Helena avait passé une journée harassante au travail ; elle n’avait fait qu’enchaîner les réunions. A dire vrai, la seule chose qui lui avait permis de conserver sa bonne humeur des heures durant, c’était la perspective de retrouver Charlie à la fin de la journée. Les deux jeunes femmes s’étaient donné rendez-vous au « Cup of Tea », considérant que le petit salon de thé de la ville serait l’endroit idéal pour se ressourcer, et discuter entre filles autour de mets délicieux et d’une bonne boisson chaude.

La belle brune s’était hâtée en fin de journée pour pouvoir quitter le travail à temps et ne pas avoir trop de retard à son rendez-vous avec son amie. Mais c’est un poil nerveuse à l’idée que Charlotte ait pu l’attendre un peu trop longtemps que Lena franchit la porte du salon de thé. Elle sourit dès qu’elle croise le regard de la décoratrice et s’avance aussitôt vers elle en se débarrassant de son sac - qui pèse une tonne - pour le poser sur la chaise où Charlotte a déjà déposé le sien. Passant rapidement une main dans ses cheveux pour se donner un minimum de contenance, la directrice s’empresse de se pencher vers elle pour l’étreindre avec affection. Elle lui répond, bien sûr, dans la foulée. « Oh, ça va merci ! Et je t’en prie, voyons, surtout que j’ai un peu de retard - j’espère que tu ne m’en veux pas trop ? » Lui demande-t-elle, les sourcils légèrement froncés, et avant de prendre place en face d’elle.

En s’emparant de la carte que lui tend Charlotte, Helena pousse un soupir. Cette journée est enfin terminée ! Et elle ne cherche aucunement à cacher son soulagement. « Une horreur… ! Tu sais, je t’avais parlé de mon projet de faire construire une piscine au centre, pour l’été prochain ? » Lui demande-t-elle, en faisant appel à sa mémoire. Elle attend que son amie acquiesce pour reprendre : « Et bien j’ai enchaîné les réunions autour de ce dossier toute la journée, il y a une quantité de normes à suivre, des permis à obtenir, des infrastructures à mettre en place… Une vraie galère ! Je t’en supplie, change-moi les idées ! » Lui demande-t-elle pour finir, dans un sourire adorable, et avant de reposer la carte sur la table.

Elle n’a pas besoin de la regarder elle non plus pour savoir qu’elle optera pour un thé au miel et au citron.

En vouloir à Helena ? Impossible. Existait-il seulement sur cette planète une seule personne capable de lui garder rancune ? Charlotte, quant à elle, n'était pas de cette trempe ; encore moins s'agissant d'un retard mineur, de la part d'une amie dont elle comprenait si bien les implications professionnelles.

Ne te tracasse, ce n'est pas comme si je te faisais régulièrement attendre à cause de clients trop exigeants.

Et visiblement, Charlotte n'était pas la seule à se débattre avec les affres de la vie professionnelle, à en juger par tous les problèmes rencontrés par son vis-à-vis. La jeune femme connaissait de loin les tracas de normes et autres permis en matière de construction, par le biais de collègues architectes d'intérieur à New York. C'était une des raison pour lesquelles elle-même avait préféré rester "simple" décoratrice.

Je te fais confiance pour te dépatouiller de tout ça, je ne connais personne qui te résiste.

Charlie s'interrompit le temps qu'on dépose sur la table leurs théières encore fumantes. Les tasses étaient fleuries, les cuillères toutes petites ; on se serait cru dans un décor de film britannique. C'était un endroit adorable, fait pour la discussion, et pour les confidences qu'elle s'apprêtait à faire à Helena.

Je crois ... oui, je suis même certaine que de mon côté les nouvelles vont te changer les idées.

Elle eut un instant d'hésitation ; ses démarches étaient commencées, mais le dire à voir haute rendait les choses tellement tangibles.

J'ai décidé de me lancer dans une procédure d'adoption. Pour tout te dire, je suis même déjà inscrite auprès de deux associations qui travaillent avec le continent africain, et d'une autre qui propose des enfants américains.

C'était dit, et un sourire s'illumina à la perspective de ce qui l'attendait. Elle savait que le chemin serait long, mais son désir de maternité le supporterait, elle en était certaine.

Se débarrassant de son sac avec hâte, Helena s’empresse ensuite de venir enlacer tendrement son amie, la serrant avec affection contre elle, en s’excusant platement pour son retard. Elle a toujours été ponctuelle, et elle déteste faire attendre qui que ce soit. Ce n’est qu’ensuite qu’elle retire son gros manteau, et qu’elle prend place sur la chaise en face d’elle. « Disons qu’on est quittes alors ! » Conclue la belle brune dans un sourire tendre, sachant de toute manière que Charlie ne garderait pas de rancune à son encontre pour un détail aussi insignifiant. Et puis, quand elle lui demande de ses nouvelles, la directrice n’hésite pas à se montrer très directe, lui parlant de sa journée - du genre compliquée. Charlotte se montre immédiatement compréhensive, exactement comme Helena s’y attendait. Elle sourit à ses dires. « Je commence pourtant à croire que tous ces experts auront ma peau ! » S’exclame-t-elle, non sans afficher un sourire tout de même. Elle dramatise un peu (beaucoup !) mais ça lui fait du bien de pouvoir rire un peu de tout ça, pour changer.

