjamine. Juliana admirait l’enthousiasme constant d’Alyssa, son rire unique et son regard pétillant de joie.
Au lieu de cela, elle saisit son sac, le jeta sur son épaule et s’empara de la poignée de la valise, laissant la seconde à sa sœur.

« Alors c’est ici que tu habites… C’est vraiment magnifique. J’ai hâte de découvrir ce quartier dans ses moindres détails ! »

Elles s’engagèrent ensuite toutes deux dans la petite allée conduisant à la porte d’entrée et, comme toujours, tout ravissait Juliana. Son impatience grandissait à chaque seconde. Elle s’imaginait déjà en train de se préparer le matin pour aller courir dans la rue, saluer les voisins, prendre le petit-déj avec sa sœur… Le tout sous un soleil radieux et un printemps naissant. La belle vie, quoi !

« J’espère que je ne prendrai pas trop de place. Mais tu me connais… L’envahissement, c’est mon domaine ! »

Elle n’avait pas tort. Dans la fratrie, Juliana, malgré son caractère assez peu exubérant, était particulièrement vive et, malgré elle, était du genre à se montrer très envahissante. Il s’agissait probablement d’ailleurs d’un de ses plus grands défauts. Elle le disait sur le ton de la plaisanterie, certes, mais en réalité, elle était assez susceptible sur ce point.
De toute manière, l’heure n’était pas à penser à de tels soucis. Elle venait à peine de débarquer, ne songeait qu’à une chose, connaître toute la vie – professionnelle, amicale, mais sentimentale avant tout, comme toujours ! – de sa petite sœur et pouvoir y apporter son grain de sel, avec son tact habituel !

Aly a toujours été très proche de Juliana. Un peu moins ces neuf dernières années, mais elle tenait tout de même à entretenir le lien qui les unissait en lui donnant et en prenant des nouvelles le plus souvent possible. Internet est un outil formidable. Sans lui, elle n’aurait probablement jamais survécu aussi longtemps loin de sa famille. Elle leur envoi régulièrement des mails, des photos, des vidéos, un peu tout ce qu’elle peut partager avec eux, même si ce n’est qu’une photo d’un chaton endormi contre un chien juste parce que ça lui évoque quelque chose. Aly a toujours été très famille, alors l’éloignement est quelque chose d’assez difficile à vivre. Il lui arrive souvent d’avoir des coups de blues, le mal du pays, le manque de sa famille et de son environnement. Mais jamais elle ne regrette d’être arrivée sur le territoire américain. Elle s’est épanouie, ici. Elle a grandit. Elle ne serait probablement pas la même personne si elle était restée à Oxford. Peut-être serait-elle médecin aujourd’hui. Elle ne saura jamais, mais peu importe puisque sa vie actuelle lui plaît bien. Que Juliana débarque dans son rêve américain lui fait énormément plaisir puisqu’elle aura enfin quelqu’un avec qui partager ses moments de doute quand la famille et le pays lui manqueront de trop. Elles ont tant de choses à rattraper…

Après quelques compliments, les deux jeunes femmes mettent fin à leur étreinte. Aly ne peut s’empêcher d’avoir un regard envieux sur sa grande sœur. Elle l’a toujours prise comme modèle, parce qu’elle est pleine d’admiration pour son aînée. Elle a un boulot utile, un corps de rêve…Aly n’est pourtant pas à plaindre. Elle est bien foutue, elle aussi, mais peut-être un peu plus discrète, un pléonasme quand on sait qu’elle est l’animatrice de radio la plus écoutée et reconnue du coin. Cette discrétion, elle n’existe qu’en présence de Juliana. Elle se sent toute petite à côté d’elle. Invisible, même si ce n’est qu’une impression.

« C’est une petite maison, mais je l’adore ! J’ai eut un vrai coup de cœur quand je l’ai visitée…»

Explique l’animatrice en se souvenant de ces premiers mois à Shady Cove. Ce n’était pas tous les jours facile et pratique, elle vivait à l’auberge, là où elle a rencontré sa meilleure amie, et elle attendait une occasion pour se trouver enfin son petit « chez elle ». Elle était à deux doigts d’envisager une colocation quand elle a visité cette maison, voisine de celle de la famille d’Eleanor. Elle l’a visitée, elle a adoré, et aujourd’hui, elle s’y sent parfaitement bien. La jeune Stewart sourit nerveusement face à la remarque de sa grande sœur. Elle n’ajoute rien à ce sujet mais n’en pense pas moins. Ce côté-là a toujours été plutôt difficile à supporter. Juliana peut être adorable comme elle peut se montrer très envahissante. Aly craint un peu que la cohabitation soit difficile à cause de ça, mais si elles ne sont pas ensemble 24 heures sur 24, ça devrait être vivable.

« Je t'ai libéré le bureau, y'a un canapé-lit, comme ça, tu auras ta 'chambre', ton petit coin...! »

En effet, cette petite maison a l’air malgré tout adorable. Et Jul’ n’a jamais vu sa petite sœur aussi rayonnante. Peut-être exagère-t-elle, mais elle est intimement persuadée qu’Alyssa a ici trouvé sa voie, et quitter l’Angleterre n’était peut-être pas un si mauvais choix. Au début, bien sûr, Juliana en avait voulu énormément à la jeune femme de l’avoir pour ainsi dire abandonné, même si c’était dans le but de construire sa vie ailleurs. Elle avait peur que leur relation se dégrade. Certes, elles ne se voyaient plus physiquement, mais correspondaient grâce à Internet, par mail, pour se tenir au courant de la vie de l’autre. Ce qui, dans un sens, ne fut pas plus mal. Au moins, elles se manquaient plus et donc, par-conséquent, appréciaient bien plus l’idée de correspondre.

Juliana approuva d’un hochement de la tête quand Alyssa lui annonça qu’elle lui avait libéré le bureau, touchée par tant d’attention. D’un autre côté, elle ne s’attendait pas non plus à dormir sur le canapé pendant toute la durée de son séjour ici, mais elle était heureuse que sa petite sœur s’en soit inquiétée.

