Pourquoi. Pourquoi son cerveau d'idiot a décidé, une fois de plus, de faire un truc idiot qui lui coûterait sûrement son idiote de tête et mettrait ainsi fin à son idiote de vie ?

Tout a commencé lorsque Morgan, sortant de la cuisine avec une tasse de thé et ayant pour but d'aller s'installer dans le salon, pose les yeux sur la porte du bureau. Celle-ci est légèrement ouverte. Ou plutôt, elle est mal fermée. Ni une ni deux, la curiosité prend le dessus sur la raison et sans même qu'il ne s'en rende compte, le britannique est déjà sur le pas de la porte, prêt à la pousser davantage pour entrer. Mais un petit truc le retient. Une intuition qui lui dit qu'il risque sa peau. Mais l'instant d'après, il se rappelle que Christopher est sorti. La raison, il ne s'en souvient plus, néanmoins ça n'est pas grave, il n'est pas là.

Merlin a au moins l'intelligence d'aller déposer sa tasse sur la table basse du salon, ainsi, pas de risque qu'il l'oubli dans la pièce interdite au public en sortant. Il en boit un peu quand même, tant que la boisson est encore chaude, puis revient vers le bureau. Il y entre, et à peine la porte à moitié refermée pour la forme qu'il se fige. Tout, absolument tout, dans ce bureau rappelle l'ancienne vie de Chris sur les mers. Des livres sur la Navy, les bateaux, des dossiers, des rapports encore sur le bureau. En observant avec l'expression de celui qui va au Louvre pour la première fois, Morgan se dit qu'il doit y avoir des trucs secret défense dans tout ces papiers. Bon, peut-être pas à ce point-là, mais tout de même, l'américain était haut gradée, d'après les souvenirs du jeune homme.

Il ne sait pas combien de temps il y passe, honnêtement. Il survole les titres d'ouvrages, feuillette un ou deux livres traitant, évidemment, d'un sujet naval, mais ne va pas jusqu'à lire les rapports. Ceux sur lesquels son regard tombe sont à propos d'une escale en France, et d'une autre à New-York. En regardant la date, il comprend que c'était le dernier voyage de Chris et, bizarrement, un sentiment de tristesse lui enserre le coeur alors qu'il détourne les yeux. C'est comme si lui, le petit britannique expatrié, apprenait qu'il n'aurait jamais la possibilité de remettre un pied en Irlande, ou à Londres, qu'il ne pourrait plus jamais admirer les côtes de Cornouailles ou les lacs d'Ecosse. Ça le détruirait.

Secouant alors légèrement la tête, il décide cette fois-ci de porter attention sur les photographies présentes un peu partout. Idem, il passe un temps infini à observer, à voir la nostalgie transcender un cliché, à s’émerveiller devant un paysage incroyable, ou tout simplement à prendre la mesure de tout ce que Christopher a du laisser derrière lui. Cette pièce, on dirait presque un temple, un autel à sa vie passée. Une fois de plus, Morgan ne peut se détacher de l'idée que Chris est très classe en uniforme. Il se fait la réflexion à peu près à chaque fois qu'il voit le portrait toujours accroché au mur de sa chambre en fait. Et là, il y a plusieurs photos de lui avec ses collègues. Et amis. Même cela est perceptible à travers un regard échangé ou un sourire.

Ainsi, l'américain a eu des amis. Quelques-uns en tout cas, ceux qui sont récurrents sur une bonne partie des photographies. Et puis, clou du spectacle. L'uniforme. L'uniforme de Christopher, avec médailles et tout le bazar. Merlin n'y connaît rien en codes de la Navy, mais il se dit qu'il devait être un très bon officier. Il caresse doucement le tissus, effleure les décorations du bout des doigts, se dit que l'autre imbécile n'a qu'à se pointer avec ça pour faire tomber les femmes comme des mouches. Et puis une idée, une idée encore plus débile que toutes celles qui lui sont un jour passées par la tête. A quoi, lui, pouvait bien ressemblé avec un uniforme ? Oh, il a stoppé la bêtise à enfiler la veste, heureusement. Lui et Chris n'ont pas la même carrure, Morgan fait plus fragile, dégingandé, donc la veste est un peu grande pour lui. Mais il est dommage qu'il n'y ai pas de miroir dans le coin.

Christopher est figé a l´entrée du bureau. Ce qu´il tenait en main est tombé, dans un bruit sourd, au sol. Bouche entre ouverte, expression ahuris sur son visage, l´ancien premier maitre observe ce qu´il voit au milieu de la pièce. Quelque chose de choquant. Quelque chose qui n´a aucunement sa place ici, dans cette maison. Et surtout pas dans ce bureau. Encore moins avec ça sur le dos.

Mais commençons par le commencement. Christopher est, comme tous les jours, aller faire son jogging. Au lieu de longer Rogue River, il a décidé, aujourd´hui, de se dépenser dans la forêt. Au début, tout allait pour le mieu. Christopher avait un rythme régulier quoique plus soutenu que d´habitude. Et c´est sans doute ça mêlé au terrain irrégulier qui lui a été fatal. Alors qu´il n´avait été qu´à la moitié, sa cheville s´était mit à se plaindre. Ignorant tout d´abord les légers picotements de douleurs, se disant que ça passera déjà, il a continué son chemin. Mais arrivé aux 3/4 du tour, il a dût s´arrêter. Trop grande était la douleur maintenant.

C´était donc, grimaçant à chaque pas, qu´il s´est mit sur le chemin du retour. La rentrée à la maison était longue et douloureuse, si bien que Christopher se demande encore maintenant, comment il a put réussir à passer la porte d´entré. Enfin, peut importe, il a réussi. C´était, boitant et d´une démarche plus qu´irrégulière, qu´il s´est dirigé vers la cuisine afin de se réhydrater. Mais le destin voulait qu´il n´arrive jamais a destination.

En effet, passant par le salon pour récupérer un magasine qui trainait par là, son regard se pose sur une tasse. Le thé à l´intérieur et la tasse elle-même ne sont plus que tiède. Christopher fronce légèrement les sourcils. Morgan. Il est le seul à boir du thé ici et est surement le dernier à laisser ce nectare des dieux refroidir. Il devait y avoir un problème. Le coeur de Christopher s´accélère subitement. Et si Morgan n´était sorti que quelques instants pour faire un truc et qu´il a eu une attaque ou un malaise? Se pourrait-il qu´il soit allongé quelque part, inconscient? Rien que cette idée fait relever la tête à Christopher. Et c´est là que son regard tombe sur la porte de son bureau. Elle est entrouverte. Fronçant d´avantage les sourcils, l´ancien militaire s´avance aussi rapidement et aussi discrètement que sa cheville le lui permet. Il pousse lentement la porte, lorgne à l´intérieur et se fige. Instantanément.

Le magasine lui glisse des mains et tombe au sol. Il ouvre en grand la porte. Son coeur s´emballe. Ses yeux s´écarquillent. Il observe Morgan qui se retourne. Ils se fixent. Longtemps. L´un comme l´autre ne sachant surement pas quoi dire. L´un est choqué, l´autre est intimidé, ne sait pas oú se mettre. Et puis subitement, l´air de Christopher change du tout au tout.

La rage. La vraie. Celle que l´on retient tant bien que mal pendant des années et qui explose ensuite comme une bombe nucléaire. Celle qui fait des ravage avant même qu´on ne l´apperçoit. Des ravages dont on ne connait que trop bien les conséquences mais desquels on se dit que jamais ils ne nous atteindront. Oui, c´est ce genre de rage qui apparaît sur le visage de l´ancien premier maître.

Sans explications, sans prévention, il enjambe le magasine à terre, s´avance vers Morgan. L´instant d´après, le dos de sa main gauche claque sur le joue du plus jeune. Celui-ci, sans doute trop surprit ne réagit pas. Et Christopher en profite. Sous l´emprise de la colère, il ne se contrôle plus. Il oblige tout d´abord Morgan à enlever la veste d´uniforme qu´il pose délicatement sur le côté avant de lui empoigner vivement les épaules. Le faisant reculer, il le plaque violement contre le mur.

"Qu´est-ce qui te prend ?!" hurle-t-il, ignorant les plaintes de douleur du plus jeune alors qu´il referme ses mains sur le col "Ce n´est pas pour rien que je t´ai interdit l´accés ici ! Putain ! Tu respect parfois les rêgles qu´on te pose, hein?"

il le secoue avant de le relâcher vivement. Ahuris, il le fixe, secoue la tête et se détourne, dans le but de remettre la veste de l´uniforme correctement sur le ceintre. Mais il sent Morgan bouger. Il sent comment il ouvre la bouche afin de prendre la parole. Mais Christopher ne le laisse pas s´exprimer. Non. Subitement, il se retourne. Et tandis qu´il se retourne, il fait à nouveau claquer le dos de sa main droite contre la joue du plus jeune.

"TA GUEULE !"

Mais quel sombre idiot, mais quel imbécile, mais quel [insérer ici l'insulte correspondante]. L'instinct de survie de Morgan lui hurle à pleins poumons de s'enfuir, de prendre ses jambes à son cou, de se barrer. Le tout si fort que le jeune homme se demande comment Chris a pu ne rien entendre. Cependant, il ne bouge pas, se contentant de regarder l'ancien militaire avec des yeux légèrement écarquillés. C'est le bruit du magazine tombant au sol qui l'a fait tiquer, puis celui de la porte qu'on ouvre qui l'a fait se retourner. Les deux hommes se fixent alors depuis, en chiens de faïence. Merlin passe par à peu près tous les sentiments et expressions synonymes de peur.

Puis soudainement, le visage de Chris change subitement, laissant transparaître la rage la plus noire et la plus intense que le britannique n'ait jamais connue. Quoique, il y eu bien cette fois où il a touché au violon de son cher frère, les conséquences en ont été dramatiques. Aujourd'hui, c'est la première fois qu'il voit l'américain dans un état pareil et franchement, il s'en serait bien passé. Il sent quelque chose en lui se briser au moment où il reçoit la première claque. Sa joue droite l'échauffe brusquement. Surpris, pas tellement. Honteux plutôt, parce qu'il sait qu'il a franchit une limite. Terrifié, il ne comprend plus vraiment ce qu'il se passe, il retire juste la veste d'un coup d'épaule — une chance qu'il ne l'ait pas attachée.