Lorsqu’une serveuse s’approche de leur table, Helena garde aussi le silence, en s’écartant poliment pour faciliter le travail de cette employée qui, aimable, leur adresse un sourire en les servant l’une et l’autre. Dès qu’elle s’éclipse, Charlotte suscite la curiosité de son amie qui, intriguée, fronce aussitôt légèrement les sourcils. « Quel suspens ! » S’exclame-t-elle, tout en fixant Charlotte, attendant, non sans une impatience aisément palpable, qu’elle lui en dise davantage. Quand la nouvelle tombe, la surprise s’affiche sur le visage de la directrice, qui pose par réflexe une main sur son cœur (qui vient de s’emballer par la même occasion).

« Oh mon Dieu, Charlie… » Murmure Helena, sous le choc. Après cette confidence, Lena sent elle-même son désir d’enfant refaire surface soudainement, mais n’en dit pas le moindre mot, tenant à se réjouir pour la résolution de la décoratrice. Elle finit d’ailleurs par esquisser un superbe sourire. « Je suis tellement contente pour toi ! » S’exclame-t-elle, en se redressant pour l’enlacer affectueusement à nouveau. Cette fois, elle la garde un peu plus longtemps contre elle, puis se rassoit, les yeux un peu brillants. « Raconte-moi tout ! » Lui demande-t-elle, sans cacher son évidente émotion, et sa curiosité aussi, bien entendu.

Suspens ... pas tant que ça quand on y pense. Enfin, si, en soi la nouvelle est inattendue, à défaut d'être surprenante, mais de là à parler de suspens. Ca ressemble trop à un film, et pas assez à Charlotte, qui ne sait pas ménager ses effets, et n'en a pas bien envie en l'occurrence.

Ne te moque pas ! C'est juste qu'il va y avoir du changement !

Non pas qu'elle pense qu'Helena se moque, elle sait très bien que ce n'est pas le style de son amie. Mais tout cela la rend quand même nerveuse, de façon incontrôlée et incontrôlable. Très désagréable, comme sensation.
Heureusement, son thé bien chaud vient lui occuper les mains de façon moins dangereuse que la petite cuillère qu'elle essayait jusqu'alors de tordre dans tous les sens. Selon son habitude, elle l'a sucré au miel, et le parfum la rassérène un peu.

Comme prévu, la nouvelle ne laisse pas Helena de marbre ; ce qui ne manque pas de toucher Charlotte. Elles se connaissent depuis finalement peu de temps, à l'échelle de leur vie complète, et pourtant elles comptent l'une pour l'autre comme si elles étaient amies depuis toujours.

Je te remercie. Il était temps que j'évolue enfin.

Après son divorce, douloureux pour elle, il lui avait fallu beaucoup de temps pour digérer son déménagement, sa stérilité. Shady Cove lui avait permis de trouver un nouvel équilibre dans lequel elle se satisfaisait. Mais depuis quelques temps, elle ressentait l'envie de se bouger à nouveau. Et en particulier de rebâtir une famille.

Eh bien, l'envie m'a reprise il y a déjà plusieurs semaines. C'est un bon moment, je le sens. Alors, je me suis documentée sur le net, j'ai passé du temps sur des forums, pour sélectionner des associations. J'en ai rencontrées plusieurs et le courant est bien passé avec certaines. C'est maintenant que les choses difficiles vont commencer, cela dit.

En entendant les propos de son amie, Helena se met aussitôt à rire, en secouant ses mains devant elle, et en lui répondant bien vite : « Pardon, pardon, vas-y, je t’écoute ! ». Mine de rien, elle a hâte d’apprendre ce que Charlotte désire tant lui annoncer. Elle qui voulait se changer les idées, après une journée difficile, va obtenir sans mal de quoi y parvenir. Elle ne sait juste pas encore à quel point.

Un poil impatiente, la belle brune est dans l’incapacité de s’occuper de son thé pour le moment. En fait, elle ne lâche plus du regard son amie, et a hâte que celle-ci lui en apprenne davantage. Loin d’elle l’idée de lui mettre une pression sur les épaules, mais elle sent une sorte de ‘tension’ dans l’air, qui soulève de plus en plus sa curiosité. Et quand la nouvelle tombe, la jeune femme ne peut rester insensible. En fait, elle réagit même au quart de tour, se relevant pour étreindre la décoratrice avec tendresse. Celle-ci a toujours été présente quand Helena avait besoin de son écoute, et de ses conseils, et elle l’estime énormément pour ça. Qui plus est, après le départ de Joan pour Seattle, la directrice avait eu la sensation de pouvoir se reposer pleinement sur Charlie, quand elle traversait sa rupture avec Mark, et qu’elle subissait, également, tous les commérages des voisins sur son compte. Aujourd’hui, donc, elle ne peut que se réjouir pour cette amie qui occupe sans nul doute une place importante dans son cœur. Bien sûr, cette nouvelle, bien qu’heureuse, ne peut que ramener, aussi, Lena, à son propre désir d’enfant. Désir insatisfait à ce jour. Mark avait toujours repoussé l’échéance, jusqu’à ce qu’il mette une autre femme enceinte. Enfin Helena ne songe pas à tous ces détails sur l’instant, préférant se concentrer sur son amie qui respire le bonheur. Et c’est plaisant à voir.