« Merci… Merci beaucoup. C’est vraiment gentil de ta part, Aly’ ».

Sur ce, la jeune femme déposa son sac de voyage sur le sol puis esquissa quelques pas, laissa son regard parcourir les murs, passa sa tête à travers l’entrebâillement des portes pour visiter brièvement son nouvel environnement. Son sourire radieux qui ne la quittait plus s’élargit tandis qu’elle faisait volte-face en direction d’Alyssa.

« C’est tellement différent de l’Angleterre… Tout est absolument parfait ! »

Evidemment, son pays natal lui manquerait bientôt. Mais pour l’heure, elle était bien trop excitée à l’idée de découvrir l’Amérique et, plus particulièrement, la région dans laquelle elle se trouvait. Et elle comptait sur Alyssa pour lui raconter tout, tout dans les moindres détails. Tant de questions se bousculaient dans son esprit qu’elle ne savait pas par où commencer !

« Alors, comment vas-tu ? Il paraît que tu es l’animatrice radio la plus écoutée de toute la ville… C’est vrai ? » s’enquit-elle finalement, d’un ton à la fois fier et admiratif.

Pour faire de la place pour sa soeur, Aly s'est débarrassée de pas mal de choses. Des choses dont elle n'a pas ou peu besoin. En fait, elle ne s'en est pas vraiment débarrassée, disons plutôt qu'elles les a stockées, mais pas chez elle. Alyssa déteste jeter les choses, même si elle ne s'en sert pas. Sentimentalement, même une boîte vide de camembert pourrait avoir une valeur pour elle si ça lui évoque un souvenir particulier...Résultat, pour faire de la place chez elle, elle en prend chez sa meilleure amie qui a gentiment accepté d'héberger ses 'souvenirs' le temps que Juliana trouve une solution. Car oui, pour Alyssa, c'est exclusivement temporaire. Elle n'a pas l'intention d'héberger sa soeur ad vitam eternam. Elle adore sa soeur, là n'est pas la question, mais elle sait qu'à force d'être tout le temps l'une sur l'autre, la vie ensemble risque d'être insupportable.

« C'est pas très grand, mais c'est toujours mieux que le canapé du salon...Surtout que le soir, Joplin aime squatter le canapé. »

Explique-t-elle en désignant sa chienne, tranquillement endormie sur son matelat, près de la télévision. Aly a complètement craqué devant la culture et le mode de vie des américains. C'était très différent de l'Angleterre et en un sens, c'est ça qui l'a attirée ici. L'Angleterre, elle adore, mais c'est un peu plus 'sérieux'. Elle a conscience de ne pas avoir fait l'unanimité en partant, mais elles ne pouvait pas rester là juste parce que ça les embêtait de la voir partir loin d'eux. Au début, elle pensait cependant ne partir que pour ses études, mais elle n'imagine plus repartir, maintenant...

« Tu comprends mieux pourquoi je n'ai plus envie de rentrer à Oxford ? »

Demande-t-elle en lui offrant un sourire. Elle n'a jamais aimé se justifier mais elle doit bien admettre que devant les quelques reproches qu'elle a pu avoir de ses sœurs lorsqu'elle a annoncé qu'elle ne prévoyait pas de revenir, elle s'est sentie obligée de le faire. Elle n'aime pas décevoir, et c'est pourtant l’impression qu’elle avait…Elle s’est donc fortement justifiée sur ce qu’elle préférait ici, pourquoi elle se sentait bien ici, mais malgré ça, elle n’avait pas spécialement l’impression d’être entendue ou comprise.

«Je vais bien ! Tout va bien…Et toi ? Est-ce que ça va mieux ? » Demande-t-elle un tantinet inquiète. Sa sœur n’a pas traversé une période facile récemment…C’est en partie pour ça qu’elle est là. « Oui, il paraît ! Enfin…Les animateurs radios sont pas nombreux ici, donc c’est pas un truc de fou non plus, je crois ^^ »

Juliana esquissa un sourire en tournant la tête vers la dénommée Joplin, qu’elle ne connaissait pas. Alyssa l’avait déjà évoqué, certes, mais sans toutefois rentrer dans les détails. Jul’ adorait pourtant les animaux, les chats en particulier, les chevaux également. Mais elle n’avait pas beaucoup l’habitude d’en côtoyer, le temps ne le lui permettant pas. C’est clair qu’elle se voyait mal passer ses journées à dormir sur le canapé du salon, surtout s’il s’agissait d’un domaine réservé au chien !

« De toute façon, ce n’est que provisoire. Je partirai en quête d’une maison ou d’un appart’ dès que possible… D’ailleurs, si jamais tu as des adresses sympas, je suis preneuse ! »

Elle laissa échapper un rire. Non pas qu’elle se reposait exclusivement sur la benjamine de la fratrie, mais ne connaissant pas Shady Cove, elle préférait avoir des conseils avisés sur sa future demeure. Enfin, elle réfléchissait vaguement au sujet, sans toutefois mettre beaucoup d’ardeur. Elle venait à peine de retrouver sa sœur et elle ne comptait pas l’abandonner ainsi ! Même si la cohabitation risquait de faire des étincelles entre deux fortes têtes, Jul’ s’était promis, dans l’avion qui l’amenait aux Etats-Unis, de rester le plus discrète possible. Chose certes un brin difficile pour la jeune femme – par-exemple, elle descendait les escaliers avec la légèreté d’un troupeau de bisons fuyant la menace indienne.