Il se retrouve alors violemment plaqué contre le mur. Les gestes de Christopher à son encontre sont à l'opposé total de la douceur dont il a fait preuve avec le vêtement. Ses mots sont crachés avec une fureur sans nom. Morgan ferme les yeux, grimace, tente de retenir des plaintes de douleur, mais la force de l'ancien militaire le maintient cloué au mur. Sa gorge se serre, son coeur est reparti pour un marathon endiablé, Merlin craint même pour sa vie à moment donné. La terreur, la vraie. Celle qu'on a, gamin, lorsque l'on a conscience de la gravité de la bêtise que l'on a faite et que l'on a peur de perdre l'amour de ses parents. Morgan rouvre à peine des yeux apeurés sur Chris lorsque ses mains agrippent son col. Il fini par être violemment secoué, puis reste appuyé contre le mur quand il est relâché.

Ne bougeant pas, il n'ose recroiser le regard de l'ancien officier. Il ouvre tout de même la bouche, ne sachant pourtant pas ce qu'il va dire, tandis qu'il se détache de son soutient. Quelle erreur. Pour la seconde fois, le coup raisonne dans la pièce. Une seconde claque, sur la seconde joue, accompagnée d'un ordre de se la fermer refusant toute réclamation. Les nerfs qui lâchent. Les derniers remparts contre les larmes cèdent et, sous la force de la colère de l'aîné, Morgan se sent faiblir. Déjà de nouveau appuyé contre le mur suite au coup, il se laisse glisser contre lui, ses jambes n'ayant plus le courage de porter sa maigre carcasse. Sans qu'il ne le note, les perles salées ont commencé leur course sur ses joues. D'abord une ou deux, puis trois, et quatre...

Toujours aussi sensible que lorsqu'il était enfant. Il sert les dents, le visage baissé, retenant deux ou trois sanglots. Après un instant plus ou moins long suivant le référentiel, très long en ce qui concerne Merlin, le jeune homme renifle et essuie ses larmes, qui pourtant sont têtues. Il se relève, faible, minable, infiniment désolé, n'ayant qu'une envie : fuir d'ici ou se terrer dans sa chambre au plus vite. Il sèche une nouvelle larme du dos de la main, et esquisse un pas vers la sortie. Il s'arrête cependant sur le pas de la porte, et essaye d'avoir une voix normale. Essai raté bien entendu, puisque que sa voix, étranglée, tient plus du gémissement désolé.

— Pardon...

Quel connard. Quel enfoiré. Quel débil. Quel idiot. Quel gamin irréfléchit. Quel Sale gosse. Quel ... Christopher ne trouve pas d´autre adjectif assez fort pour désigner la rancoeur qu´il ressent envers Morgan. En cet instant, il regrette tout. Il regrette d´avoir accepter d´offrir un hébergement digne de ce nom à ce jeune homme. Oui, il irait même jusqu´à regretter d´avoir été celui qui ait parler à William en premier. Et ce pourquoi? Pour un vêtement? Un bout de tissu, tellement insignifiant par rapport à une vie humaine? C´est ce que Christopher se dira plus tard dans la soirée.

Pour l´instant, il est occupé avec le vêtement qui traine à terre. Après avoir frapper Morgan une deuxième fois, il s´est détourner de ce gamin et s´est approché de la veste. En se baissant pour la ramasser, il entend les pleurs du plus jeune. Son coeur se serre futivement. Avait-il vraiment eu envie de frapper le plus jeune? Mais surtout: celui-ci, avait-il réellement mérité ces baffes? Peu importe si oui ou non. Le passé est une chose immuable. Jamais Christopher n´a ressenti autant de rancoeur par rapport à une personne. Jamais il n´avait eu une telle envie de frapper, de démolir quelqu´un. Que ce soit par la parole ou par le geste, Christopher avait envie que ce gamin sache dans quoi il s´était fourré. Il voulait que Morgan se remémorre sa douleur et sa peine à chaque fois qu´il passait devant ce bureaux. Il voulait le voir pleurer. Il voulait le voir le craindre, voir du respect dans son regard. Il voulait ...

... Tout sauf ça. Le "désolé" lui parvenant du plus jeune et dit d´une voix étranglé lui firent relever la tête. Le fixant d´un air tout d´abord dur et glacial, son regard s´adouçit rapidement en voyant la peine sur le visage du jeunot. Son désolé n´avait pas été dit dans le vent. Non. Il était sincère. Tellement sincère que Christopher en oublia d´être énervé. Putain. Il baisse vivement le regard. Il n´a pas le droit. Non, ce gamin n´a pas le droit d´avoir cet effet sur lui. Non. Il veut rester énervé. Il ...

... ne sait plus quoi penser. Devait-il continué d´être énervé? Devait-il continuer son rôle de sans coeur, froid et dur? Celui qui frappe et engueule? Ou, au contraire, devait-il se montrer rassurant, prendre le rôle de grand frère ? Celui qui protège le plus jeune envers et contre tous? Devait-il montrer à Morgan que, malgré tous, il tenait à lui ? Qu´il n´avait pas eu envie de lui faire du mal? Trop de questions, pas assez de réponses, encore moins d´action.

Alors, après s´être prit le temps d´accrocher correctement son uniforme et d´en lisser un plis, il se retourne vers Morgan, s´avance et le prend dans ses bras. Posant ses mains sur ses omoplattes, il l´attire et le serre contre lui, le berçant légèrement. Le jeunot ne résiste pas. Il ne doit surement pas en avoir la force.

"Morgan ..." souffle-t-il en lui caressant doucement les cheveux. Christopher se rappelle furtivement que ce geste l´a bien calmer lors de l´attaque du chien. Enfin, là n´est pas la question "Morgan ..." reprend-t-il doucement, avant de soupirer, ne sachant pas par oú commencer."Dire que je suis désolé serait me mentir à moi-même" dit-il finalement après quelques hésitations "Mais comprend moi ..." il lui attrape les épaules et le repousse légèrement pour le regarder "Ici, c´est mon monde. Mon univers. Mon havre de paix." Il laisse un regard couler sur la pièce "Ce n´est pas sans raison que je t´en ai interdit l´accès." il reporte son attention sur Morgan "Chacun à un endroit dans lequel il se retir pour trouver la paix. Pour moi, c´est ici." Il lâche Morgan et se recul d´un pas "Que tu sois entré ici sans mon autorisation ne me plait pas. Quand en plus je t´ai vu avec la veste de l´uniforme ..." Il baisse le regard, soupire et dégluti pour refouler la vague de colère qui tente de reprendre possession de lui "C´est la chose la plus débile que tu ais pûs faire dans ta vie. Et crois moi, ce sera difficile pour moi de l´oublier ..."

Que Morgan voit les photos, les livres, les documents ou même les rapports étaient peu important. Mais qu´il essaie l´uniforme, SON uniforme, l´uniforme pour lequel il a tant travailler, pour lequel il s´est tant donné ... non. Christopher ne le supporte pas. Pas du tout même.

Morgan s'est assez attiré les foudres des gens pour savoir quand il a dépassé les bornes ou quand, au contraire, c'est exagéré. Là, il sait parfaitement que la colère de Christopher est on ne peut plus légitime. Les baffes sont peut-être de trop, au moins la deuxième, mais le brun ne va pas se plaindre. Il se sent coupable, comme à peu près 90% du temps quand il fait une connerie, alors une claque en plus ou en moins. D'autant que si Chris avait décidé de le démolir, Merlin n'aurait pas été de taille de toute façon, il se serait même peut-être laissé faire, protégeant juste ce qu'il fallait. Et au contraire de ce que l'on pourrait croire, ses larmes ne sont pas là pour apitoyer qui que ce soit, ce sont juste sa sensibilité et ses nerfs qui évacuent un trop plein. Dans ce cas, ce sont la peur, la honte et la culpabilité qu'il a ressenti.

Pour sûr, le jeune homme s'en souviendrait de ce foutu bureau, de cette foutue veste. Et tout ça à cause de cette foutue curiosité qui faisait partie intégrante de lui. Il s'en voulait affreusement. Il n'aurait jamais du entrer dans cette pièce, il n'aurait jamais du ne serait-ce que penser à cette maudite veste. Le mot d'excuse franchissant ses lèvres était tellement lourd de sincérité qu'il se demande un court instant comment il a pu remonter de ses cordes vocales. Il ne relève même pas les yeux sur Chris, il a eu sa dose d'expressions dures et colériques pour aujourd'hui. Voire même pour le restant de ses jours. Ne sentant aucune réaction de la part de l'aîné, il décide de se détourner pour prendre enfin le chemin de sa chambre. Mais c'était sans compter sur Christopher.

Sans comprendre ce qui lui arrive, le britannique se retrouve dans les bras de l'ancien militaire. Doucement bercé, il ne se pose pas plus de questions. De toute façon, il n'arrive pas à le cerner, à un moment il va se dire qu'il est autoritaire, et l'instant d'après, Christopher va sourire en lui ébouriffant les cheveux. Merlin ne lutte pas, ça ne servirait à rien. Et une nouvelle fois, il se dit qu'il est bien là, contre le torse de Chris. Ce dernier a d'ailleurs du chopper le truc, car il revient caresser doucement la chevelure corbeau de l'idiot qu'il serre contre lui.

Morgan l'écoute, quitte un peu à regret son étreinte, fait tout pour ne pas croiser son regard, mais comprend néanmoins ses paroles. Il a touché un point sensible en entrant ici, mais plus encore en touchant à l'uniforme. Mais qu'est-ce qu'il lui a pris nom d'un chien ! Il se sait plus idiot que la moyenne mais là il a battu tous les records. Ses doigts s'entortillent nerveusement, tandis qu'il cherche ses mots. Il se racle un peu la gorge et essaie de parler de façon claire et intelligible. Ce qui est plus ou moins un succès suivant les moments.