« Tu feras une mère fantastique Charlie, ça ne fait pas l’ombre d’un doute pour moi ! » Répond Helena en posant brièvement sa main sur la sienne, avant de trouver le temps, enfin, de jeter un coup d’œil à son thé, et de le remuer en y plongeant sa cuillère. « Oh, et j’imagine qu’il y a des conditions draconiennes à remplir ? Et qu’ils vont venir te rendre visite ? » L’interroge Helena, s’intéressant de près aux démarches dans lesquelles se lance son amie, et se demandant si c’est ce qu’elle entend par ‘choses difficiles’.

Eh bien, dans un premier temps, je dois remplir un énorme dossier. Je n'ai jamais vu un truc pareil. Ca commence avec mon état civil, mes parents, grands-parents, leurs professions, tout. Il y a aussi un questionnaire médical, et un autre de logique et de psychologie.

Elle avait reçu le tout des services sociaux par courrier postal, deux jours auparavant, et, en dépit de sa motivation et de sa volonté farouche de réussir cette adoption, elle n'avait pas encore pris le temps de remplir le dossier. Un manque de courage passager, auquel elle comptait bien remédier en rentrant chez elle.
Ca lui permettrait d'ailleurs d'aborder le sujet avec Peter. Il était, avec Helena, la personne qui comptait le plus pour elle à Shady Cove. Et, en tant que colocataire, il était d'autant plus directement concerné, bien que selon les trois directrices d'association qu'elle avait rencontrées, il y avait peu de chances que ses démarches, si elles aboutissaient, ne le fassent avant un an et demi, au minimum.

J'ai également une lettre à rédiger, pour expliquer pourquoi je veux devenir mère, ce que je pourrais amener à l'enfant qui me sera confié. C'est assez perturbant.

Elle y réfléchissait depuis plusieurs jours maintenant, tout en ayant du mal à trouver les mots. Comment expliquer ce désir d'enfant, qui était si naturel. Elle ne pouvait pas porter un enfant, mais cela ne la privait pas de son instinct maternel. Que dire de plus ?

Ensuite, si tout se passe bien, je serai contactée par une inspectrice des services sociaux, pour me rencontrer, et rencontrer un certain nombre de mes proches.

Si elle arrivait déjà là, les choses seraient en bonne voie. Une des directrices l'avait prévenue que les entretiens sont souvent très difficiles, mais les associations étaient là pour justement vous aider à les préparer, et exprimer au mieux votre point de vue sans dénaturer vous-mêmes vos pensées.

Emballée par la décision de son amie, Helena cherche à connaître les étapes de la procédure d’adoption. Elle en a déjà entendu parler dans certaines émissions à la télé notamment, mais ne s’est jamais renseignée elle-même et ne sait pas vraiment comment ça se passe, dans les faits. Elle ne tarde donc pas à interroger Charlie qui prend le temps de lui répondre, lui indiquant avec précision comment les choses vont se mettre en place. C’est une démarche de longue haleine.

Quand la Directrice apprend que son amie aura un dossier à remplir, elle n’est d’abord pas surprise, mais l’est un peu plus quand Charlotte lui explique que le dossier est énorme, et qu'il existe de nombreux questionnaires sur bien des domaines différents. La décoratrice lui indique qu’elle aura également une lettre à rédiger, pour expliquer, en gros, ses motivations… Et pour le coup, Lena trouve que c’est encore ce qu’il y a de plus compliqué. Elle-même aimerait devenir mère un jour, c’est un instinct qu’elle ne peut pas réprimer, une envie qui grandit en elle jour après jour, mais mettre des mots sur ses ‘motivations’ ne lui semblerait pas être une tâche très facile. Ses sourcils se froncent légèrement, alors qu’elle acquiesce quand son amie lui apprend que c’est assez perturbant. « Je peux comprendre… ! Tu sais bien que je veux des enfants mais là comme ça, je ne saurais pas ce que je pourrais écrire dans une lettre pareille. » Concède Helena, un peu soucieuse, avant d’apprendre que, par la suite, Charlotte sera contactée par une inspectrice des services sociaux, pour mettre en place une rencontre.

« Je suis sûre que tout se passera très bien. » Répond Helena dans un sourire, histoire de se montrer positive et de ne pas rajouter un stress supplémentaire sur les épaules de son amie. Car, bien que celle-ci semble résolue et sûre d’elle, la Directrice sait qu’il y a fort à parier pour que tout ça soit source d’angoisse. Il faut dire que, dans le cas bien particulier de Charlie, l’adoption est la seule possibilité pour elle de devenir mère un jour. Tout de même un peu sceptique sur un point, la belle brune ose reprendre la parole pour poser une nouvelle question à son amie : « Tu crois que tu pourras garder Peter comme colocataire… ? ». Les services sociaux pourraient ne pas voir d’un très bon œil qu’un homme, qui n’est pas le compagnon de Charlotte et qui ne sera donc pas le père de l’enfant, partage le logement.