« Oui, je crois que je comprends ! » assura Jul’, les yeux pétillants. « Et je compte sur toi pour me faire découvrir absolument tout ce qu’il y a à voir dans les environs »

Elle s’imaginait bien en touriste, appareil photo autour du cou, en train de photographier tout et n’importe quoi. Elle n’en aurait pas la peine, de toute manière, puisqu’elle allait vivre ici, mais bon !
Jul’ s’assura ensuite que sa sœur allait bien, et Alyssa lui répondit de façon positive. C’était toujours ça ! La jeune femme la croyait sur parole. Elle n’était pas du style « tout l’monde il est beau, tout l’monde il est gentil », mais elle se demandait bien quel genre de problèmes on pouvait avoir dans une petite ville telle que Shady Cove. Elle le verrait bien. Par-contre, Alyssa lui pose la question en retour et, furtivement, durant quelques secondes, le sourire de Juliana disparut pour laisser place à une moue crispée. Plus que tout, Jul’ détestait qu’on la plaigne. Elle rentrait dans des colères folles quand on la prenait pour une faible femme, incapable de surmonter un tel traumatisme. Bon, ce n’était pas le cas là, sa sœur lui demandait seulement de ses nouvelles, mais… Elle ne pouvait s’empêcher d’être tendue. Le traumatisme, elle l’avait surmonté. Ou plutôt, elle l’avait oublié, l’avait enfoui au plus profond de son cœur. Tôt ou tard, il remonterait à la surface. Il lui exploserait en pleine figure, et elle risquait de ne pas en sortir indemne. Pour l’heure, elle se persuadait que tout allait bien. Et n’en parlait jamais, bien évidemment.

« Ça va » répondit-elle doucement, en retrouvant le sourire quelques secondes plus tard. « Arrête, je suis sûre que t’es géniale ! J’ai hâte d’entendre le doux son de ta voix sur les ondes… »

Son ton s’était fait plus malicieux, un brin espiègle. Elle n’avait qu’une hâte maintenant, voir – ou plutôt écouter ! – sa sœur dans le feu de l’action. Elle était impatiente d’écouter l’animatrice radio la plus en vogue de toute la ville !

Alyssa adore vraiment sa soeur. Elle l'aime de tout son coeur, avec ses qualités et ses défauts, mais parfois, l'éloignement ne fait pas de mal. Ces neuf dernières années leur ont probablement fait du bien. L'animatrice craint que ces prochaines semaines de collocation soient quelque peu dures. Juliana sait parfois se montrer très envahissante, dans tous les sens du terme. Déjà plus jeune, il arrivait à la benjamine de la famille de souffrir de ses intrusions. Pas qu'elle ait des choses à cacher, mais elle n'a jamais trop aimé qu'on lui tire les vers du nez, elle préfère passer elle-même aux aveux quand elle se sent prête à le faire. Alors à chacune de ses fréquentations, de ses relations, si Juliana se rendait compte de quelque chose, elle avait le droit à un véritable interrogatoire. Un comportement qu'elle ne supportait pas, mais elle faisait des efforts, car Jul' reste sa soeur, malgré son côté sur-protecteur.

« De bonnes adresses, j'en ai pas des masses, mais je peux demander autour de moi, si tu veux. Je dois bien connaître quelqu'un-qui-connait-quelqu'un-qui !

C'est une petite ville, ici, tu t'en rendras bien vite compte...! »

Petite ville dans tous les sens. Aussi bien figuré que littéral. En superficie mais aussi parce que tout circule à une vitesse folle. Les rumeurs, les bonnes et les mauvaises nouvelles...Malheur à celui ou celle qui a des choses à cacher. Juliana se rendra bien vite compte de la vitesse à laquelle les bruits courent en ville. D'ici quelques jours, tout le monde sera au courant de son arrivée. Elle risque d'être étonnée, au début, de savoir qu'on la connait déjà alors qu'elle ne connait rien de ces gens, mais elle se fera vite à l'idée. Aly a mis quelques temps pour s'y habituer, à ça et à son statut de célébrité locale. Encore aujourd'hui, ça continue de lui faire tout bizarre, mais elle s'est habituée à cette sensation.

« Je pense que tu vas surtout avoir besoin d'un peu de repos, pour te remettre du décalage horaire, mais quand tu seras en état, on ira faire un tour pour que je te montre tout ça ! »

Propose la jolie brune dans un franc sourire. La dernière fois que ses parents sont venus, ils étaient complètement crevés après le voyage. Ils ne sont restés que quelques jours et n'ont fait qu'une rapide balade en ville...Mais puisque Jul' compte rester plus longtemps que quelques jours, elles auront tout le temps de voir tout ce qu'il y a à voir ici, et autant dire qu'il n'y a pas des masses de choses à voir. Mais même si c'est la campagne, ici, Aly s'y sent bien. Elle s'est trouvée un coin tranquille où vivre sa vie et sa passion. Autant, lorsqu'elle vivait à la cité des anges, elle hésitait à revenir à Oxford. Elle était en plein doute, ne trouvait pas de travail dans le domaine qu'elle souhaitait...Elle y a pensé plusieurs fois, jusqu'à trouver sa place ici. Aujourd'hui, plus question de retourner en Angleterre, sauf pour visiter sa famille, éventuellement...

Peu démonstrative, Aly ne peut en vouloir à sa soeur de ne pas en dire plus sur son état. Elle dit que ça va mais au fond, la brunette se doute que ça ne va pas aussi bien qu'elle le prétend. Elle a vécu un gros traumatisme. Quelque chose qui ne va pas disparaître du jour au lendemain. C'est encore 'récent' et c'est même pour cette raison qu'elle se trouve ici aujourd'hui. L'animatrice ne creuse pas plus, elle se contente d'un sourire mêlé d'inquiétude.

« Tu me diras ce que tu en penses quand tu auras écouté ! Sauf si tu es trop vieille pour veiller tard le soir (a) »

Lance-t-elle pour taquiner sa soeur. Elles n'ont que cinq années de différence et, si c'est peu, Aly s'est toujours amusée à appuyer sur le fait que son aînée soit plus vieille qu'elle, la taquinant sur sa vieillesse. Etant la première des trois soeurs à passer les caps importants en matière d'âge, les 18, 10, 25 et 30 ans, Aly s'est toujours amusée à la taquiner là dessus.

De toute évidence, oui, Alyssa avait raison ! Shady Cove était une petite ville. Juliana aurait tôt fait de rencontrer de nouvelles personnes et, surtout, un logement décent. Elle se voyait mal se mettre en colocation, elle qui préférait largement son intimité, elle avait en outre passé l’âge de ce genre de choses. Elle se voyait plutôt s’installer dans une maison coquette d’un quartier résidentiel fleuri, et espérait en trouver une à vendre, ou tout du moins, à en louer dans le voisinage. C’était déjà un bon objectif de départ.