— Je- je veux pas que tu t'excuse, je n'aurais pas du entrer, c'est tout.. Je suis vraiment désolé, je suis qu'un idiot fini doublé d'un curieux pathétique, c'est bien connu, sourit-il faiblement, se moquant amèrement de lui-même, il jette ensuite un rapide coup d'oeil à Chris avant de continuer. Mais.. je vois ce que tu veux dire, mais t'aurais pu.. je sais pas, m'en parler, m'expliquer ou... Il refoule un sanglot, puis inspire. J'étais sûr qu'ici c'était ton univers, mais, justement, puisque tu dis jamais rien, je voulais.. le connaître, apprendre à te connaître, savoir ce que- Il s'arrête et soupire, un peu perdu. Je sais pas exactement...

Et il a appris beaucoup plus que ce qu'il espérait. Il a même ressenti un soupçon de sa douleur. Et encore, ce n'est sans doute qu'un dixième de la partie visible de l'iceberg. Mais comment peut-on vivre avec ça ? Morgan ne trouve plus rien à dire. Ou plutôt, il ne trouve pas comment formuler toutes les pensées qui se bousculent dans sa tête. D'ailleurs, il n'a même pas conscience que toutes ces pensées tournent autour de Chris et seulement autour de lui. Il met cet intérêt sur le compte du fait qu'il apprécie tout simplement cet homme. Après tout, il l'a côtoyé pendant bien trois ans et maintenant il habite chez lui. Quoique peut-être plus pour très longtemps.

Le silence qui s'est installé est tendu et étouffant, et Merlin se mord la lèvre inférieure pour repousser ces maudites larmes, ne s'étant toujours pas complètement calmé. Il refuse cependant d'enfoncer le clou en parlant de ce qu'il a vu, des photos, de celle de sa chambre, ou de l'uniforme, ce qui réduit drastiquement les pensées qu'il pourraient formuler. Au bout du compte, tout ne se résume qu'à une seule et unique chose :

— Je trouve pas de mot assez fort pour te dire à quel point je suis désolé.. pour tout... finit-il par dire doucement, la voix quelque peu cassée, tout en sachant pertinemment que ça ne servirait à rien.

L´explication de Morgan est légitime. Son argumentation pour sa curiosité tient la route. Et finalement, Chris détient aussi une part de responsabilité dans cette histoire. Même si ce n´est que 20%,, il est en parti responsable de la curiosité de Merlin. Et tout ça à cause d´un seul trait de son caractère: le mystère.

Christopher a toujours été plus ou moins mystérieux. Enfait, bien que n´étant aucunement introverti, il est plus du genre à se retenir, à ne pas se mettre sous le feu des projecteurs. Il ne parle pas beaucoup de son passé, préfère écouter les récits des autres. Mais finalement, ce côté mystérieux, s´est, pour ainsi dire, aggravé depuis sa retraite prématuré. Il n´as toujours pas fait la paix avec ce qui lui est arrivé. Il n´arrive pas l´oublier. Du moins, juste assez pour ne pas avoir à constemment être torturer par ces pensées. Ce qui se trouve ici, dans cette pièce, n´évoque que de bon souvenirs. Mais ces bons souvenirs sont en même temps le fruit de mauvais souvenirs. Pour tout dire, c´est le bordel dans sa tête. Et il n´est pas complètement sûr que Morgan réussira à le comprendre.

Alors il se détourne, du gamin et de sa sincérité. Le regard baisser, il soupire, se passe une main sur le visage et s´avance versl´armmoire à laquelle il a accroché son uniforme. D´un geste empli de nostalgie, il caresse le doux velour du tissu et dégluti, fermant les yeux.

"Désolé ..." dit-il en un souffle "Crois moi, j´aimerais en parler d´avantage. Mais je n´y arrive pas ..." sa voix se brise, tandis qu´il referme la main sur la manche de la veste "C´est ma faute ... et crois-moi, je me déteste pour ça ..."

Perdre la confiance des autres est horrible. Perdre la confiance en soit est pire. Évidement, Christopher ne le montre pas. Il n´a pas de mal à cacher son profond malaise derrière la facade stricte et autoritaire de l´ancien premier officier qu´il était. On lui a apprit à ne pas se plaindre, alors il ne se plaint pas. En public, il tente d´être normal, de ne pas être désagréable. Mais depuis sa mise à la retraite tout à changer. Cette décision est la pire qui a été prise pour lui. Celle qu´il regrettera amèrement jusque dans sa tombe.

Elle a ouvert un fossé en lui. Un canyon que rien ne referme pas, qui, au contraire, s´agrandit de jour en jour. Seul, il lui arrive a se morfondre comme un molusque sans vie. En public, il fait comme si de rien n´était. Et pourtant ... ses accès de colères sont de plus en plus en fréquent. Il a toujours été plus ou moins lunatique, s´est toujours rapidement énervé, mais la Navy avait réussi l´impossible: le canaliser. Il travaillait dur, aimait se qu´il avait à faire et ne pensait pas aux choses négatives. Mais la retraite avait tout changer ...

La blessure avait tout changer. Depuis cette fracture, ces opérations et ces complications, il était handicapé dans ses mouvements. Alors qu´il pouvait courir 20 km à la suite et dans un rythme soutenu, il ne pouvait même plus courir 1h à la suite sans douleur. Alors qu´il pouvait suivre 4 entrainements de 2h chacun de karaté, en suivre seulement un d´1h30 suffisait pour raviver la douleur.

Tous ces aspects -la retraite, la douleur presque constante, la non possibilité de faire du sport- lui réduisait le moral à zéro. Et conséquence de tout cela? Il se défoulait -verbalement ou physiquement- sur la pemière personne qu´il voyait. Ici, en l´occurance, c´était Morgan. Le gamin qui s´excuse alors qu´il n´a pas vraiment fait quelque chose de mal et qui doit constemment subir ses accès de colère.

"Je suis le pire des connards ..." murmurre-t-il, sans relever le regard, gardant le dos tourné vers Morgan.

Il se déteste. Réellement.

Le problème de Christopher, c'est que la blessure est toujours à vif. Ce qu'il lui faut c'est quelqu'un qui saura calmer cette douleur. Mais visiblement, personne ne veut ou n'ose se porter volontaire. Le temps a sans doute commencé son oeuvre, mais ça ne sera pas suffisant. C'est sûr. C'est pour ça qu'il n'arrive pas à parler. Et puis, son entraînement militaire a du jouer un sacré rôle, alors tout ce qu'il a gardé en lui depuis sa chute, ça l'a dévoré de l'intérieur. Mais tout ça a assez duré. Morgan, il déteste cette coquille de protection qui s'est formée en plus, autour de celle strict et naturelle de Chris. Il a envie de la réduire en charpie, cette façade bien sombre qui l'enchaîne à son passé et qui lui fout constamment le moral à zéros. Merlin n'aime pas les gens dépressifs, et il est bien décidé à faire quelque chose dès l'instant où il a pris conscience de ça. Il ne sait pas quoi, mais il va pas laisser Chris se morfondre comme une grenouille décérébrée.

Bien évidemment, avant d'en arriver à cette conclusion, le britannique a été plus que surpris de voir et d'entendre ce qu'il a vu et entendu. Surpris et attristé. Il en oubli les sentiments qui l'animaient pour seulement plaindre Christopher. Il prend aussi peu à peu conscience qu'il est la cause de tout ces changements dans l'humeur de l'ancien soldat, pourtant froid d'ordinaire. Mais l'aîné a tort, il n'est pas un connard. Il est juste un peu excessif, un peu lunatique, et un peu sur les nerfs. Et puis, Morgan a aussi donné le bâton pour se faire battre. Il savait ce qu'il risquait, mais il est entré quand même. Il n'a plus qu'à assumer les conséquences de ses actes. Tout ce qu'il voulait c'était découvrir par lui-même pour ne pas forcer l'ancien militaire à quoique ce soit, vu qu'il avait interdit d'en parler. Seulement, c'est toujours en voulant bien faire que ça dérape. Soit.

Sans prévenir, il s'approche de Chris, lui attrape le poignet, et le sort de la pièce avec le peu de forces qu'il lui reste. Un changement s'est opéré ; il n'est pas le plus à plaindre, et il n'a pas l'habitude de geindre, et ce ne sont pas deux baffes qui vont l'achever. Sur le moment, on aurait pu le penser, mais avec le renversement étonnant dans l'attitude de Christopher, Morgan se dit que c'est à lui de l'aider. Et tant mieux si ses paroles l'ont fait réagir, mais le but n'était pas de le faire pleurer, juste lui faire comprendre ce point de vue. L'atmosphère est déjà lourde de toute façon. Ainsi, Merlin veut sortir de tout ça, et ne pas accabler d'avantage l'américain. Sa carrière militaire est peut-être finie, mais il ne faut qu'il pense que sa vie est terminée aussi. Le britannique referme donc la porte et, sans avoir lâché le poignet de Chris, se positionne face à lui.

Son expression sérieuse et un peu dure — extrêmement rare il faut bien l'avouer — est quand même largement atténuée par les sillons des anciennes larmes. On pourrait presque penser à un enfant en colère, mais là n'est pas la question. Au lieu de maintenir longtemps cette expression, Morgan fini par passer à plus de douceur, pour finir par un très léger sourire. Au revoir les perles salées. Les mots ne viennent cependant pas. Ils ne veulent pas sortir, car ils savent qu'ils n'auraient aucune utilité. Alors, simplement, Merlin se hisse un peu sur la pointe des pieds pour pouvoir passer sans mal ses bras autour de son cou et le serrer contre lui. L'étreinte, douce mais ferme, dure un long moment, qui passe un peu vite d'ailleurs. Morgan veut lui faire sentir qu'il est là, qu'il n'est pas seul avec tout ça, et que même si lui ne comprend pas, il est quand même à ses côtés.

— Je t'interdis de dire une chose pareille compris ? chuchote finalement le brun. Tu n'es pas le pire des connards, j'aurais sans doute fait pareil à ta place...