Vois-tu, ce qui me pose problème, c'est comment commencer ? Je suis certaine qu'une dois que j'aurai commencé cette lettre, le reste suivra. Mais les premiers mots, je coince, c'est terrible.

Elle avait même envisagé de demander son aide à Peter, qui a tant de talent. Mais ce ne serait pas elle, n'est-ce pas ? Il était son meilleur ami, il la connaissait comme Helena la connaissait, les tourments de son cœur en moins. Etait-ce suffisant pour pouvoir écrire les mots qu'elle-même écrirait ? Est-ce que cela convaincrait les futurs lecteurs de cette lettre ? Etait-ce même honnête ? Toutes ces questions l'avaient tourmentée, peut-être plus même que la perspective de voir coucher les premiers mots sur le papier.

Je trouve ça injuste. Les mères biologiques ne subissent pas cette obligation de se justifier. Je suis stérile, cela ne signifie pas que mon instinct maternel soit moins fort, loin s'en faut.

Elle n'avait jamais été du genre rebelle, mais elle se serait battue pour ça. Le droit des mères à avoir un enfant. Qui pouvait les en priver ? Et pourtant, esprit raisonnable et cartésien qu'elle était, elle savait que sans des motivations suffisamment fortes pour aller au-delà des difficultés du dossier, des enfants se retrouveraient dans les mauvaises familles.

J'espère que ça ira oui. Y compris avec Peter.

La principale inquiétude de Charlie, pour le moment, portait sur le fait qu'il accepte ses démarches. Elle ne voulait pas le perdre comme colocataire, elle avait besoin de sa présence quand elle rentrait le soir.

La question de sa relation avec l'enfant viendra plus tard, tu sais. C'est lui qui me préoccupe pour le moment.

« Tu as sans doute raison. Il faut que tu te lances et le reste suivra j’imagine. » Conclue Helena en hochant la tête, avec sérieux. Ce n’est pas la partie du dossier la plus simple à gérer, il va falloir que Charlie ouvre son cœur, tout bêtement, mais c’est bien plus facile à dire qu’à faire. D’ailleurs, Lena reconnaît également qu’elle aurait bien du mal avec un tel exercice, et pourtant elle a toujours désiré avoir des enfants un jour. Elle pensait d’ailleurs qu’elle en aurait avec Mark, c’était la juste logique des choses, puisqu’ils formaient un couple solide (en théorie) et qu’ils étaient mariés depuis plusieurs années… Mais la vie vous réserve parfois des surprises… Quoi qu’il en soit, la Directrice espère vraiment avoir des enfants un jour… Elle ne sait cependant pas quand ce projet pourra se réaliser. Dans sa situation actuelle, elle ne sait même pas où elle en sera dans 6 mois, alors…

Quand Charlotte reprend, au sujet de cette lettre, la directrice acquiesce franchement, et poursuit sur le même sujet. « Malheureusement personne n'est sur un pied d’égalité quand il s’agit de concevoir… ! On dit que la nature est bien faite, mais c'est une bêtise. » Reconnaît Helena, avec sérieux. La nature donne bien à certaines femmes la possibilité de concevoir, alors qu’elles sont incapables d’aimer et d’élever un enfant ! Alors que d’autres, comme Charlie, qui ne demandent que ça, se retrouvent sur le carreau… Et Lena trouve ça très dur. C’est tout bonnement injuste. Enfin, elles ne sont pas là pour refaire le monde, d’autant que dans le cas présent, il n’y a pas grand-chose à refaire. Et puis elles sont là, quand même, pour fêter cette bonne nouvelle, ne l’oublions pas.

Lorsqu’il est question de Peter, Helena se fait plus attentive. En fait, ça l’interpelle assez, car elle ne sait pas comment Charlotte va gérer sa colocation et sa démarche en même temps. Elle se demande ce qu’en penseront les services sociaux, aussi, mais n’ose pas le dire à haute voix. Elle ne veut pas laisser penser à Charlie qu’elle part avec un dossier difficile à défendre, alors qu’il n’en est rien. Elle a de très bons atouts, c’est une femme indépendante, et accomplie. Prenant conscience des inquiétudes de son amie, Helena reprend rapidement la parole, après avoir bu une nouvelle gorgée de thé : « Il est au courant ? Pas pour ta démarche, mais… Pour tout ce que tu as traversé, à New-York, et de ton désir d’enfant ? ».

Charlotte ne s’appesantit pas plus sur la question sur la question du droit des mères - toutes les mères - à avoir des enfants, à les élever. La question est douloureuse, et elle sait que ce n'est pas bon pour elle. cela la renvoie à une période de sa vie à laquelle elle n'a pas envie de retourner, une vie avant son installation à Shady Cove. Elle avait eu le sentiment d'être incroyablement préservée et gâtée pendant des années. Parents aimants, vie aisée, amis, vie sociale, mari, études, un métier qui la passionnait, elle avait tout eu. Elle n'avait pas pensé qu'il en aurait fallu si peu pour que tout cela s'efface, et elle concevait parfois de la honte de ne pas être plus forte face à cette épreuve. D'autres traversaient bien pire qu'elle.
Sa vie à Shady Cove l'avait aidée à passer outre tout cela, et elle n'aimait guère repenser à ses derniers mois à New York. En parler ne lui faisait rien gagner, loin s'en faut. Autant dire qu'elle, déjà assez pudique, ne s'était pas beaucoup dévoilée à Peter à ce sujet.