« Tu me connais, j’ai jamais besoin de me reposer. Au contraire ! Mais… Merci. Même si je te l’ai déjà dit, que je le répéterai sûrement une bonne dizaine de fois… Je ne sais pas ce que je ferais sans toi ».

Juliana baissa les yeux, un peu gênée, mais pourtant sincère. Parfois, elle avait l’impression que les rôles étaient inversés ; Alyssa l’aînée, Jul’ la benjamine à protéger. Mais cela restait relativement rare.
Elle se dirigea ensuite en direction de sa chambre, bureau reconverti, dégageant une odeur de propreté absolue qui embaumait dans l’air. Le canapé, qui se transformerait en lit au moment venu, trônait contre le mur, et visiblement, Aly avait viré la plupart de ses affaires, si bien que les étagères étaient vides, probablement comme l’armoire qui occupait une partie de l’espace. La fenêtre donnait sur la rue, et cette idée enchanta Jul’. Au moins, elle pourrait toujours espionner ses voisins si elle s’ennuyait !

Un sourire se peignit sur son visage à la dernière remarque malicieuse de sa petite sœur, et elle rétorqua sur le même ton :

« Trop vieille ? Oh, mais tu risques d’être étonnée… Crois-moi, j’ai gardé toute la vitalité de ma folle jeunesse ! Par-contre, ne compte pas sur moi pour venir te border le soir… J’ai pas très envie de continuer de te lire des histoires ! »

Ah, Juliana ne pouvait s’empêcher de repenser à son enfance. Le nombre de fois où elle avait été obligée de rester le soir pour lire des contes mielleux à ses deux petites sœurs ! Ce détail-là laissait dans sa mémoire un souvenir impérissable.

Un doux sourire envahi les lèvres de l'animatrice radio. Elle a encore un peu de mal à réaliser que sa soeur aînée est bien là, en chaire et en os, devant ses yeux. Elle lui a tellement manqué. Jamais Alyssa n'a eut l'impression d'inverser les rôles avec Juliana. Elle s'est toujours sentie petite à côté d'elle. Une sensation qui, parfois, la frustrait énormément. Être toujours la plus petite, la plus jeune, la moins expérimentée dans un domaine...ça a parfois suscité quelques jalousies envers la blonde, mais c'est loin derrière elle. Même si aujourd'hui c'est elle qui s'occupe de Juliana et pas l'inverse, elle se sent toujours comme la petite dernière de la famille, mais faisant tout de même preuve de reconnaissance. Parce que toutes ces années, Juliana n'a cessé de prendre soin de ses soeur. Il est temps que quelqu'un prenne soin d'elle, enfin.

« Crois-moi, d'ici quelques heures avec le décalage horaire, tu vas t'endormir comme un bébé ! »

Elle connait bien sa soeur et sa forme légendaire, mais il est difficile de lutter contre le jet lag. Elle-même pensait pouvoir largement survivre à ce décalage plutôt conséquent mais après quelques heures, le temps que l'euphorie disparaisse, elle se retrouvait dans un canapé miteux dans la chambre qui serait la sienne pendant deux ans, tel un vieux pneu crevé. L'horloge interne de Juliana comme son organisme vont devoir s'adapter aux changements des prochains jours. Ici, le style de vie, l'air, le temps, rien n'est comme en Angleterre.

Tout naturellement, Alyssa lui fait faire un tour rapide du propriétaire. C'est assez petit, une maisonnette mignonne mais un peu petite pour une vie à deux. La visite est donc rapide et se termine sur le bureau, la pièce qui sera la sienne le temps de son séjour. Aly a fait au mieux pour qu'elle s'y sente bien. Chez elle. Elle lui a libéré de l'espace pour qu'elle puisse y poser ses affaires, comme si c'était vraiment une chambre. Sa chambre.

« Et heureusement ! J'suis loin d'être une enfant...»

Alyssa s'est bien éloignée de l'âge tendre et de son innocence d'enfant. Elle n'est plus tout à fait l'innocence incarnée comme elle a pu l'être jusqu'à un certain âge. Elle est même persuadée que si sa soeur apprenait comment Aly occupe certaines de ses soirées, elle en serait profondément choquée. Si elle savait que sa petite soeur à entretenu une double relation ou qu'elle batifole avec des inconnus le temps d'une soirée, elle n'aurait probablement plus le même regard sur sa jeune soeur. Ne voulant pas la décevoir, elle s'efforce de conserver cette image dans l'esprit de sa soeur.

« J'vais aller nous préparer un p'tit truc à manger, ça t'laisse un peu de temps pour poser tes affaires et commencer à t'installer...Il faudra que j'te présence Eleanor, ma meilleure amie, j'suis sûre que tu vas l'adorer ! Et puis Avery, vous avez pratiquement le même âge. Et puis faut que j'te montre tout un tas d'endroits sympas. Tu vas vraiment te plaire ici, j'en suis sûre ! »

S'excite la brunette aux yeux verts, les yeux brillants à l'idée de partager sa nouvelle vie avec sa grande soeur. Elle a tellement de gens à lui présenter, de lieux à lui faire découvrir...Elles ne pourront pas faire ça en un jour, mais elles prendront le temps qu'il faut. Juliana n'a visiblement pas l'intention de repartir de si tôt puisqu'elle a évoqué l'idée de se trouver un logement ici.

Bon, d’accord, Juliana était persuadée que sa sœur avait raison. Elle tomberait telle une masse dans son lit d’ici peu à cause du décalage horaire, mais elle était bien trop têtue pour l’avouer. Au pire, elle s’enfilerait plusieurs cafés à la suite pour se maintenir éveillée et ne rien manquer des événements. Elle comptait ne pas dormir d’ici les prochaines quarante-huit heures pour être sûre de ne rien louper d’important ! Elle se contenta donc de hocher la tête, un léger sourire aux lèvres, mais ne répondit pas. Pour l’instant, la fatigue ne se faisait pas encore ressentir et elle était en forme olympique. Comme toujours, certes. Toutefois, quand elle dormait, un tremblement de terre aurait pu secouer la planète entière, Jul’ ne se réveillerait pas. Cela avait à la fois ses avantages et ses inconvénients. Elle avait la possibilité de s’endormir n’importe où, même sur un sol glacé !