Quelques secondes s’égrènent, puis le plus jeune resserre une fois de plus son étreinte avant de se détacher doucement de Chris, comme s'il ne voulait rien brusquer. Leurs yeux se croisent un instant, avant que ceux de Morgan ne retournent se fixer sur le sol. Il laisse ses mains glisser d'elles-mêmes contre le torse de Chris, alors qu'il reprend la parole, d'une voix douce et faible, uniquement pour l'homme en face de lui :

— Tu as encore la vie devant toi, ne l'oubli pas... Surtout ne l'oubli pas... Et.. je ne vais pas te forcer à parler mais juste, si t'as besoin, je suis là.. n'importe quand, même à 2h du matin... Ok ? Il laisse passer un petit ange, puis relève un regard timide mais un peu rieur sur Chris, alors qu'un sourire amusé s'invite sur ses lèvres. Et puis, on s'est retrouvés, ça ne doit pas être pour rien.

Christopher se déteste, pour plusieurs raisons. Il se déteste d´avoir fait preuve de violence envers Morgan, se déteste de se montrer faible et se déteste encore plus d´avoir laisser sa carapace se fissurer et ainsi permettre au plus jeune de le toucher psychiquement. Finalement, pour tout dire, Merlin est celui qui s´est le plus rapprocher de son coeur depuis que l´ancien militaire s´est enfermé dans sa carapace de protection. Pourquoi? Pourquoi ce jeune tente-t-il obstinément de percer toujours plus profond? Pourquoi tente-t-il de le prendre par les sentiments et aller toucher son âme? Christopher ne peut se l´expliquer.

Il est toujours sur place, poing gauche fermé sur la manche de sa veste, yeux clos, visage fermé, lorsqu´il sent des doigts se refermer sur son poignet. Délicatement, ils l´obligent à lâcher sa veste. Fermement, ils l´obligent à les suivre. Chrsitopher ne résiste pas longtemps et se laisse entrainer. Hors de son temple, hors de cet endroit.

Et lorsqu´ils s´arrête, il inverses les rôles. Se dressant légèremt, Morgan passe ses bras autour de son cou et l´attire contre lui. Refermant les yeux, empêchant, à temps, les larmes d´émotion de couler, Christopher se laisse aller contre le plus jeune. Posant son front dans le creu de l´épaule de Morgan, déglutissant et soupirant, il l´écoute parler.

Merlin dit furtivement que l´ancien militaire devrait cesser de dire ce genre chose qui ne sont que des mensonges. Ces dires n´intéresse guère Christopher, qui ne montre pourtant aucune réaction. Et la suite n´est pas beaucoup mieux. Morgan lui dit qu´il a encore la vie devant lui, qu´il ne va pas le forcer à parler et qu´ils ne se sont pas retrouver pour rien. Christopher, qui s´est furtivement tendu, serrant rapidement le plus jeune contre lui, se voit obliger de le lâcher. Il croise son regard, mais Morgan le détourne vivement. Baissant le sien, l´ancien officier hoche doucement la tête.

"Mais le reste de la vie, vaut-elle vraiment la peine d´être vécue ...?" demande-t-il en un souffle.

Sans réfléchir. Ces mots sont sortis de sa bouche sans qu´il n´ait pu les retenir. Et dès lors qu´ils eut franchis ses lèvres, il les regrettes. Ce sont les mots de quelqu´un ayant des pensées suicidaires. Or, c´est tout le contraire de Christopher. Bien qu´étant passé par de nombreuses phases de déprimes dans lesquelles il avait envie de ne rien faire, il n´a jamais eu ce genre pensées. Pourquoi donc avait-il exprimé une telle chose maintenant et à haute voix? Pourquoi devant Morgan? Chrstopher se maudit. Il aurait pût s´éclater la tête contre le mur de la maison. Il devait remettre les choses au clair. Ou du moins, tenter de les remettre au clair.

"Désolé, je ... c´est pas ce que je voulais dire" murmurre-t-il "Tu n´es pas le premier à me l´avoir dit ..." sa voix se brise, tandis qu´il pince les lèvres "C´est dur ... trop dur." Il secoue doucement la tête "Tu ne peux pas savoir à quel point ... putain."

Il se détourne vivement et, du dos de la main, s´essuie une larme qui a forcé le passage de ses paupières pourtant closes. Il n´a jamais pleuré pour cette chose. Pourquoi est-ce que ça devait arrivé maintenant ? Putain. Il a 29 ans ! On ne pleur plus à cet âge.

Pourquoi Morgan agit-il ainsi ? Honnêtement, il ne le sait pas lui-même. Il veut juste aider, il ne peut rester sans rien faire alors qu'un ami se sent aussi mal, comme il le ferait avec n'importe qui. Mais là, c'est Chris. C'est... différent, quelque part. En fait, il n'y a pas de raison particulière, il le fait, c'est tout, il le doit, il en a envie. Et il ne sait pas vraiment comment il s'y prend, mais il arrive à percer peu à peu l'armure de l'ancien militaire. Et il aime bien. Il aime bien quand Chris est vraiment lui-même, est entièrement là. Parce qu'une couche superficielle c'est bien, mais c'est superficiel. Il y a tellement de choses en dessous.

Christopher se laisse faire finalement, au bord du craquage psychologique sans doute. C'est l'effet Merlin, quand les mots viennent du coeur, peut importe de quel point de vue l'on se place, ils arrivent toujours à bon port. La sincérité est sans doute l'une des armes les plus efficaces. Bref. Après avoir relâché l'américain et entendu sa question, il écarquille légèrement les yeux, bouche bée, suite à celle-ci. Touché. Cela sonne comme une pensée suicidaire mais... Non ! Bon, c'est vrai que ça phrase à lui sous-entendait aussi cela, mais que Chris reprenne ça d'une façon si désespérée... Alors qu'il fronce un peu les sourcils, à deux doigts de parler, il se fait couper l'herbe sous le pied par l'aîné qui tente d'éclaircir les choses.

Celui-ci est perdu, mais Morgan arrive un tant soit peu à voir où il veut en venir. Il sent cependant une vague de compassion le submerger, et son petit coeur de sale gamin idiot, irréfléchi, et curieux, se serre lorsqu'il entraperçoit une larme, avant qu'elle ne soit rapidement effacée par Chris lorsqu'il se détourne. Il pleure. Ce crétin pleure ! Quoi de mieux pour que le brun se sente responsable de tout ça. C'est la première fois qu'il voit une larme de Christopher, la première fois qu'il le voit aussi faible. Et ça ne lui plait pas du tout, ça prouve qu'il a vraiment besoin d'aide pour sortir la tête hors de l'eau. Merlin passe alors ses bras autour de la taille de Chris et le serre contre lui, posant son front contre la base de sa nuque. Sans réfléchir, c'est encore ce qu'il fait de mieux. Il n'est pas prêt de le relâcher cette fois-ci.

— T'as pas le droit de penser à des trucs pareils, t'as même pas le droit de penser à penser à des trucs pareils, dit-il faiblement, comme une plainte.

Il a déjà été amené à penser que son frère était mort, qu'il ne le reverrait jamais et qu'il n'aurait aucune explication de cette soudaine absence. Mais finalement, ces cinq ans de silence auront été les mêmes que si ce crétin de Will avait vraiment rendu l'âme. Et ce fût ensuite un total soulagement qui s'est emparé de lui après coup, lorsqu'il a appris de Chris qu'il savait encore se servir d'un téléphone. Il a eu sa dose. Chacun a ses bagages de malheurs, c'est ainsi. Et même s'ils sont différents, certains sont tout aussi dur à porter. Parfois, on arrive à les lâcher, et tout ce qu'on veut, c'est ne pas revivre ça. Alors à présent, Morgan n'a même pas envie de songer à la possibilité que l'américain en arrive au point de non retour. Il le serre un peu plus contre lui. Il n'a pas envie de le perdre.

— Putain, je te le répète encore une fois : je suis là bordel ! assène-t-il plus vivement, lui dont le vocabulaire est rarement vulgaire, il expire fortement, serre les dents, et se calme quelque peu, toujours contre le dos de Christopher. Je sais pas comment m'exprimer, je sais pas comment tu vas le prendre parce que je sais à quel point tout ça compte pour toi, mais Chris.. c'est du passé. Ses mains se resserrent sur le t-shirt de l'aîné. Tu n'es pas censé l'oublier, mais tu n'es pas non plus censé continuer à vivre dedans. Tu t'es blessé, c'est juste arrivé, point. Te demander comment les choses auraient tournées si ça ne s'était pas passé n'y changera strictement rien. Tourner le dos aux autres ne t'aidera pas non plus. Il faudra bien un jour que t'arrive à en parler pour exorciser, sinon tu finiras encore plus en ruine qu'avant. Il marque une pause, et reprend d'une petite voix. Je refuse que quoique ce soit te fasse du mal.

Cette larme, bien que vivement essuyée, est la première d´une longue série. Malgré lui, Christopher pleure. Malgré son envie de se montrer fort en toute circonstance, il craque. Il craque devant Morgan. Il montre sa faiblesse à ce jeunot qu´il héberge. Et c´est ça le pire. Il va être obligé de le cotoyer encore longtemps. La maison n´est pas assez grande pour se cacher, ils se croiseront nécessairement. Et dieu sait que cette situation-ci changera leur mode de vie. En bien ou en mal? Aucun d´eux ne saura le dire.

Quoiqu´il en soit, Christopher est là, dos tourné à Morgan à tenter désespérement de faire cesser les larmes qui coulent sur son visage. Il ne remarque que Morgan s´est approché de lui, que lorsque ses bras lui entoure la taille. Il ne résiste pas, se laisse faire, apprécis. Main droite sur son visage pour cacher au maximum ses larmes de faiblesse, il pose la main gauche sur les bras de Morgan. Avec difficulté il retient un sanglot et dégluti lorsque Merlin reprend la parole.