Eh bien ... Pas vraiment. Il sait que je suis divorcée, il sait que j'aime les enfants. Pas le reste.

C'est finalement très peu pour quelqu'un qu'elle considère comme un ami très proche. Elle ne lui a jamais vraiment dit pourquoi son mari et elle avaient divorcé, optant pour des termes plus pudiques - mésentente, difficultés de la vie.
Tout en remuant distraitement son thé, elle fit le point : elle lui avait avoué que son mari était parti, qu'ils n'avaient pas eu d'enfants, bien sûr. Qu'il s'était révélé très différent de leur période étudiante. Mais la raison fondamentale de leur divorce, elle l'avait tue. On pense moins à ce dont on ne parle pas. Et puis, ne pas pouvoir avoir d'enfant n'était pas quelque chose qu'on assume facilement à ses yeux.

Pourtant, tu sais combien je suis proche de lui. Maintenant que je suis fasse à un "obstacle", je me demande pourquoi je ne lui en ai pas parlé avant.

C’est sans doute parfaitement égoïste, mais les pensées d’Helena se dirigent vers sa propre situation, à mesure qu’elle évoque avec Charlotte son désir d’enfant. Elles n’ont pas vécu la même chose, ni traversé les mêmes épreuves, mais elles ont toutes les deux connu un divorce éprouvant. Pour Lena, cette embûche a repoussé fatalement ses projets de faire un bébé. Pour Charlie, c’était pire encore, et elle en a conscience. Elle ne tient donc pas à s’appitoyer sur son sort devant elle, d’autant qu’elle lui annonce une bonne nouvelle et que la conversation n’a pas à tourner autour d’elle… Et pourtant, tout ça lui fait réaliser à quel point elle aimerait fonder une famille, sans trop tarder qui plus est. Elle a tout de même 33 ans… ! Mais ce n’est probablement pas en fréquentant un jeune homme de quinze ans son cadet qu’elle parviendra à ses fins… Essayant de chasser ses sombres pensées de son esprit, la directrice se focalise de nouveau sur leur discussion. Il question de Peter cette fois.

« Oh… D’accord. » Répond la jeune femme, quand son amie lui apprend que son colocataire n’est finalement que du strict minimum. Elle en déduit en effet à travers sa réponse que Peter n’est pas au courant de sa stérilité. Elle n’ose cependant pas remuer le couteau dans la plaie et vient boire une gorgée de son thé, laissant à Charlotte l’opportunité de poursuivre si le cœur lui en dit… ce qu’elle finit par faire.

« Ce n’est pas un obstacle. » Lui rappelle Helena, réagissant aussitôt en lui adressant un sourire tendre. Elle reprend aussitôt la parole, en reposant sa tasse dans la petite coupelle mis à disposition. « C’est une très bonne nouvelle. Et puis, tu n’as pas besoin d’avoir des problèmes de santé pour adopter finalement. C’est personnel, tu n’es pas obligée de tout lui dire si tu ne le souhaites pas… » Explique-t-elle, de manière posée, avant de conclure : « Tu veux adopter parce que tu as envie d’avoir un enfant, c’est une raison bien suffisante. ». Bien entendu, Charlotte pourrait saisir cette opportunité pour se confier à Peter, mais si elle n’en ressent pas le besoin, alors Helena ne peut que la soutenir. Après tout, c’est très personnel, et Charlie a le droit d’évoquer ses soucis de santé avec qui bon lui semble. Il est vrai que Peter est un proche, qu'elle aurait pu lui en parler depuis longtemps... mais sans doute a-t-elle ses raisons...?

Tu as raison, ça n'en est pas un. C'est une bonne nouvelle, évidemment.

Elle se comprenait, bien sûr, quand elle utilisait ce terme, et Helena la comprenait aussi. La preuve par le sourire qu'elle lui adressait.
Le reste des paroles de son amie la faisait beaucoup plus réfléchir. Avait-elle envie d'expliquer les circonstances exactes à Peter ? C'était sans doute l'occasion ou jamais de le faire, et que craignait-elle après tout ?
Elle savait très bien que les sentiments qu'elle éprouvait envers Peter dépassaient de plus en plus ceux de la simple amitié. Et même si elle ne savait pas très bien comment traiter cette information, avait-elle envie que s'il se passait un jour quelque chose entre eux, cela commence avec des secrets aussi importants ? Mais se fermait-elle la porte à l'hypothèse d'un quelque chose entre eux, si elle lui disait pourquoi une femme pas si vieille, qui a encore toute sa vie devant elle, décide d'adopter ? Elle n'arrivait pas à évaluer le risque, dans un sens comme dans l'autre.

Ce n'est pas toujours simple, quand ça concerne Peter.