Jul’ suivit ensuite sa sœur dans la découverte de la maison, certes modeste, mais très chaleureuse. A chaque seconde qui passait, son affection pour cette nouvelle vie aux Etats-Unis augmentait. Sa nouvelle chambre lui plaisait vraiment. Elle se retourna vers Alyssa et rétorqua, malicieuse :

« Plus une enfant ? Je demande à voir... Pour moi, tu resteras toujours le petit diable au visage d’ange qui adorait cacher mes affaires dans toute la maison seulement pour me faire enrager ! »

Et puis, la dernière fois qu’elle l’avait vue, Alyssa était encore une adolescente, presque entrée dans le monde des adultes, et Jul’ mettrait probablement du temps avant de la voir telle qu’elle l’était aujourd’hui : une jeune femme rayonnante, autonome et sûre d’elle, animatrice radio de Shady Cove. Elle resterait probablement à jamais la gamine qui réussissait à soudoyer leurs parents à coup de regards larmoyants et de sourires jusqu’aux oreilles.

« Super ! » s’enthousiasma-t-elle. « Je meurs de faim. Je crains un peu la nourriture d’ici, mais je vais essayer de m’habituer ! »

Les yeux de Juliana brillèrent quand Alyssa évoqua quelques noms, encore inconnus, et l’excitation soudaine de sa jeune sœur était contagieuse. Sociable de nature, elle allait assez facilement vers les autres et rencontrer des gens ne posait aucun problème pour cette jeune femme toujours souriante, un peu fofolle. Enfin, ça, de toute manière, c’était un trait familial. La famille Stewart, potentiellement réputée pour être dégénérée du bulbe. Mais Jul’ le vivait plutôt bien. Et puis ici, personne ne la connaissait encore, sa réputation n’était donc pas encore faite ! Enfin, tout du moins, elle ne l’espérait pas.

« Je suis sûre aussi ! Et tes amies, Eleanor et Avery… Qu’est-ce qu’elles font, comme job ? Elles travaillent pour la radio, aussi ? »

Juliana a probablement du mal à le voir pour le moment mais Alyssa n'est plus une enfant, ni même une ado. Elle était encore jeune, pas encore adulte, la dernière fois qu'elle a vu sa soeur. Elle reste plus ou moins la même, avec un peu plus de maturité et plus d'expérience de la vie. En neuf ans, les deux soeurs ont manqué beaucoup de choses dans la vie de l'autre, mais elles vont désormais avoir tout le temps qu'il faut pour rattraper leur retard. Aly n'a pas un seul doute la dessus. Elle sourit doucement quand sa soeur espère bien voir que sa soeur n'est plus une enfant, mais elle se pince doucement les lèvres à l'idée qu'elle voit celle qu'elle est devenue. Elle n'approuverait certainement pas certains de ses choix, mais peu importe, Aly est ce qu'elle est, sa soeur devra s'y faire. Elle se met finalement à rire, se souvenant de la gamine parfois insupportable qu'elle pouvait être...

« Moi ? Je faisais ça ? Non, tu dois confondre avec une autre (a) »

Plaisante-t-elle en souriant. C'est vrai, petite, il lui arrivait de provoquer ses soeurs, de les embêter...Mais c'était pour attirer l'attention. Être la plus jeune n'a pas toujours été facile pour elle, surtout quand elle voyait ses deux grandes soeurs faire des activités de "grandes" ensemble en la laissant de côté. C'était rare, mais ça arrivait. Elle n'a pas toujours été la plus tendre des petites filles, mais elle voulait qu'on fasse attention à elle, c'est tout. Elle n'était pas mesquine, pas mauvaise, juste en manque d'attention. Pour que sa soeur puisse prendre possession des lieux, l'animatrice lui propose de lui laisser quelques minutes pour s'installer, le temps qu'elle prépare quelque chose à manger. Aly n'est pas une très grande cuisinière mais elle se débrouille. Elle fait des plats simples et s'en tient à la recette pour ne pas rater bêtement. Les initiatives culinaires, elle laisse ça aux professionnels.

« Y'a un truc que t'as envie de manger en particulier ? J'ai des pizzas au congélateur, de quoi faire des hamburgers maison...Enfin, dis moi ! Tu vas vite t'habituer au gras, bientôt tu ne pourras plus vivre sans ! »

La taquine-t-elle. C'est en venant vivre ici qu'Aly à réalisé à quel point la nourriture Anglaise peut être spéciale. Elle s'est rapidement habituée à la nourriture ici, mais par chance, son organisme lui a permis de garder sa ligne. Elle s'entretien un minimum, il faut dire. Prise d'un élan d'excitation à l'idée de tout ce qu'elle va montrer à sa soeur, les gens qu'elle doit lui présenter, elle se calme pour répondre à sa question.

« Non, non, pas du tout. Eleanor travaille à l'auberge, c'est une fille extra ! Et Avery est journaliste ! On s'est rencontrées à la radio, mais elle est super sympas, je suis sûre que vous pouvez bien vous entendre ! »

Juliana se souvenait parfaitement de leur enfance commune en Angleterre. Une enfance pour le moins tranquille, bercée par les rires, les chamailleries en tout genre, les réconciliations entre deux batailles d’oreiller. Cette époque lui manquait, dans un sens. Une époque qui avait contribué à créer des liens très forts entre les différents membres de la famille. Et maintenant que Jul’ avait retrouvé sa plus jeune sœur, c’était la cadette qui allait lui manquer ! Peut-être qu’un jour, elles se retrouveraient toutes les trois, comme au bon vieux temps. Mais pour l’instant, ce n’était pas prêt d’arriver. Et maintenant, après neuf ans de séparation, il leur faudrait recoller les morceaux, tenter de retrouver cette complicité d’autrefois. Ça n’allait pas être de la tarte !

