Il est 5h30 du matin lorsque Benjamin sort dans la pénombre matinale. Sifflant entre ses dents lorsqu´un vent froid s´engouffre entre les mailles de son survêtement, il remet son bonnet en place puis met un genou à terre et reserre les lacets de ses baskets. Se redressant, il allume sa lampe frontale et descend les quelques marches de l´entrée. Marchant d´un pas très rapide afin de s´échauffer un peu, il enfouit ses mains dans ses poches et en sort des gants fins qu´il met toujours lorsqu´il fait du sport par un temps froid.

Son chemin le mène vers la lisière de la forêt oú il s´est donné rendez-vous avec David Peterson, un très bon ami à lui, pour ne pas dire meilleur ami. Ils ont 5 années de différences mais une même condition physique et une passion commune pour le sport en tout genre. Aussi, ce qui caractérise leur amitié est bel et bien le fait qu´ils aiment beaucoup se donner des défits sportifs en tout genre. Que ce soit "le premier arrivé là-bas" ou "celui qui monte le plus vite à la corde" ou "Celui qui reste le plus longtemps accroché à cette branche à bout de bras". Enfin, tout deux étant plutôt matinaux et Benjamin devant de toute manière partir à 8h30 au boulot, David n´avait pas d´autre choix que d´accepter la proposition du pompier. Pour l´instant, ils n´ont prévu qu´un simple jogging cool, histoire de pouvoir parler un peu, mais aucun d´eux n´est à l´abris d´un quelconque défit. Ils feront en fonction de l´inspiration de l´autre. M´enfin.

Toujours est-il que Benjamin rejoint bien rapidement le lieu de rendez-vous. En appercevant la silhouette de son ami, un sourire se dessine sur ses lèvres et il se met à trottiner tranquillement vers l´homme. "Salut Peter" lance-t-il en lui faisant un signe de la main. Une fois devant lui, il s´arrête mais continue de courir sur place "T´es prèt? J´ai pas envie de me refroidir tout de suite" reprend-t-il avec un sourire.

Il a beau faire super froid maintenant, la journée s´annonce tout de même magnifique. De toute manière, ils ont prévu un grand soleil. Un temps parfait pour bosser, en somme.

Il fait pas chaud ce matin. Mais David a l’habitude. De toute façon, il sort pour courir, donc il n’aura pas froid très longtemps. Et il prévu bonnet, gants... Pas de quoi mourir d’hypothermie. Une fois dehors, il s’allume une clope et se met en marche, de façon tranquille. Il doit rejoindre Benjamin, pour un jogging matinal, sans prise de tête. Davis, le pompier, prend son boulot à 8h30, donc ils doivent se retrouver encore plus tôt s’ils veulent pouvoir courir ensemble. Et puis Dave n’est pas non plus du genre lève tard, donc ça ne le dérange pas le moins du monde.

Benjamin est un ami. Un bon ami. Grâce à un caractère assez semblable, et une passion commune, ils ont rapidement sympathisés. A cette époque, David était encore dans une période assez noire, et seul le sport lui était salutaire. Ben ne s’est pas montré intrusif, il a su rester souriant, ouvert, et sociable. Qualités qui manquaient cruellement à David depuis de nombreux mois. Au final, petit à petit, leur amitié s’est forgée et très nettement solidifier. Au début, l’image de Julian était encore très présente, ce n’était pas facile d’avoir l’impression de le remplacer. Encore et toujours la culpabilité. Maintenant, bien qu’il lui arrive encore souvent d’y penser, il a moins de mal avec ça.

Il finit sa cigarette, écrase le mégot sur le trottoir, puis presse le pas. Il va finir par se mettre en retard, et il n’aime pas être en retard. La lisière de la forêt est rapidement en vue, mais pas de Ben. David n’a que le temps d’esquisser un petit sourire et d’atteindre le lieu de rendez-vous que son ami arrive. Il lui fait un signe de la main, alors qu’il est encore à quelques mètres. Il ne revient pas sur le fait que Benjamin l’appelle Peter, c’est un truc bizarre qu’il ne cherche même plus ni à comprendre, ni à corriger. C’est comme ça.

— Salut mec, lance-t-il en retour, puis il hoche la tête avec un léger sourire. Et ben c’est parti.

Ben est en train de courir sur place, comme s’il craignait de geler sur place. David s’est accommodé, finalement. Il ne fait pas si froid que ça, pour la saison. L’ancien policier se détourne et se met à trottiner, puis attend que son pote se soit placé à côté de lui pour adopter le même rythme. Il ne compte même plus le nombre de fois où ils se sont retrouvés pour faire du sport, que ce soit à la salle, ou en plein air, n’importe quel sport. Ils ont ça en commun qu’ils apprécient le sport en général. Et en rajoutant par-dessus une touche de rivalité, c’est génial. Après un moment de silence simple, celui de la nature au petit matin, David prend la parole.