Elle ne souhaitait plus vraiment prolonger la discussion ; elle n'avait jamais vraiment abordé la question de la relation avec son colocataire avec Helena. Du moins, pas du point de vue des sentiments qu'elle sentait naître en elle. Elle avait besoin de le garder encore un peu pour elle, mais le temps viendrait où elle ne le cacherait plus à celle qui était sa meilleure amie aujourd'hui. Toutes les deux ne se cachaient rien.

Mais assez parlé de moi ! Je suis contente d'avoir pu partager ça avec toi, tu es la première personne à qui j'en parle, mais je m'en voudrais de te négliger. Comment vas-tu en ce moment, en dehors de ton boulot toujours aussi prenant ?

Toutes les deux se voyaient très fréquemment, bien sûr, mais elles ne prenaient pas toujours le temps pour les discussions ... disons, fondamentales. Aujourd'hui était cependant une bonne journée pour ça.

Helena sourit aux dires de son amie. Elle considère qu’il est important que Charlotte reste positive, malgré les circonstances. C’est une très bonne nouvelle qu’elle lui annonce là, et c’est ce qu’il faut retenir finalement. Certes, la situation sera peut-être un peu périlleuse, vis-à-vis de Peter, mais la directrice est persuadée qu’il se montrera des plus compréhensifs. Après tout, il n’a aucune raison de s’opposer au bonheur de Charlie ! Reste simplement à savoir comment la jeune femme souhaite gérer les évènements. Elle pourrait en profiter pour tout déballer à son colocataire, et lui expliquer sa démarche dans les moindres détails, ou décider de garder ses soucis de santé pour elle - choix qui pourrait complètement se défendre également. D’ailleurs, c’est justement ce que tente de lui expliquer la directrice, mais son amie reste finalement assez pensive. Les sourcils de Lena se froncent à ses dires suivants. Elle reprend aussitôt la parole, assez surprise par la teneur de ses propos. « Vraiment ? » Souffle-t-elle, d’abord, avant d’ajouter : « Je pensais que tout se passait à merveille entre vous ? ». Helena est loin de penser qu’elle est en train de mettre les deux pieds dans le plat ou que Charlotte aurait préféré que la conversation à ce sujet prenne fin ici. Habituellement d’ailleurs, la directrice ne se fait pas aussi intrusive, mais les propos de la décoratrice l’ont interpellée…

Et puis soudainement, son amie change de cap, et aborde la discussion sous un autre angle, souhaitait apparemment mettre en lumière la vie d’Helena. Celle-ci baisse aussitôt les yeux en direction de son thé, et sent son estomac se tordre. Elle déteste cacher des choses à Charlie, alors lui mentir… C’est presque insoutenable. Mais elles ne sont pas dans un contexte qui lui permet de se confier. La directrice est sans doute parano mais ne tient pas à évoquer sa relation avec Damian en public, même s’il ne s’agit que de messes basses pour finir.

« Oh, c'est vrai, je suis la première ? Je suis honorée, merci ! » S’exclame-t-elle d’abord sans cacher sa satisfaction, avant de reprendre son sérieux. Est-elle obligée de tout lui cacher finalement ? Son regard se perd dans le sien une fraction de seconde et, d’un coup, sans vraiment mesurer les conséquences de ses dires, Helena se lance. « Je… vois quelqu’un. » Lâche-t-elle, en sentant son cœur prendre une allure bien plus rapide, et son souffle s’accélérer. Mais, paradoxalement encouragée par cette petite angoisse qui vient de naître au creux de son ventre, la jeune femme parvient à en dire davantage, d’un ton plus bas par précaution : « Il est… beaucoup plus jeune que moi. ». Les mains fines de la directrice se crispent alors nerveusement sur sa serviette en papier. Voilà, c'est dit.

Helena la prend par surprise. Charlie ne s'attendait pas vraiment à devoir en dire plus, elle avait essayé de prendre un ton de terminons-en-avec-cette-discussion-il-n'y-a-pas-grand-chose-de-plus-à-dire. Echec, apparemment. Et donc, qu'est-ce qu'elle va bien pouvoir dire ? Se contenter d'un "oui" bref ne suffirait pas. En fait, elle s'était un peu mise dans la panade elle-même, en disant que c'était un problème. Ce qui est vrai, d'ailleurs, selon elle. Bref, epic fail, qu'il va bien falloir qu'elle rattrape. Avec la franchise, peut-être ? Pourquoi pas, après tout ? Helena est son amie, elle ne doute pas qu'elle comprenne.

Je préférerais qu'on en reste là, si ça ne t'ennuie pas. Je te promets de t'en reparler mais ... plus tard.

Ca n'était pas si difficile, finalement. Et Helena a certes l'air étonné, mais pas fâchée. Charlotte tiendra sa promesse, mais quand elle saura quoi en dire exactement. Quand elle saura à quel point il y a problème ... ou pas. Au fond d'elle, elle est de trop bonne humeur pour ne pas que l'espoir pointe.

Mais apparemment, elle n'est pas la seule à se débattre avec des sentiments. Pour ce que Charlotte connait d'Helena - à savoir pas mal de choses - son amie n'est pas du genre à se taper des p'tits jeunes pour le plaisir. Ou tout du moins, elle a beaucoup trop de classe pour s'en vanter à Charlie. Donc, si elle aborde le sujet ...

Et, c'est sérieux ?