Quand Alyssa lui cita les pizzas et les hamburgers, Jul’ sourit. Oui, elle allait bien devoir s’habituer à la cuisine américaine ! Elle allait avoir du mal à s’habituer. Car la jeune femme faisait attention à sa ligne, et même si parfois elle s’offrait quelques extras, en règle générale, elle évitait de manger trop gras. Mais aujourd’hui, au diable les convenances ! Elle réfléchit un instant avant de répondre :

« Un hamburger maison, ça ira très bien. Je peux même t’aider, si tu veux ! Même si je crois que, question talent culinaire, tu me dépasse largement… »

La famille Stewart n’était pas forcément réputée pour sa cuisine. A part peut-être leur mère, qui en Angleterre, accomplissait toujours de véritables prouesses. Prouesses que Juliana peinait à égaler, elle qui se contentait du strict minimum.

Quand sa petite sœur évoqua ses amies, Juliana approuva d’un hochement de la tête. Oui, elle avait hâte de les rencontrer, découvrir l’univers si particulier d’Alyssa et, surtout, s’y intégrer. Peut-être qu’un jour, elle ferait vraiment partie de Shady Cove. Elle l’espérait, tout du moins.

« Je te fais confiance, alors ! Tant que tu ne me présente pas de véritables crétins complètement fous, moi, ça me va ! »

Elle marqua un temps d’arrêt, un peu hésitante, ne sachant comment aborder le sujet. En même temps, elle n’était pas réputée pour son tact et avait la fâcheuse tendance à mettre les deux pieds dans le plat. Jul’ se mordilla la lèvre avant de poser la question qui lui brûlait les lèvres :

« Et sinon, aucun membre appartenant à la gent masculine n’a encore réussi à te séduire ? »

Après tout, la vie amoureuse de sa sœur était un sujet qui l’intéressait particulièrement ! Quand Alyssa était encore adolescente, Juliana adorait se mêler de sa vie privée, et commentait chacune des conquêtes et relations de sa petite sœur, au plus grand dam de cette dernière. Jul’ voulait en effet un homme à la hauteur de sa petite sœur !

Spoiler:

« Tu rigoles ! Pour une fois que j'ai l'occasion de te faire à manger ! Poses-toi, plutôt ! Tu veux quoi dedans ? Oignons ? Tomates ? Ketchup ? Dis moi ! »

Pour une fois qu'Aly peut faire à manger pour quelqu'un d'autre qu'elle, elle est ravie. Elle n'est pas excellente cuisinière mais elle se débrouille. Elle suit les recettes et s'essaie de temps en temps à quelques fantaisies culinaires mais ça reste rare. Déjà par manque de temps mais aussi parce que, lorsqu'elle a le temps, elle a souvent la flemme. Elle n'aime pas faire la cuisine quand c'est juste pour elle. Sa cuisine est donc peu utilisée. Dans la famille Stewart, personne n'a hérité du gêne de maman Stewart. Aly le sait bien, elle n'égale et n'égalera jamais sa mère dans ce domaine. Mais maintenant que Juliana est là, ça va peut-être changer. Attendant la réponse de sa soeur concernant les aliments qu'elle souhaite dans son hamburger, l'animatrice radio sort les pains à hamburger et sort des steak hachés du congélateur.

Toute excitée à l'idée de partager quelque chose avec Juliana, Aly s'imagine la liste des choses à lui montrer et la liste des personnes à lui présenter. Elle a bien l'intention de lui présenter ses plus proches amis, les personnes qui comptent pour elle et que la soldat du feu devra bien rencontrer un jour ou l'autre. Quand son aînée lui demande de ne pas lui présenter de crétin, l'animatrice se met à rire.

« Ça risque pas ! Je n'ai que de bonnes fréquentations triées sur le volet ! »

Lance-t-elle dans un rire. Ce n'est pas vrai, en plus. Elle est trop sociable et amicale pour restreindre son cercle de connaissances. Elle a bien quelques exemples de personnes très proches d'elle qui sont loin d'être des anges. Et bizarrement, certains noms se retrouvent dans la réponse à la nouvelle question de la magnifique blonde. Aly rougit un instant. Elle n'a jamais aimé les interrogatoires de sa grande soeur, parfois pires que ceux de leurs parents...Elle ne lui en veut pas de s’intéresser à elle mais elle n'a jamais aimé aborder ce sujet là avec les membres de sa famille, probablement par peur d'être jugée sur ses fréquentations.

« Hm, si, deux, en fait. A mon arrivée à Shady Cove, il y a eut Noah, un mec vraiment super. Ça marchait bien mais nos boulots étaient pas compatibles...» commence-t-elle alors que son sourire s'efface légèrement pour laisser place au sérieux. « Et il y a eut Jay. Je l'aimais bien mais pas assez. Pas autant que lui. » Elle n'a pas envie de rentrer dans les détails sur cette histoire. Autant, celle avec Noah, elle n'y voit aucun problème, autant, celle avec Jay, ça ne fait que remonter de vieux sentiments de culpabilité. Elle n'a pas été très honnête avec lui. Et puis, si elle se met à parler de cette histoire, elle ne voit pas comment éviter d'évoquer Chase et provoquer par la même occasion une crise cardiaque chez sa vieille soeur (a).

« Et toi ? En neuf ans il y en a bien quelques uns qui t'ont fait tourner la tête, non ? »

« Oignons et tomates, ça me convient parfaitement ! On gardera le ketchup pour plus tard » répondit Juliana, ne voulant pas faire la difficile. « Je te fais confiance pour me préparer le meilleur hamburger de la création ! »

Son ventre criait famine, maintenant que sa petite sœur parlait de nourriture, et elle n’avait qu’une hâte : s’enfourner enfin le hamburger tant convoité ! D’ailleurs, en neuf ans, Alyssa avait largement eu le temps de s’améliorer en cuisine. Jul’ ignorait tout de ses capacités culinaires, mais elle se disait que puisqu’elle était totalement inculte dans le domaine, il fallait bien que le talent de Mrs Stewart se soit transmis à l’une de ses filles.