Et c´est là que ça devient bizarre. J´ai dit avant que nombreux étaient les gens qui avaient dit à Chris de parler de tout ça, de ne pas se laisser abattre. Mais rien n´y faisait. Il n´écoutait personne. Morgan, lui, disait exactement la même chose. Son discours était, à quelques mot près, celui de son ami et collègue officier. Pourtant, les mots qui sortent de la bouche du jeunot ont tellement plus d´effets que ceux de son ainé. Le discour tenu par le plus jeune semble avoir un sens maintenant. Un sens tout particulier. Christopher ne saura expliquer pourquoi. Quoiqu´il en soit, les paroles de Merlin ainsi que son étreinte qui se resserre sur lui, arrivent à le calmer quelque peu.

Après un dernier sanglot, reniflant et déglutissant, Christopher essuie les dernières larmes et prend plusieurs profondes inspirations. Réussissant peu à peu à calmer son rythme cardiaque ainsi que sa respiration, il abaisse sa main gauche et la pose, elle aussi, sur les bras de Morgan.

"Qu´est-ce que je ferais sans toi ..." demande-t-il dans un murmurre avant de lui écarter légèrement les bras, afin de pouvoir se retourner.

Lui faisant face, il cherche son regard. Ne le trouvant pas, il l´oblige, en lui attrapant délicatement le menton, à lever la tête vers lui. Et lorsqu´il capte enfin son regard, il le fixe, longuement. Il se plonge dans les méandres de couleurs, se noit dans l´océan bleu de ses pupilles. Christopher n´a jamais vraiment fait attention à la couleur des yeux de son colocataire, mais il la trouve fascinante. Pareil à son frère, les yeux de Merlin sont particulier.

Secouant légèrement la tête, Christopher revient sur terre et esquisse un sourire silencieux. Après un dernier et furtif soupire, entoure à nouveau les épaules du plus jeune de ses bras et l´attire contre lui. Toujours sans parler, il profite de ce sentiment de bien être qui se propage en lui. Et ce à chaque fois que Morgan est dans ses bras. Peu importe qui enlace qui, Christopher se sent bien avec ce gamin dans les bras.

"J´espère que tu ne m´en veux pas autant que je m´en veux ..." soupire-t-il en pressant légèrement sa mâchoire contre la tête de Morgan "J´espère que tu comprends ma réaction excssive. Mais surtout ... surtout .." Il ferme les yeux, serrant Merlin un peu plus contre lui "J´espère que tu comprends que je ne pourrais pas t´en parler" Il prend une profonde inspiration et se redresse légèrement, juste assez pour pouvoir regarder le plus jeune. il l´observe longuement puis souffle un "merci" doublé d´un sourire plus franc.

C'est presque de la magie, la vraie. Celle que Morgan aime. Grâce à ses mots, ces choses qu'on aligne sans fin et que n'importe qui pourrait répéter à l'identique, il parvient à faire comprendre à Christopher ne pas s'abandonner au passé. Il a remarqué qu'il pleurait lorsqu'il a du retenir un sanglot, et ça n'a fait qu'accentuer ses propres émotions, donnant encore plus de poids à ses paroles. Il y a une rupture à ce moment. En fait, la fissure s'était créée dès le début, dès la première claque, et elle avait empiré, de plus en plus, à coup de mots et de gestes. Plus rien ne sera comme avant. Il ne sait pas encore en quoi ça va changer, mais Merlin en est persuadé.

Un fois qu'il s'est tût, un silence tout relatif s'installe, troublé par un petit sanglot et un reniflement. Chris essuie ses larmes, prenant de grandes inspirations et pose sa main sur les bras de Morgan, où elle rejoint d'ailleurs son homologue. Il commence à se calmer, cela s'entend dans sa voix, dans sa respiration, et dans les battements de son coeur. Le britannique sourit doucement lorsque, dans un murmure, l'aîné demande ce qu'il ferait sans lui. Il broierait du noir sans doute, s'ennuierait horriblement, n'aurait personne pour lui ramener des chatons à la maison ou entrer dans son bureau sans autorisation, personne à qui faire ranger le désordre, personne qui mettrait le désordre, ou n'aurait pas à calmer quelqu'un à la limite de la crise cardiaque au moindre toutou qui passe... Soit.

L'ancien militaire se dégage doucement de l'étreinte pour se retourner face au plus jeune, qui laisse ses mains sur sa taille. Il cherche alors son regard, car ce dernier l'a toujours baissé. Merlin est surpris lorsqu'il le force à lever la tête, en l'attrapant par le menton. Plongeant ses yeux dans ceux de Chris d'abord par étonnement, il s'y noie ensuite. Comme aimanté, il n'arrive pas à dévier ne serait-ce une seconde son regard de ces iris bleues à damner un saint. Il a déjà remarqué les couleurs incroyables des yeux de l'américain, mais de les voir aussi près apporte quelque chose den plus. Ils se fixent un long moment. Totalement déconnecté de la réalité, Morgan sent un petit quelque chose se produire à l'intérieur de lui. Quelque chose d'euphorisant, mais dérangeant. Quelque chose de nouveau. Même après la rupture du contact visuel, le brun reste un peu de les nuages, alors qu'il se retrouve de nouveau contre le torse de Christopher.

Ses pensées ne suivent plus de fil conducteur depuis que leurs regards se sont accrochés, et Morgan ne perçoit qu'à moitié les premiers mots, avant de revenir totalement parmi les mortels. Ses bras se referment d'eux-mêmes dans le dos du plus grand, comme s'ils savaient quelle est la meilleure chose à faire. Le jeune homme a toujours était friand de contact physique avec les personnes qu'il apprécie. Ceux avec son père n'ont jamais été légion — les claques et les fessées ne comptent pas... —, ceux avec sa mère sont rares depuis l'emménagement à Seattle, et ceux avec son frère étaient fréquents par le passé, mais l'aîné a grandi. Autant dire qu'il n'a pas vraiment été gâté. Chris aussi n'est pas de ce genre-là, mais c'est ce qui rend les étreintes aussi puissantes, particulières, uniques. Mais il ne peut y avoir que ça.

Sauf que Merlin n'est pas concentré là-dessus. Il se laisse seulement aller au bien-être ressenti, répond à l'étreinte, écoute ce que son vis-à-vis a à lui dire. Il relève les yeux au mot de remerciement et intercepte le magnifique sourire qui ceint les lèvres de Christopher. Les sourires de cette intensité sont rares chez l'ancien officier. Alors, naturellement, Morgan le lui rend. Il se dégage ensuite de l'étreinte sans pour autant s'éloigner. Il encadre le visage de Chris de ses mains, l'oblige doucement à le baisser un peu, puis se dresse de nouveau sur la pointe des pieds et dépose un baiser sur son front. Lorsqu'il se détache, il sourit de nouveau.

— C'est à se demander qui prend soin de l'autre ici, dit-il faiblement.

L'un se fait héberger, l'autre soigne ses anciennes blessures. Ils s'entraident. Et c'est tellement naturel quelque part qu'imaginer une autre situation est impossible. Et dire qu'ils ne s'étaient pas revus depuis près de dix ans. Dix longues années. Qui aurait cru qu'ils deviendraient si proche en à peine quelques semaines ? Cependant, revenant aux premières paroles de Chris, Morgan laisse retomber ses mains tranquillement, reprenant une expression sérieuse, mais toujours aussi douce. Cherchant un peu ses mots, il laisse son regard dériver sur le sol. Avant de, pour une fois, revenir se fixer de lui-même à celui de l'américain.

— Je ne t'en veux pas parce que je te comprends, et tu n'as pas non plus à t'en vouloir, commence-t-il calmement, avant de sourire avec un peu de malice. Et ma technique de persuasion est infaillible, ajoute-t-il avec un petit clin d'oeil et un léger rire, pour détendre l'atmosphère, puis il reprend avec un zeste de sérieux. Tu as le droit de faire ce que tu veux en tout cas, tu n'es peut-être pas encore.. prêt, tout simplement. On a le temps, de toute façon.

Morgan le comprend. Il le cmprend réellement. Lorsque le jeunot le lui dit avec la sincérité propre à lui-même, Christopher à l´impression d´être débarasser d´un énorme poid. Un tel poids, qu´il en soupire de soulagement. Sentant ses épaules s´affaisser vers l´avant, relâchant toute la tension musculaire qui s´est emmagasiné en lui, il pose une main sur l´épaule du jeune homme, afin de ne pas perdre l´équilibre si ses jambes venaient à le lâcher. Il prend plusieurs profonde inspirations, puis relève le regard vers Morgan, lui sourit ... et s´accroche vivement à lui.

Refermant les yeux, visage crispé en une grimace de douleur, il empoigne vivement l´épaule du plus jeune, cessant toute respiration. Sa cheville. Sa putain de cheville. Christopher avait tellement été prit par les sentiments, était passer tellement rapidement par la rage, puis la trisstesse puis le soulagement, qu´il en avait oublier sa cheville douloureuse. Et maintenant son articulation se rappellement vivement et avec violence à lui.

"Putain" grimace-t-il entre ses dents serrés, pliant la jambe gauche pour soulager son pied. Ce n´est que, lorsqu´il change légèrement de position, qu´il remarque qu´il enserre avec une force non contenue l´épaule de Morgan. Vivement, il relâche sa poigne, gardant tout de même une main posé sur Merlin "Désolé ..." souffle-t-il en se redressant, afin de reprendre un équilibre digne de ce nom. "Un peu d´aide de serait pas de refux .." dit-il finalement en désignant le canapé.

Alors, comme s´ils avaient une connection télépathique, Morgan réagit rapidement et, soutenant sans problème l´ancien militaire, se dirige vers le canapé. Bien que Christopher ne pose que la pointe du pied au sol, chaque pas lui est douloureux. A tel point que le chemin, pourtant court vers le canapé, lui semble durer une éternité. Mais finalement, et sans réellement savoir comment, il se retrouve assit. Soupirant lourdement, fermant les yeux, il attend que les pulsations de douleur s´amoindrissent, avant de rouvrir les yeux et se pencher en avant. Il se passe une main sur sa cheville, puis enlève sa chaussure et sa chaussette. Du bout des doigts, il effleure la cicatrice qui s´étend du haut de la malleole extérieure sur le dos de son pied et remarque que la cheville est quelque peu enflé avec une température légèrement plus élevée.