Charlotte soupçonne que ce le soit, si Helena lui en parle, et pourtant celle-ci a l'air gênée. Elle balbutie un peu, parle doucement. Jusqu'à quel point est-il plus jeune ? Charlotte, elle, s'en moque, tant que son amie est heureuse comme ça. Mais dans les petites villes, tout se raconte à la vitesse de l'éclair, et même ce qu'on croit assumer peut devenir gênant dans ces conditions.

Les propos de son amie l’ont interpellée, et Helena l’a interrogée sans réfléchir, au sujet de sa relation avec Peter. Elle est loin de se douter que les choses sont plus compliquées qu’il n’y paraît, ou plutôt elle commence à le croire, étant donné les dires de Charlotte, mais aussi au regard du fait qu'elle décide finalement de reporter cette discussion à plus tard. D’ailleurs, pour le coup, la directrice se sent un peu mal à l’aise… ! Elle réalise qu’elle est peut-être allée un peu loin. Elle ne voulait pourtant pas se montrer intrusive, mais pour une fois, elle avait simplement laissé parler sa spontanéité. Il faut dire que les deux amies ont pour habitude de se confier beaucoup l’une à l’autre et qu’elle ne pensait pas du tout franchir une limite en abordant ce sujet. Navré, la jeune femme se crispe un peu. « Oh, heu… D’accord, aucun problème, excuse-moi. » Souffle-t-elle, un peu timidement, mais en affichant un sourire par la suite. C’est assez déconcertant pour elle que Charlotte n’ait pas envie de se confier à ce propos, mais après tout, Lena comprend qu’elle tienne à avoir un jardin secret ! Et elle réalise seulement maintenant que son amie s’était adressée à elle sur un ton destiné à clôturer la discussion plutôt qu’à la poursuivre. Enfin ce n’est pas bien méchant, et tout ce qu’espère la directrice à présent, c’est que son amie ne lui tienne pas rigueur de cette maladresse.

Lorsque la décoratrice l’interroge sur elle, et pas sur son travail, Helena hésite une fraction de seconde. Et puis finalement, elle lui fait part de ce qui lui brûle les lèvres, parce qu’elle en ressent le besoin, tout bêtement. Elle ne sait pas si elle lui dévoilera les tenants et aboutissants de l’histoire, mais elle ressent un certain soulagement à lui dire une partie de la vérité… Et bizarrement, elle se sent aussi nerveuse ! Craignant un peu sa réaction. Heureusement, Charlie n’émet aucun jugement, et se contente de lui poser une question, directe, certes, mais qui a son importance. Helena hoche aussitôt la tête. « Si ça ne l’était pas, je ne t’en parlerais pas… » Murmure-t-elle doucement, et en regardant aux alentours. Elle ne voudrait pas que quelqu’un les écoute, ce serait une véritable catastrophe. Décrispant ses mains de sa serviette en papier, la directrice passe l'une d'elles dans ses cheveux, en prenant une profonde inspiration. « Je ne dis pas qu’on va se marier ou quoi, on n’en est pas là bien sûr, mais… j’ai des sentiments pour lui, oui. » Reconnaît-elle, en sentant ses joues rougir. Elle ajoute alors, après s’être mordue la lèvre inférieure : « Il me rend heureuse. ».

Ne t'excuse pas !

L'objectif, ce n'était pas du tout que Helena se sente mal, loin s'en faut.

J'ai juste besoin de mettre de l'ordre dans ma tête.

*Et dans mon coeur*. Mais ça, elle ne le dit pas bien sûr.

Helena, elle, a l'air de savoir un peu plus ou elle en est. Mais seulement un peu, on ne peut pas dire qu'elle ait un ton particulièrement affirmé. Ce n'est pas Charlotte qui irait lui donner des conseils vu les circonstances, cela dit. Et puis quand même ... les joues de son amie finissent par rougir, quand elle parle de lui. Elle n'est peut-être pas sûre d'elle, mais certains signes ne trompent. Qui que soit ce garçon, il compte.

Je suis heureuse pour toi.

Charlotte n'est pas particulièrement démonstrative dans la vie de tous les jours, alors ce ne sont que quelques mots, mais ils sont chaleureux et traduisent une vrai contentement vis à vis d'Helena.
Divorcer, ce n'est jamais simple. Il faut accepter l'échec, surmonter le fait que ce soit partiellement de sa faute - ça, c'est le plus difficile. Admettre qu'on a une part de responsabilité, aussi infime soit elle. Se pardonner aussi. Et supporter les regards. Tout le monde divorce aujourd'hui, mais pour certaines les rumeurs ont toujours cours.
Alors, trouver quelqu'un et s'autoriser à nouveau des sentiments, c'est une victoire.

Tu ne me diras pas ?

Sous-entendu, son nom, ou qui il est. La question de Charlotte n'en est d'ailleurs as vraiment une. Elle sait qu'Helena ne dira rien ici, de peur d'être entendue. Elle aurait pourtant des milliards de questions à lui poser, l'envie de partager ce qui la rend heureuse.

On ne pourra pas en rester là, tu sais !

dit-elle même en riant.