— Alors, quoi de neuf ?

C´est bon d´être dehors. Le froid est vraiment revigourant. Et puis, Benjamin adore courire. Mais a choisir il préfère faire son jogging par -10°c que par 30°c. Enfin, les températures actuelles avoisinnent les 0°c, donc c´est parfait. Bref. Benjamin se retrouve donc sur le chemin qui mène vers la lisière de la forêt et est assez content de son investissement dans une lampe frontale. Aimant bien sortir le matin dans la forêt, même en hiver, il a tout de même toujours une certaine crainte du terrain irrégulier quand il ne le voit pas. Ce serait trop bête de se tordre une cheville et devoir cesser le boulot pendant quelques semaines.

Enfin, ce n´est pas l´heure d´avoir ce genre de pensées car il apperçoit sans probléme la silhouette de David un peu plus loin. Avec un sourire, Benjamin l´interpelle en l´appellant Peter. Ce surnom lui est venu au début quand il a apprit à connaître l´ancien policier. Il avait oublier son vrai prénom pensant que s´était Peter. Bref, pas besoin de chercher plus loins, ça lui est resté, d´autant qu´il est le seul à l´appeller ainsi. C´est donc aussi une marque de reconnaissance.

S´arrêtant devant son ami, il continue à trottiner puis, ensemble, ils se mettent en route. Benjamin rejoint bien rapidement David et ils accélèrent légèrement la cadence. Après un temps de silence, simplement briser par les bruits de pas réguliers sur le chemin de forêt, David prend la parole, lui demandant du neuf.

"Rien de bien spécial" répond Benjamin "A par peut-être mon anniversaire bientôt?" il tourne le regard vers David avant de rigoler doucement et hausser les épaules "D´ailleurs, à ce propos, tu ne connaîtrais pas un restaurant dans les parages? Bon, mais pas trop cher? J´ai envie de fêter mon anniversaire avec Sammy mais je n´ai pas encore d´idées oú l´emmener" il reporte son attention sur le chemin "Donc, si tu as une idée ... je suis preneur hein"

BEnjamin laisse le temps à son ami de réfléchir et de répondre, avant de reprendre à nouveau la parole "Et toi? Du neuf?"

David retrouve Benjamin avec un sourire. Il aime bien ces petits joggings matinaux. Ils se sont fait rares tout de même, avec l’hiver. Déjà les fêtes de fin d’année, et puis avec le jour qui se lève plus tard, et la nuit qui tombe plus tôt... C’est moins évident. Même si concrètement, ce n’étaient pas forcément de bonnes excuses. L’ancien flic pourrait se défendre facilement, et n’a peur ni du froid, ni de la nuit. Surtout qu’avec Ben, à deux, ils risquent encore moins. Le pompier le salue, comme à son habitude, avec un certain enthousiasme. David ne réagit même plus au surnom que lui donne son pote, ça aussi, c’est une habitude bien ancrée.

Les deux amis commencent à courir, et se mettent au même rythme. Ils gardent le silence quelques temps, puis David demande des nouvelles à Ben, histoire de faire un peu la conversation, et parce que cela fait tout de même quelques jours qu’ils n’ont pas eu l’occasion de se voir. Ni de vraiment se parler. Le pompier hausse les épaules, parlant de son anniversaire prochain.

— Ah oui c’est vrai, c’est pas le 16 ? Non attends, le 18, le 18 février, se rectifie-t-il de lui-même. Il lui lance un petit sourire, mais n’ajoute rien, et se note mentalement la date. Ben lui demande ensuite une idée pour emmener sa petite sœur au restaurant. Là, David secoue la tête. Non désolé, c’est pas mon truc de sortir au resto, et puis je suis là depuis moins longtemps de toi. Tu devrais être celui qui me donne des tuyaux. Il finit sur un léger rire, puis reprend son sérieux pour se concentrer sur le chemin. Lui n’a pas de lampe, il compte sur celle de Ben maintenant qu’ils ne sont plus là où il y a de l’éclairage publique. Nope, rien de spécial, répond-il alors que son pote lui a retourné sa question.

Benjamin n’est pas au courant pour sa filiation avec Damian. Personne n’est au courant en réalité. Il lui est donc impossible de parler de la visite inopinée du garçon. Mais ce n’est pas ça qui le dérange en fait. Il n’a pas envie d’en parler, il n’a pas envie de parler de choses qui le concerne. Il était déjà du genre secret étant jeune, et suite à la mort de Julian, ça a empiré. Maintenant, il se confie encore moins qu’avant. C’est-à-dire, jamais.