"Fait chier" jure-t-il en se massant légèrement l´articulation "Je n´ai pourtant pas fait grand chose aujourd´hui .." A part courir dans la forêt sur un terrain irrégulier, connard, rajoute-t-il pour lui, avant de secouer la tête, soupirant à nouveau "J´en ai marre de cette putain de cheville. Elle me tuera un jour ..."

C'est sans doute ce qu'il fallait à Christopher, quelqu'un sur qui s'appuyer — sans mauvais jeu de mot. Quelqu'un de réellement sincère aussi. En tout cas, Morgan peut être fier de lui, ce doit bien être la première fois qu'il voit l'ancien militaire aussi détendu, soulagé. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, ou presque, jusqu'à ce qu'une grimace de douleur n'assombrisse le visage de l'ainé. Sa main se crispe vivement sur l'épaule du brun, qui serre les dents pour retenir une exclamation. Passé la surprise légitime, il ne dit rien et maintient Chris comme il le peut. Il a une telle poigne que Merlin a le temps de se demander où il cache toute cette force.

Mais en se rendant compte de cela, et sans doute aussi du fait que Morgan aura une belle marque, l'américain relâche la pression, s'excusant après avoir juré contre sa cheville. C'est elle qui le fait souffrir. Il rentre de son jogging, il est donc logique qu'elle fasse des siennes. Mais les émotions fortes par lesquelles il est passé ont encore dû aggraver son cas. Ou alors il souffrait déjà beaucoup avant et tout cela n'a fait que le cacher. Avant même qu'il n'ai fini sa phrase, le plus jeune le soutient sans même réfléchir, sachant parfaitement où veut en venir Christopher. Le chemin jusqu'au canapé est du genre long. Même pour le britannique. Heureusement, ils atteignent tout de même leur but et Chris ne perd pas de temps pour s'assoir. Gardant un oeil soucieux sur lui, Merlin s'assoit doucement à son tour, tourné vers le plus âgé.

Il suit du regard la main de Chris et frissonne en voyant la cicatrice. Elle est propre et nette, certes, mais justement bien marquée. Et Morgan n'est pas vraiment fan de ces trucs-là, pourtant, il ne détourne pas les yeux. Il se dit que ce doit encore être moins agréable à supporter qu'à regarder, en témoignent les paroles de Christopher. Le jeune homme reste un instant muré dans le silence, haïssant sans même s'en apercevoir cette marque qui, mine de rien, a coûté la carrière de l'américain et le fait encore souffrir. Comme si cela n'est pas suffisant d'avoir brisé ses rêves. Après ce moment de flottement donc, il se risque à prendre la parole, fixant toujours cette maudite cicatrice.

— Cela fait combien de temps que.. que tu t'es fait opéré ? Ce n'est peut-être pas normal que ça te fasse toujours aussi mal... avance-t-il faiblement, avant de relever les yeux sur Christopher.

Il reste quelques secondes de plus silencieux, ne s'étant pas rendu compte que sa question portait précisément sur LE sujet. Mais après tout, elle était juste d'ordre "pratique", c'était un fait voilà tout. Et puis, la voix de Morgan s'était faite douce, sans le vouloir. Naturellement, comme pour apaiser un peu la douleur de l'ancien officier. Il tourne ensuite les yeux sur la table, attiré par un objet qu'il connait bien... avant de s'exclamer comme s'il avait vu face à lui le Saint Graal, Arthur, Mordred, et toute la clique. Il a laissé sa boisson favorite refroidir. Lui, Morgan Merlin Smith... Il n'en faut pas plus pour lui redonner la vie.

— Mon thé ! Bordel de- lâche-t-il vivement avant de pincer les lèvres, il n'en a même pas bu le tiers. Haan~ Je hais le thé froid en plus... soupire-t-il ensuite plaintivement à la manière d'un enfant, avant de reporter son attention sur Chris. Pardon c'était euh.. puéril, s'excuse-t-il après ce manque de politesse égoïste. Tu veux que, je t'apporte quelque chose.. ? Pour calmer la douleur ? Ou un café, aussi ? Je peux t'en faire un, si tu veux, demande-t-il avec une légère agitation, s'étant en même temps levé après avoir attrapé sa tasse.

Pire que du thé froid, du thé gaspillé. Le thé réchauffé a quand même un goût différent, mais est toujours mieux qu'un thé jeté dans l'évier. La fébrilité de Morgan est due à deux choses. La première, il n'aime pas associer les mots "Chris" et "douleur", et veut l'aider. La seconde, c'est que ce qui s'est passé avant lui retombe aussi peu à peu sur le coin du nez. En apercevant sa tasse, il est revenu brusquement à la réalité. Les coups, les larmes, les mots, les câlins, la noyade dans les iris de l'autre, le baiser sur le front, tout ça lui revient en mémoire. Et il prend la pleine mesure des choses. Ou presque. Tout ça accompagné encore de ce sentiment dérangeant, bien entendu.

Christopher crispe le visage lorsqu´une ennième vague de douleur lui parcour la jambe. Serrant les dents, il retient sa respiration. Ce n´est pas possible ! Il n´a pourtant pas fait de mal. Et lors de son jogging son pied n´a même pas fait de faux mouvement. L´ancien militaire soupire lourdement, tandis que Morgan prend la parole. D´une voix faible et peu rassuré, il lui demande combien de temps est passé depuis sa dernière opération. Christopher rouvre les yeux, relève la tête et pose son regard sur Morgan.

Sur le visage du jeunot, il il lit l´inquiètude qui a transpercé dans sa voix. Mais aussi de l´incertiude, sans doute due au fait que sa question porte sur le sujet tabou et interdit dans cette maison. Pourtant, malgré tout, Christopher ne peu empêcher le furtif sourire apparaître puis disparaître. Ce gamin est tellement mignon. Tellement mignon et tellement sincère que s´en est attendrissant.

Enfin. L´instant d´après, un sourire amusé s´empare à nouveau des lèvres de Christopher. L´anglais vient de remarquer que son thé est froid et se plaint qu´il n´aime pas le thé froid, alors que le goût reste le même. M´enfin, là n´est que l´avis de Christopher. Quoiqu´il en soit, le fait que Morgan se plaigne, comme un gamin qui n´a pas les bonbons qu´il veut, ne le dérange aucunement. Au contraire. Il le trouverait presque amusant et le lui fait savoir en secouant doucement la tête lorsque le plus jeune s´excuse de sa réaction puérile, avant de se lever. Il demande ensuite si l´ancien officier désire quelque chose de la cuisine.

"Je veux bien un café" dit-il

Sans plus de question, Morgan hoche doucement la tête et disparaît, tasse en main, dans la cuisine. Christopher le suit du regard puis, soupirant, se laisse tomber contre le dossier du canapé. Prenant plusieurs profondes inspiration, il s´efforce à détendre ses muscles et sent comment sa cheville se calme peu à peu.Après quelques instants, il se redresse finalement et, se penchant en avant, attrape le tube de crème posé sur la table. Il l´ouvre, s´en met sur les mains puis reprend ses massages. Pendant ce temps, Morgan revient de la cuisine avec deux tasses. Il en pose une devant Christopher puis s´installe à côté de lui sur le canapé.

"Merci" lui sourit l´ancien militaire avant de reporter son attention sur ses massages "Ma dernière opération remonte à 6 mois" reprend-t-il finalement "Mais j´ai de toute manière rendez-vous chez le radiologue la semaine prochaine" il se redresse et attrape un mouchoir pour s´essuyer les mains "J´espère juste que ce ne sera pas grave au point de devoir à nouveau passer sous le couteau ..."

Il soupire doucement en grimaçant. Rien que l´idée de devoir pour la 6ème passer plusieurs jours à l´hôpital le fait frissonner de dégout. Enfin. Secouant légèrement la tête pour chasser ces mauvaises pensées, il se penche en avant et attrape sa tasse de café avant de relever le regard vers Morgan.

"Je crois que tu viens de gâcher ta troisième question .." dit-il avec un sourire malicieux, en se rappelant de sa rêgle des trois questions qu´il avait mis en place le premier jour.

Christopher affiche de nouveau la douleur sur ses traits, ce qui tire une question à Morgan, plutôt hésitant mais carrément inquiet. L'aîné n'a pas l'air de vouloir l'étriper sur place pour avoir parlé de sa blessure, mais ne répond tout de même pas immédiatement. Après lui avoir signifié par un mouvement de tête amusé que sa réaction par rapport à son thé n'était pas impolie pour lui, demande effectivement un café. Merlin s'éclipse alors dans la cuisine après avoir acquiescé, avec sa propre tasse.

Il prépare un café pour Chris et fait réchauffer sa propre boisson. Personnellement, il n'aime pas — déteste — le café, mais cela ne le dérange pas d'en faire. Du moment qu'il n'en boit pas en fait. D'ailleurs, il profite de ce moment de calme pour, justement, se calmer. Il attend donc patiemment que le café soit prêt pour retourner dans le salon, où il dépose une tasse devant Christopher avant de s'asseoir à côté avec la sienne. L'américain le remercie, continue les massages sur sa cheville, puis répond enfin à sa question. Morgan reste silencieux en apprenant que la dernière opération remonte à six mois et que l'ancien militaire a de toute façon rendez-vous la semaine prochaine.

Le britannique se frotte nerveusement le bras en fixant le contenu de sa tasse. Il n'a vraiment jamais aimé les hôpitaux. Rien que d'imaginer des instruments de chirurgie lui donne froid dans le dos. Alors il bloque tout de suite ses pensées lorsque Chris sous-entend qu'il pourrait repasser sur le billard. Ça n'a pas l'air de l'enchanter lui non plus, bien entendu, et cela démontre aussi la gravité sous-jacente de cette blessure. Merlin se demande d'ailleurs s'il irait le voir s'il devait rester à l'hôpital quelques jours. Il reprend machinalement une gorgée de son thé, alors que Christopher reprend la parole avec un sourire malicieux. Immédiatement, le brun relève le nez de sa tasse en ouvrant la bouche, offensé, théâtralement scandalisé, avant de froncer les sourcils.