Quand la conversation dévia sur les relations amoureuses d’Alyssa, Juliana eut la très nette impression d’avoir soulevé un sujet qu’il valait mieux ne pas aborder, à en croire le peu de détails apportés par l’animatrice radio. Elle se remémora les noms, Noah et Jay, peut-être aurait-elle l’occasion d’en apprendre plus sur eux au cours de sa vie à Shady Cove.

« D’accord, je vois » capitula-t-elle, ne voulant pas se montrer trop curieuse dès son arrivée. « C’est dommage, cela dit. J’espérais venir aux Etats-Unis et te voir épouse et mère de trois enfants au moins ! »

Son ton malicieux prouvait qu’elle plaisantait, du moins à moitié. Cela aurait rassuré leur mère, qui désespérait de voir ses trois filles un jour mariées et mères ! En tant qu’aînée, Juliana aurait dû donner l’exemple. A trente-deux ans, elle aurait dû déjà avoir bâti une vie de famille, mais elle en était tout simplement incapable. Elle était terrifiée à l’idée de perdre sa liberté si chère à ses yeux, de devoir s’engager dans une relation dans laquelle elle n’aurait aucun contrôle. Alors les relations de quelques semaines, elle appréciait. Elle ne voulait pas être dépendante d’un homme et renoncer à tous ses principes, à son âme d’enfant.

Evidemment, Alyssa lui posa la question en retour, ce qui ne l’étonna guère. Que pouvait-elle bien répondre ? Des types croisés au détour d’un bar, des amis de ses collègues. Il y avait peut-être même Owen, son collègue pour qui elle nourrissait des sentiments ambigües, mais il avait fallu qu’il meure dans cet accident qui l’avait conduite à venir s’installer aux Etats-Unis pour que tous ses espoirs s’effondrent.

« Et bien… tu me connais, déjà à l’époque je n’étais pas très douée pour les relations stables, alors aujourd’hui… Ma plus longue relation a duré sept mois, et crois-moi, c’était un exploit ! Je suis partie avant que les choses n’aillent plus loin… »

Elle était restée avec le type en question parce qu’elle se sentait bien, qu’ils possédaient chacun leur part d’intimité et cela leur convenait à tous les deux. Mais il avait fallu qu’il commence à aborder des projets un peu plus précis pour leur futur commun pour qu’elle prenne la poudre d’escampette !

« Sans vouloir me vanter, tu vas te régaler ! » lui assure la brune dans un rire. N’est pas américain celui qui ne sait pas faire un bon hamburger. En même temps, ce n’est pas le plat le plus compliqué à faire. Un steak grillé entre deux pains auquel on ajoute des légumes et de la sauce, il faut vraiment être idiot pour rater ça.

Le pain et les steaks sortis, elle allume la cuisinière et y pose la poële qu’elle fait chauffer quelques minutes à vide avant d’y mettre la viande. Pendant que la viande cuit, elle découpe quelques rondelles de tomate puis coupe un oignon. Ses yeux se mettent d’ailleurs à pleurer. La jeune femme se met à rire puis se tourne vers sa sœur, malicieuse.

« Nan mais tu vois dans quel état tu me mets, franchement ! »

Lance-t-elle avant de rigoler et d’essuyer ses larmes d’un revers de manche. On lui a pourtant donné des tas de techniques pour ne pas pleurer en coupant des oignons, mais rien à faire, elle ne les essaye jamais, parce qu’elle n’y pense pas, tout simplement. Reprenant sa découpe, elle jette un œil à la poële et retourne les steaks pour qu’ils cuisent de l’autre côté, maintenant. Elle allume le four et y dépose les pains pour qu’ils chauffent et grillent très légèrement. Juliana n’est sur le territoire américain que depuis quelques heures, elle a encore tout à découvrir de la cuisine américaine alors Alyssa lui épargne le bacon dès le premier repas. Un hamburger classique fera l’affaire pour ce premier jour. Une fois que tout est prêt, elle assemble les ingrédients. Pain, fromage, steak, tomate, oignon, pain. Elle dispose ça dans une assiette avec quelques feuilles de salade sur lesquelles elle dispose le reste de tomates puis dépose tout ça sur la table avant d’y ajouter les couverts.

« Je t’ai sorti le ketchup pour que tu puisses en mettre si tu en as envie. Tu veux boire quoi ? J’ai du jus d’orange, du coca, de la limonade, de la bière et…de l’eau. »

Propose-t-elle la tête dans le réfrigérateur pour citer un peu tout ce qu’elle a à boire. Une fois à table, elle attrape une rondelle de tomate avec les doigts et la pose en entier dans sa bouche. Elle manque de s’étouffer en écoutant l’espoir que Juliana avait en arrivant ici. Heureusement qu’elle plaisante, sinon, elle aurait été bien déçue de voir sa petite sœur encore célibataire à 27 ans.

« Eh non, désolée de te décevoir. Cupidon doit m’détester, j’pense ! »

Répond-t-elle en accompagnant sa parole d’un clin d’œil malicieux. Elle commence à voir le temps passer et se dit qu’il serait temps de trouver un mec bien avec qui faire un bout de chemin, mais ce mec doit être vraiment bien caché, c’est ça le problème.

Ecoutant sa sœur lui raconter qu’elle n’a personne dans sa vie et que les relations durables ne sont pas sa tasse de thé, elle sourit. Sa sœur n’a pas changé en neuf ans, même pas de ce côté-là. Elle espérait qu’après tout ce temps, elle aurait découvert les joies des relations stables, mais visiblement non. Alyssa prend un air malicieux avant de reprendre la parole.