C´est d´un rythme régulier mais tout de même soutenue que les deux hommes s´engagent sur le chemin de la forêt. Seule la lampe frontale de Benjamin leur donne assez lumière pour savoir où ils mettent les pieds. Là où d´autre trouveraient le silence de l´obscurité oppressant, le pompier le trouve très agréable. Enfaite, il a toujours aimé la nuit. C´est sans pour cette raison qu´il aime tant les postes de nuits à la caserne. Enfin.

Ce silence est pourtant bien rapidement coupé par David qui demande s´il y a du neuf dans la vie de Benjamin. Un début de conversation banal, certes, mais un début tout de même. Le pompier lui avoue qu´a part son anniversaire prochainement il n´a pas grand choses à dire. C´est alors qu´il se rappelle ne pas savoir où pouvoir emmener sa sœur et demande donc des informations à son ami. Celui-ci pourtant ne peut pas lui répondre, lui avouant que les sorties restaurants ne sont pas son truc. De toute manière, ça n´étonne guère Benjamin qui aurait très bien put se douter de la réponse.

"Ouais, t´as pas tort" sourit-il avant d´hausser les épaules Enfin, je pense que je vais l´emmener manger chez le japonais à Eagle Point." il lance un coup d´oeil à son pote "On ne peut rien faire de faux avec des sushi, non?" reprend-t-il en souriant.

Son sourire s´agrandit d´avantage puis il reporte son attention sur le chemin et retourne la question initiale à l´ancien policier. Celui-ci lui avoue n´avoir rien à dire. Benjamin laisse passé un certain temps, dès fois que David ait quand même quelque chose à dire. Mais, remarquant que son ami garde le silence, le pompier pousse un petit soupire.

"T´es sûr?" insiste-t-il "Je veux dire, rien? Vraiment rien à dire? Même pas un petit record sportif personnel? Ou un numéro d´une femme? Un truc qui s´est passé en public?" il le pousse légèrement du coude "Je sais bien qu´il ne se passe pas garnd chose à Shady Cove, mais ta vie n´est tout de même pas si ennuyeuse que ça, non?"

Bon, en général, Benjamin se retient bien d´insister. Si David ne veut pas se confier, il doit avoir ses raisons. Surtout depuis que le pompier a apprit pour le meilleur ami de l´ancien policier. Benjamin sait qu´il doit faire preuve de patience avec David et que se montrer trop intrusif n´aura que pour effet de le braquer encore plus. Ainsi, il évite de poser trop de questions personnelles ou de trop insister si son pote se montre trop mystérieux. Mais là, pour le coup, l´américain met ses principes de côté. Peut-être que c´est la seule manière de trouver un sujet de discussion intéressant? Au pire, ils font leur jogging en silence, ce qui n´est pas extrêmement dérangeant non plus.

David a toujours aimé ce moment de la journée, où il ne fait pas encore jour mais déjà plus tout à fait nuit. Pour le crépuscule, c'est pareil, à chaque fois spécial. Pour le jogging très matinal, les deux hommes empruntent ont choisi un trajet forestier. Sous les arbres, il fait encore sombre. Benjamin a penser à une lampe frontale, c'était ce sur quoi comptait l'ancien flic. Le rythme qu'ils ont pris est assez soutenu mais pour eux, ce n'est pas grand chose. Rompant le silence le premier, David demande quelques nouvelles à son pote.

Celui-ci lui fait part de son anniversaire qui est bientôt, et sa recherche d'un resto pour y emmener sa petit soeur. Autrement, il n'a pas grand chose à dire. Pour le moment, David s'en contente. Il lui répond au passage que ce n'est pas lui qui pourra l'aider avec son resto, puisque ce n'est pas dans ses habitudes d'y aller. De plus, Ben est là depuis plus longtemps que lui. Le pompier admet que c'est vrai en souriant, puis explique qu'il pense emmener Samantha manger japonais, parce qu'on ne peut pas décevoir avec des sushis. David rit doucement.

— Non en effet.

L'ancien policer se voit ensuite poser la question du "quoi de neuf". Il répond bien sûr que rien ne lui est arrivé de particulier, que tout ça bien... Benjamin garde le silence un moment, tout comme David qui n'a aucun mal à se taire, avant d'insister. C'est au tour du plus âgé de pousser un soupire. Il est cependant un peu amusé par certaines questions. Mais Ben cherche visiblement à le faire parler, en finissant même par le taquiner en lui disant que même s'il n'y a pas grand-chose dans le coin, sa vie ne doit pas être si ennuyeuse.

— Mais je m'ennuie pas, t'inquiète, réplique-t-il assez sèchement, avant de se reprendre. Maintenant que j'y pense j'ai battu mon record en développé-couché, sinon je mate les J.O, ça occupe. Il hausse les épaules. Rien de bien folichon mais je m'en contente.