Les propos de Charlotte aident aussitôt Helena à prendre la situation avec du recul, et à se sentir un peu plus à l’aise. Il semblerait que son amie ait des choses à régler avant de lui en parler, ce que la directrice est bien sûr à même de comprendre. Elle finit donc par acquiescer, dans un sourire fin. « D’accord. En tout cas tu sais que je serai là, quand tu auras envie d’en parler. » Répond la jeune femme gentiment, et avant de passer à un tout autre sujet, puisqu’il est ensuite question d’elle, et de sa relation avec Damian.

Bien sûr, la belle brune aurait très bien pu éviter de mettre le sujet sur le tapis, mais Charlie est son amie et elle a ressenti le besoin, sur le moment, de tout lui déballer – ou presque. En effet, révéler l’identité de son amant, ce n’est pas pour tout de suite, et surtout pas dans un endroit tel que celui-ci… ! Lena sait bien comment sont les habitants. Ils laissent leurs oreilles traîner partout et propagent les derniers cancans comme une traînée de poudre. Qui plus est, si elle a ressenti le besoin de se confier à son amie à ce sujet, la jeune femme sait qu’il y aura des limites à sa confidence. Elle n’est pas encore prête pour le reste, ce qui lui laisse penser qu’elle a finalement elle-aussi besoin de ‘mettre de l’ordre dans sa tête’.

Lorsque Charlie se dit heureuse pour elle, Lena esquisse un sourire timide en prenant sa tasse ensuite pour la porter à ses lèvres et finir son thé, désormais un peu froid. Passant une main dans ses cheveux à nouveau ensuite, la belle brune se crispe légèrement en entendant la question suivante de son amie. Elle n’a pas besoin d’être plus explicite, Lena a tout de suite compris où elle voulait en venir… et secoue doucement la tête. « Oh, tu ne le connais pas de toute manière. » Murmure-t-elle doucement, et en sentant son cœur se serrer dans sa poitrine. Charlotte sait très bien qu’elle héberge chez elle le fils de son amie Joan, mais la belle brune préfère lui mentir pour le moment, afin de conserver son secret et de ne pas éveiller certains doutes. Tout lui dire, bien sûr, ça la démange, mais elle ne peut pas tout lui déballer maintenant, c’est au-dessus de ses forces. La jeune femme affiche vie un sourire fin quand Charlotte lui fait une dernière remarque dans un rire. « Oh, je sais bien ! Mais je crois que le moment n’est pas le mieux choisi… » Souffle-t-elle dans un joli sourire, et en regardant tout autour d’elle pour faire comprendre à son amie que l’endroit n’est pas le mieux adapté. « Mais je me rattraperai, c’est promis ! » Lance-t-elle ensuite, et en la regardant dans les yeux. Peut-être aura-t-elle-même le courage d’aller plus loin dans ses confidences et de lui révéler l’identité de son petit-ami, qui sait ? En tout cas, pour le moment, ce n’est pas d’actualité.

Je sais, je t'en remercie.

Helena est une amie toujours disponible. Quelqu'un qu'on peut vraiment qualifier de "bien", dans ce qu'il y a de plus noble. Et c'est vraiment super pour Charlotte de savoir que quand elle aura fait le point avec elle-même, elle pourra tout dire à Helena.
Elle en a d'ailleurs autant à rendre à sa meilleure amie, ce qui fait que vu les circonstances, elles auront sans doute beaucoup de choses à se raconter dans quelques temps. Pour l'instant, même si Helena semblait un peu plus sûre de ses sentiments au début, il semblerait que les deux femmes aient beaucoup de points à régler avec elles-même.
Charlotte n'avait pas tout à fait imaginer sa vie comme ça. A 30 ans, elle se voyait mère, elle qui s'était mise en couple si tôt. Cela viendrait peut-être bientôt, mais sans un père à ses côtés. Entre elle et Helena, elle avait parfois l'impression d'un remake de Sex and the City à la campagne. Divorce, histoires compliquées, absence d'histoire. La vie avait évolué bizarrement. Pourtant, elle ne le vivait somme toute pas si mal. Entre autre parce que tout en étant célibataire elle savait ne pas être isolée.

Je comprends. J'ai hâte cela dit.

Parce que bon, oui, les moments pathos, etc., ce sont des choses qu'on partage, mais les potins sont infiniment plus amusants tout de même. C'était d'ailleurs plus ce qu'elle se serait attendue à partager aujourd'hui, quand Helena et elle avaient décidé de se voir. Dire que tout ça était parti de ses projets d'adoption. C'est un espoir fou, et pourtant tellement fort pour elle. Y penser lui redonne immédiatement le sourire, et l'ancre sur la terre ferme. Elle verra bien ce qui se passera dans le futur, avec Peter. Il y a des tas de moments à vivre avant de démêler ce genre d'écheveau, et même si parfois la vie est fatigante, il n'y aura qu'un seul aujourd'hui. Il convient de ne pas l'oublier, et d'en profiter. C'est donc d'un ton beaucoup plus joyeux et dynamique qu'elle relance la discussion, sur une de ses passions.

Tu sais quoi ? Laissons ça de côté pour l'instant. J'ai vu une robe incroyable ce matin, il faut absolument que tu m'accompagnes pour l'essayer !

FIN DE LA SCENE