« Va savoir, peut-être qu’un américain va te faire tourner la tête et remettre tous tes principes en question (a) Peut-être même un gars du coin ! J’suis sûre qu’il y en a bien un ou deux qui peuvent te plaire par ici ! »

Un peu comme si elle observait son vénérable maître lui enseigner une quelconque leçon emplie de sagesse, Juliana examinait chaque fait et geste de sa sœur quant à la fabrication des hamburgers. Il s’agissait peut-être d’une recette facile, mais si la jeune femme voulait s’intégrer, il faudrait bien qu’elle apprenne. En Angleterre, c’était loin d’être le plat national ! Son regard s’illumina davantage quand le plat fut terminé. A ce rythme-là, elle serait capable de manger l’assiette avec.

« Une bière, ça m’ira. Si on veut fêter nos retrouvailles, autant le faire correctement ! Avec des hamburgers et de la bière, la classe ».

Avec elles, on faisait rarement les choses selon les convenances ! Et puis si ce n'était pas le meilleur repas pour sa ligne, au pire… elle pouvait bien prendre quelques kilos aujourd’hui, elle les perdrait bien assez tôt.

« Cupidon ? Ouais, il doit détester toute la famille Stewart, à mon avis ! Du genre, une vieille malédiction plane sur nous depuis notre naissance… » s’amusa-t-elle.

Ou alors, depuis des générations, mais leurs parents s’étant rencontrés très tôt, et ayant fait un véritable mariage d’amour, la malédiction ne les avaient visiblement pas atteints ! De toute façon, aucun des hommes croisés jusqu’alors n’était suffisamment bien à ses yeux. Quand elle était adolescente, elle aimait se répéter que, à trente ans, si elle n’était pas casée, elle renoncerait définitivement à l’amour pour aller aider les orphelins en détresse dans les pays défavorisés. Mais les trente ans étaient loin derrière et les orphelins ne l’avaient jamais vue débarquer devant eux.

« Ouais, un gars du coin… On verra bien ! J’me présenterai en tant que « la grande sœur de l’extraordinaire Alyssa Stewart », j’suis sûre qu’ils vont adorer ».

Elle laissa échapper un léger rire. Dans ce genre de petites villes, les rumeurs allaient bon train et les réputations se forgeaient à vitesse grand V. Elle se demandait bien ce qu’on pouvait penser de sa petite sœur. Rien de mal sans aucun doute, mais il n’empêche qu’elle avait hâte de voir la réaction des habitants de Shady Cove quand ils apprendront que sa grande sœur avait débarqué en ville !

« Va pour des bières, alors ! »

Lance gaiement la demoiselle en s'essuyant les mains avant d'ouvrir le frigo et d'en sortir deux bières bien fraîches. Depuis le temps qu'elles y sont, elle ne peuvent qu'être fraîches ! Les hamburgers sont prêts, elles vont pouvoir passer à table. Alyssa n'a qu'une petite table de deux personnes (ou trois, maximum) sur laquelle elle pose la vaisselle et tout ce dont elles vont avoir besoin. Prenant place en face de sa grande soeur, les deux blondes entament un sujet de conversation assez sensible : l'amour. Alyssa comme Juliana ne peuvent malheureusement pas se vanter d'avoir quelqu'un dans leur vie ni d'avoir rencontré le grand amour. Elles sont comme des électrons libres. Juliana plus qu'Alyssa, d'ailleurs. L'animatrice éprouve une réelle envie d'engagement, de promesses mielleuses et de projets à deux, ce qui ne semble pas être le cas de son aînée qui ne semble pas particulièrement se plaire sur le long terme.

« Tu veux dire une malédiction qui serait tombée juste sur les soeurs Stewart, oui ! Regardes les parents, ils ont toujours l'air aussi amoureux ! »

Les soeur Stewart ont toujours eut un excellent exemple avec leurs parents. Amoureux depuis des années, ils ne se disputent que rarement et semblent très heureux ensemble. Pas de divorce, pas de drames. Elles ont tout pour prétendre à un avenir heureux en amour, et pourtant, elles traînent pas mal de casseroles. Elles n'arrivent pas à trouver 'le bon'.

« Bien sûr qu'ils vont adoré (a) Tout le monde m'adore, ici ! Ils vont forcément trouver ça génial ! »

S'exclame-t-elle dans un rire. Elle doute fortement que 'tout le monde' l'adore. Il y a forcément des gens qui la détestent avec ou sans raison. On ne peut malheureusement pas plaire à tout le monde, et c'est très bien ainsi.

Spoiler:

Le repas fut bientôt prêt, et ce fut avec une joie non dissimulée que Juliana vit arriver sous ses yeux – et son estomac affamé – le hamburger tant attendu. Elle saisit la bière qu’Alyssa lui tendait et l’écouta répondre. C’était bien vrai, on ne pouvait pas dire que Jul’ donnait l’exemple, elle qui détestait l’engagement sous toutes ses formes. Et Aly’ semblait suivre la même voie. Enfin, Juliana pensait ça, mais au fond, elle n’en savait rien. Il y avait neuf ans qu’elle n’avait pas vu sa petite sœur, neuf ans qu’elle ne connaissait pas grand-chose de sa vie et aujourd’hui, elle ignorait ce qu’elle était devenue. Quelqu’un de bien visiblement. Quelqu’un d’extraordinaire. Même si elle ne lui avouerait pas, par orgueil, la jeune femme se sentait extrêmement fière d’Alyssa. Et son affection à son égard s’en trouva décupler, maintenant qu’elle venait enfin de la retrouver.

« Oui, ils ont vraiment de la chance ! »

Elle attendit patiemment qu’Alyssa s’installe enfin en face d’elle, après avoir achevé les hamburgers. Le doute n’était pas permis ; ici, elle serait parfaitement, exceptionnellement heureuse. Elle en avait la certitude. Un sourire malicieux, elle leva sa bière en direction de sa sœur et s’exclama joyeusement :

« A nos retrouvailles ! »

Certes, son adaptation prendrait sûrement du temps. Se faire accepter dans cette petite ville où tout le monde se connaissait ne serait pas une mince affaire. Mais elle avait tout le temps pour y parvenir. Elle avait quitté l’Angleterre pour les Etats-Unis et ne comptait pas revenir sur cette décision. Au contraire.

[Terminé]