— Ah non ! Non non non non ! Non, non, non et non ! se braque-t-il avec vivacité en se tournant vers Chris. Je suis pas d'accord ! C'était, c'était pas... Ok c'était une question, mais même ! C'était pas mon intention !

Maudite troisième question. Maudite maudite question. Il voulait garder ce joker pour quelque chose de vraiment important, pas pour savoir quand avait eu lieu la dernière opération. Il darde un regard noir sur Chris, puis se renfrogne en se reculant contre le dossier du canapé. Il a baissé sa garde, il ne pensait plus à cette foutue question. Ou plutôt si, mais pas maintenant. En tout cas, il ne se serait pas douté que Christopher ferait le lien aussi vite. Il lui jette un coup d'oeil limite boudeur, et carrément pas content.

— C'est pas juste, marmonne-t-il vaguement, avant de reprendre plus distinctement en tournant la tête vers Chris. Tu veux pas.. annuler ma question ? C'était pas fait exprès, allez...

Christopher éclate de rire. La réaction de Morgan ne se fait pas attendre et elle est tout bonnement hilarante. Comme d´habitude, quand le gamin s´énerve, ça fat un gros flop. Enfait, l´ancien militaire ne peut tout simplement pas prendre le jeunot au sérieux. C´est comme ça depuis qu´il le connait. Mais sur ce coup, Merlin fait fort. Oh bien sûr, il tente de marchander en disant que ce n´était pas une question en tant que telle et Christopher se doute bien que le gamin aurait choisi un autre moment pour parler. Mais ce qui est fait est fait. Alors que le jeunot, se renfrognant et le regardant d´un mauvais oeil, se recule contre le dossier du canapé, Christopher prend une gorgé de son café.

"Avantage à celui qui réfléchit avant d´agir ou de parler" dit-il en haussant les épaules.

Il dépose ensuite sa tasse sur la table, juste le temps de posé un coussin sur la table basse et d´y placer son pied gauche, avant de se reculer à son tour. Silencieux, il reprend plusieurs gorgés de sa boisson. Le regard rivé sur l´étagère à DVD, il sent comment les pulsions douloureuses se font nettement moindre jusqu´à finalement se transformé en simples picotements de douleur. Alors, tournant la tête vers Morgan, il le pousse légèrement du coude.

"Allez, fait pas la tête gamin"

il lui sourit puis fini son café et se penche en avant pour poser la tasse sur la table. Soupirant doucement au manque de réaction du jeune homme, il passe un bras autour de ses épaules, l´attire conte lui et, de sa main droite, lui frictionne vivement le crâne. Il continu ainsi quelques instants, ignorant les plaintes de Morgan et le maintenant fermement contre lui avant de le relâcher

"Sale gosse, va" il lui sourit, lui ébouriffe tendrement les cheveux puis le reprend dans ses bras, l´attirant contre lui puis soupire doucement. "Bon allez ... j´annule l´interdiction de poser des questions, mais seulement parce que c´est toi." il baisse les regardm pinçant légèrement les lèvres "J´crois que c´est plus simple qu´on le fasse dans ce sens étant donné que je ne sais pas vraiment ce que tu veux savoir .."

Mais enfait, c´était plus une excuse de ne pas avoir à trop parler. Du moins, à ne pas révéler plus qu´il ne le désire réellement. Du moins, est-ce ainsi qu´il l´espère ...

Morgan a 22 ans, pourtant, ou bien justement, face à Christopher, il paraît toujours ce petit garçon d'une dizaine d'années qui était tout le temps dans les pattes des deux ados. Il n'est pas vraiment en colère non plus, mais c'est comme le mensonge, il est incapable de paraître réellement crédible. Mentir sur ce qu'il sait ou sur ce qu'il ressent n'a jamais été son fort. Et là, face à cet imbécile, il a effectivement l'air d'un enfant. Adorable certes, mais un enfant tout de même. Le rire de Chris glisse sur lui, tout comme sa remarque, sans qu'il ne s'en soucie, il a l'habitude des réactions de ce genre de sa part.

Le jeune homme ne réagit pas, restant silencieux et plus concentré sur son thé que sur autre chose. Non, il ne boude pas. Il ne répond tout simplement pas aux piques de Christopher. Il finit sa boisson, avant d'être soudain bloqué contre le torse de l'américain, et honteusement décoiffé avec le poing. Autant dire que cela ne fait pas du bien. Il proteste bien comme il peut, essayant de se dégager, mais en vain. Il ne fait pas vraiment le poids en même temps. Chris le traite une nouvelle fois de sale gosse, puis le relâche en souriant et lui ébouriffe une dernière fois les cheveux, pour la forme. Avec tendresse néanmoins. Merlin en profite pour reposer sa tasse vide sur la table basse, et se recoiffe machinalement avec un léger soupire, se retenant de sourire.

Puis, avant même de pouvoir dire "au secours", il se retrouve à nouveau dans les bras de l'ancien militaire. Mais cette fois-ci, il ne résiste pas à l'étreinte, car s'en est une. Son visage s'illumine ensuite peu à peu d'un sourire lorsque Chris déclare qu'il lève l'interdiction des questions. C'est bien ça, c'est même très bien. Il va pouvoir satisfaire sa curiosité, aisément comparable à un puits sans fond. S'appuyant de la main gauche contre le torse de l'ancien militaire, Morgan se redresse en se reculant un peu, de manière à pouvoir le regarder.

— C'est vrai ? Merci, sourit-il, ayant eu ce qu'il voulait sans même chercher à l'avoir.

La vie doit l'aimer, quelque fois. Cependant, il remarque la petite lueur dans les yeux bleu de son aîné. Celle qui lui dit : attention, ça n'est parce que tu as le droit de poser des questions que c'est devenu sans danger pour la santé mentale de Chris. Son ardeur s'en trouve soufflée. Pas complètement, mais assez pour que son sourire s'amoindrisse efficacement. Par réflexe, il retrouve sa place, allant même jusqu'à s'y blottir, contre Christopher. L'apaisement qui s'empare de lui est remarquable, mais il ne le remarque pas. Il reprend ensuite la parole, d'une voix tranquille.

— Je vais me retenir. Ou essayer plutôt. Je vais essayer de ne pas te poser trois tonnes de questions par jour. Je te garantis rien hein, mais je vais essayer.

Il lui devait au moins ça. Ne pas dépasser les bornes, c'était dans encore ses cordes. Oh bien sûr, une question en entraînant une autre, il en a déjà plein la tête (et il en avait même notées dans son carnet), seulement, il ne les posera pas toute à la fois. Merlin a conscience de ce que cela implique pour l'ancien officier, alors il lui sera possible de prendre cela en compte avant d'ouvrir la bouche. Pas dit qu'il le fasse à chaque fois, mais ça n'est pas comme s'il était écervelé et aveugle au point de ne pas voir les souffrances morales de son ami. Un peu de tact n'a jamais fait de mal à personne. Bougeant un peu pour se caler plus confortablement, il ferme les yeux, et sa main droite se pose sur ses propres côtes, tandis que sa main gauche prend place sur la hanche de Chris, n'ayant nulle part d'autre où aller.

— Alors... T'étais pas trop grand pour les lits ? demande-t-il de but en blanc, avant de continuer un peu. Vous faisiez quoi de vos temps libres ? Vous en aviez au moins, du temps libre.. ?

A peine eu-t-il levé l´interdiction, qu´il apperçoit le grand sourire de Morgan et qu´il regrette amèrement sa déclaration précédente. Pourtant, à part un léger soupire, il ne réagtit pas d´avantage. Enfait, il lui doit bien ça, à ce gamin. Au moins, de cette manière, Christopher pourra être sûr de ne plus surprendre Morgan dans son bureau et le jeunot n´aura plus à supporter ses frappes (ce pour quoi l´ancien militaire est encore et toujours réellement désolé.) Enfin. Après s´être redressé, Morgan revient se blottir contre lui. Et, tandis qu´il parle, Christopher lui caresse doucement l´épaule avec son pouce, hochant doucement la tête, soulagé. Morgan lui promet de se retenir au niveau des questions. De toute manière, l´ancien officier dira de lui-même stop. Enfin.

Lorsque le jeunot reprend la parole, Christopher ne peu s´empêcher de rigoler à nouveau. La première question est du Morgan tout craché. Naif et enfantin. Pourtant, elle l´étonne quelque peu. Après tout ce qu´il a vu dans le bureau, la première chose qui l´intéresse réellement est si les lits n´étaient pas trop petits? Ce gamin est bizarre. Enfin. Les deux autres questions sont un plus fondées. Toujours est-il, que Christopher se redresse, changeant légèrement de position afin de pouvoir répondre correctement au jeune homme.

"T´es marrant" répond-t-il amusé "Après tout ce que tu as vu tu te demande réellement comment étaient les lits?" il secoue légèrement la tête "Enfin, comme tu veux ... Les lits étaient un peu petit, effectivement. A moins que c´est moi qui était trop grand ... toujours est-il que les premières nuits étaient toujours un calvaire. Mais au bout d´un moment du trouve une position confortable et c´est le bâteau qui te berce dans le sommeil." Il lance un coup d´oeil à MOrgan "Enfin, ça c´était tout au début, quand je n´étais qu´un simple ´seamant recruit´. Mais plus je montais en grade, plus les couchettes devenaient des lits et s´agrandissaient." Il sourit "En ce qui concerne les temps libres ... oui on en avait et on passait notre temps à regarder des porno"

Il avait dit cette dernière phrase sur un ton des plus sérieux qui soit. Et du coin de l´oeil il pouvait voir les joues de Morgan rosirent puis rougirent pour finir écarlate. A ce moment là, Christopher éclate à nouveau de rire. Il avait déjà répondu ça tellement fois lorsqu´on lui posait la question. Les réactions étaient très souvent différentes. Pourtant, les gens avaient la même tendance à rougir. Enfin. Se calmant, Christopher reprend.

"Je rigole" dit-il en tapotant doucement la joue du plus jeune "Oh je ne dis pas qu´on en a pas regardé, mais on passait pas notre temps à ça non plus. Non. On lisait, on faisait du sport, on regardait la télé, on s´informait sur le pays dans lequel on allait accoster. Ce genre de choses quoi"

La première question est sortie toute seule. Tellement rapidement que Morgan se surprend lui-même, surtout que cette question lui est passée par la tête une seule fois, comme ça. Il en a bien d'autres, suite à ce qu'il a vu dans le bureau. Étant lui-même grand, et Chris ayant presque une dizaine de centimètres de plus. Sept plus exactement, ou six. Bref. En tout cas, le rire de l'américain sonne comme la plus merveilleuse des musiques aux oreilles du britannique. L'orage est complètement passé, c'est toujours rassurant de se dire ça.

Merlin sourit en entendant les premiers mots de Christopher, puis écoute la réponse attentivement, souriant en imaginant Christopher râler, ne trouvant pas le sommeil, se tourner et se retourner constamment... Il doit être exécrable lorsqu'il manque de sommeil. Et bizarrement, Morgan n'a pas envie de tester. Il imagine aussi s'endormir grâce aux mouvements d'un bateau, lorsque déjà le bruit des vagues l'endort. La suite par contre, lui coupe le souffle. Le ton sérieux avec lequel Christopher dit qu'ils regardaient des pornos pendant leur temps libre déroute tout d'abord le plus jeune. Puis il rougit jusqu'à la racine des cheveux en se rendant compte de ce que l'autre idiot a dit.

Prude, timide, encore innocent... Totalement innocent même, mais ça c'est autre chose. Morgan en est écarlate, ni plus ni moins. Quelle idée de poser une question pareille ! Sérieusement ! Il a furieusement chaud tout d 'un coup. Et même l'éclat de rire de l'américain, le tapotement amicale de la joue, le fait qu'il rigole, n'arrive pas à détendre complètement le brun. Il regrette d'avoir poser cette question pour le coup... Toujours le bout des oreilles rouges, le regard fuyant, s'étant un peu éloigné de Chris, il hoche quand même la tête pour montrer qu'il écoute. Cet imbécile l'a pris de court, et Merlin ne s'en remet pas tout à fait. Partant sur un sujet tout autre, il essaie de dissiper la foutue gêne qui s'est emparée de lui.

— Et, t'as eu le mal de mer ? T'as connu des tempêtes ? Des grosses j'entends. précise-t-il en lui jetant un coup d'oeil, avant de se recaler contre lui. Et, hm, t'as déjà eu peur, pendant une tempête ?

Il a prononcé la dernière question d'une voix plus petite. Autant il aimait la mer, autant une tempête le terrorisait. En tout cas, ça l'avait terrorisé étant gamin, et ça le faisait toujours frissonner, tout en générant en lui une grande admiration et un grand respect. Tout ça pour dire que lui serait sans doute mort de trouille sur un bateau en pleine tempête. En pleine grosse tempête. Il écoute tranquillement la réponse de Christopher, sourit doucement, essaie de ne pas penser aux grandes vagues effrayantes et sombres, puis marque un silence avant de poser une dernière question. Sur un sujet tellement plus épineux, mais auquel le mot "peur" lui a fait penser.

— Et la guerre ? Tu l'as déjà vue.. en face... ? demande-t-il avec peu d'assurance.

Pauvre Morgan. Avec sa réponse, Christopher a surement dût choqué le pauvre "petit" garçon timide. Mais pour tout dire, l´ancien militaire ne savait pas que le jeunot réagirait de cette manière. Enfait, Christopher n´avait aucune idée de ce qui s´était passé dans la vie du plus jeune. Avait-il eu une copine déjà? Avait-il eu des relation sexuelles? Peut importe, l´ancien officier n´en avait que faire des éventuelles réponses à ces questions. Mais au vu de la réaction de l´anglais, l´américain se doutait fortement d´une réponse négative. Mais soit. Là n´est pas le centre de notre histoire.

Après s´être quelque peu calmer et que son visage ait à peu près retrouvé sa couleur rosée, Morgan reprend les questions. Des questions bien plus intelligente et bien plus fondées, auquelles Christopher répond avec plaisir. Sans perdre son sourir amusé, l´ancien premier maître hoche doucement la tête.

"Mes trois premières sorties en mer étaient placé sous le signe du mal de mer" dit-il tranquillement "La première sortie était la pire de toutes. En plus de ne pas avoir l´habitude du bâteau qui vogue gentiment, on est entré dans une tempête. Une des pires temptêtes que j´ai vécu. Autant dire que j´ai passé le plus clair de mon temps aux toilettes ou au lit et sans manger pendant 3 jours." Il grimace et dégluti. Rien que le fait de s´en rappeller est horrible. "Donc ouais, j´en ai vécu des tempêtes. Je me rappelle d´ailleurs d´une lors de la traversé pour rejoindre Brest. Des vagues de 10 mètres de hauts qui s´échouent sur le pont. Le bâteau qui se cambre et retombe dans l´eau avec un bruit assouridissant ... Pendant ces 2 jours, les toilettes n´ont jamais été aussi occupé."

Il rigole doucement, amusé par cette remarque. Enfait, lorsqu´il y repensait, cette scène avait quelque chose de comique. Mais sur le coup, en plein dans le vécu, ce n´état pas aussi amusant. Christopher, lui, était sans doute l´un des seuls à ne pas avoir été malade à ce moment là. Enfin.

Morgan reprend la parole. L´américain se braque. Brusquement, tout sourire et toute bonne humeur disparait de son visage. La guerre. L´un des sujet que l´ancien premier maître interdit à quiconque entre dans cette maison. La vision de ses camarades mort, hurlant de terreur ou de douleur en attendant qu´on ne viennent les achever, était quelque chose qui torturait encore maintenant l´esprit de Christopher. Si bien qu´il en faisait régulièrementdes cauchemars. Toussottant légèrement, visage fermé, il lâche Morgan et se redresse.

"J´ai du boulot qui m´attend en haut." dit-il simplement en reposant son pied gauche au sol.

Puis, se penchant en avant et se levant, il attrape sa tasse et disparait, boitant encore un peu, dans la cuisine. Là il dépose la tasse dans l´évier et s´appuie sur le plan de travail. Prenant plusieurs inspiration, yeux clos, il soupire doucement. Morgan n´a pas le droit le poser ce genre de question. Christopher veut bien répondre à ses questions, mais l´anglais n´a tout simplement pas le droit d´abuser.

Alors, se reculant et sans un regard vers le salon, il sort de la cuisine et monte les escaliers. Il entre dans sa chambre, referme la porte derrière lui et s´y adosse encore quelques instants. Foutu gamin.

Chris prend du plaisir à répondre à ces questions. Comme quoi, ça ne lui fait pas de mal de parler un peu. Il garde bien sûr un sourire amusé, qui n'attend cependant pas Morgan. Il écoute simplement simplement les réponses. Les premières sorties en mer ne devaient pas être du gâteau, en effet, d'autant que, si ses souvenirs sont exacts, Christopher n'avait jamais voyagé avant d'entrer dans la Navy. Puis, celui-ci évoque une traversée en direction de Brest. Encore une fois, d'après ses souvenirs, le britannique se rappelle des tempêtes sur les côtes bretonnes. Impressionnantes, mais quand on est à terre, ça ne doit pas faire le même effet que quand on est totalement à la merci de l'océan.

Cependant, la prochaine question de Merlin, au sujet de la guerre, n'aurait jamais dû sortir. Il aurait dû s'en douter, et il aurait dû se la fermer, pour changer. Il sent l'américain se braquer contre lui. Et il sait avant même qu'un autre mot soit prononcé qu'il vient de couper court à toute conversation. Chris se redresse, le lâche et, se remettant debout, prétexte qu'il a du travail qui l'attend. Bien sûr, Morgan n'y croit pas une seconde. S'étant lui-même rassit correctement, il suit des yeux l'ancien militaire qui, boitillant quelque peu, prend le chemin de la cuisine avec sa tasse.

— Chris...

Rien d'autre n'arrive à sortir de sa bouche. Ça y est. Il s'en veut. Mais au moins, il sait où est la limite. Ne pas parler de la guerre, de près ou de loin, ni maintenant ni jamais. Le syndrome post-traumatique doit être encore très présent chez Chris. Lui, ça ne s'exprime pas sous la forme d'un trouble psychosomatique, mais simplement par le fait de ne pas en parler et de ne pas non plus vouloir en entendre parler. Une chose interpelle cependant le plus jeune. Il est peut-être idiot, mais pas simple d'esprit. Les retraités militaires, ceux mis à l'arrêt trop tôt, blessés sur les champs de bataille le plus souvent, ne sont-ils pas en général suivis psychologiquement ? A moins que, puisque sa blessure est un bête accident, ils ont jugés qu'il n'en avait pas besoin... Mais bon sang, s'il a vu la guerre, il ne peut revenir à la vie banale d'un citoyen américain sans séquelles !

Ce sera un point à éclaircir. En tout cas, il en a besoin. Au moins pour ce qui concerne la guerre. Enfin, ce n'est que l'avis de Morgan. Il entend les escaliers grincer, une porte se fermer. La chambre de Chris, en toute logique. Le britannique soupire profondément en se penchant un avant, les coudes sur les genoux. Il n'arrêtera donc jamais de dépasser les bornes. Avec un nouveau soupire, il se lève, puis monte et va toquer à la porte de l'ancien militaire. Il n'entre pas, il sait aussi que Christopher ne va pas l'inviter, mais c'est juste pour s'excuser, et le prévenir.

— Chris, pardon, pour toute à l'heure et, hum, je vais me balader, si t'as besoin, j'ai mon portable.. dit-il simplement, assez fort pour être entendu de l'autre côté.

Sans attendre une quelconque réponse, il tourne les talons et sort prendre l'air. Il commence à marcher sans savoir où il va aller, mais il n'en a que faire, c'est juste pour réfléchir, penser à autre chose après tout ça. C'est que ça fait beaucoup pour une journée.