Ben est plutôt du genre compréhensif en ne posant pas trop de questions. Il a bien vite compris que pour survivre, il le fallait. C'est surtout que pour être ami avec David, il faut savoir réfréner sa curiosité. Être trop intrusif ne fait que rendre l'ancien flic encore plus secret. Il n'aime déjà pas se confier de base, alors le forcer ne servirait à rien. Par une fois il a évoqué, très furtivement, Julian, au détour d'une conversation avec Benjamin. Ce qui en dit déjà long sur leur amitié. Que le pompier fasse pour une fois preuve de détermination n'est pas spécialement réjouissant pour David. Ce dernier laisse encore flotter un silence, montrant bien qu'il ne parlera pas davantage. Il ne compte pas aborder le sujet "Damian", alors ça n'arrivera pas. Leur chemin s'approche d'une intersection, ils prennent à gauche, de façon à ne pas trop s'enfoncer dans les sous-bois.

— Le chemin qui prenait à droite là, c'est celui qui va tout droit et t'amène jusqu'à une clairière, et que si tu continue encore t'arrive à un petit plan d'eau ? Il laisse à Ben le temps de répondre, négativement d'ailleurs, et d'expliquer où mène ce sentier, avant de soupirer. Bon sang, ça fait plus d'un an que je vis ici, sans compter les trois années quand j'étais jeune, et bien y'a toujours des chemins que j'arrive pas à intégrer.

Ayant depuis toujours été assez matinale et encore d’avantage depuis qu’il a fini sa formation de pompier et qu’il a commencé à travailler –il ne saura dire pourquoi. Peut-être est-ce a cause du fait qu’il ne dort pas aussi bien qu’il ne le voudrait ?- Benjamin aime ces footing. Surtout en compagnie de David. Ils sont toujours très agréables et bien souvent exténuant. Mais aujourd’hui c’est plutôt une petite course cool. Aucun d’eux n’a pour but d’entrainer son endurance. Leur but, en ce petit matin, est de parler car ça fait quelques jours qu’ils ne se sont plus vu.

Leur discussion commence donc par une question de base posée par David : quoi de neuf. Après un léger temps de flottement, Benjamin fini par répondre que c’est bientôt son anniversaire mais qu’il ne sait pas où dans quel restaurant emmener sa sœur. Au final, après la réponse de son pote, il décide qu’il emmènera Sammy au restaurant japonais d’Eagle point. C’est avec un rire que David lui dit implicitement que c’est une bonne décision.  Benjamin lui répond par un sourire avant de se concentrer à nouveau sur le chemin et lui retourner la question.

Lorsque David lui dit qu’il n’y a rien de neuf dans sa vie, le pompier ne peu s’empêcher de se montrer insistant. Peut-être que son ami ne veut pas parler, mais ce n’est pas le cas du plus jeune qui souhaite réellement engagé la conversation. Alors, pour une fois, il se fait plus intrusif et lui tire les verres du nez, comme on le dit de cette façon si charmante. Fort heureusement, David ne semble pas trop lui en vouloir. Sans pour autant se réjouir de cette curiosité trop poussée –ce qu’il montre par un soupire- il lui répond toute de même que non, il ne s’ennuie pas, qu’il a battu son record de développé-couché et qu’il regarde les J.O pour passer le temps.

« Ah ouais, les J.O je regarde aussi. Quoique je me suis endormi devant le curling hier soir » répond le pompier en rigolant doucement « T’as déjà skié, toi ? » veut-il ensuite savoir avant de reprendre « Et t’en fait combien maintenant, en développé-couché ? »

Il laisse son ami répondre, tout en se concentrant à nouveau sur le chemin. Arrivé à une intersection, ils prennent à gauche et continuent tranquillement. Pourtant, sans s’en rendre réellement compte, Benjamin accélère légèrement le rythme. Son cœur et sa respiration se font aussi plus rapide, tandis que David reprend la parole. Il lui pose une question quant à l’intersection, voulant savoir s’il a raison quant au fait que le chemin de droite les aurait menées vers une clairière puis vers un plan d’eau.

« Nop, pas du tout. » répond le pompier « on est bien loin du plan d’eau duquel tu parles »

Dans un premier temps, la réponse de son ami n’est qu’un lourd soupire. Puis il se plaint, s’énervant un peu contre lui-même qu’après un an à habiter ici il n’arrive toujours pas à intégrer les différents chemins. Mais il précise quelque chose que Benjamin ne savait pas : son pote à déjà passé 3 années à Shady Cove.  Le pompier tourne son regard vers l’ancien policier et le fixe longuement … avant de trébucher. Reportant vivement son attention sur le chemin, il arrive sans trop de problèmes à retrouver un équilibre décent et soupire doucement en rattrapant son ami.

« Tu habitais déjà à Shady Cove avant ? » demande-t-il en reprenant sa place à ses côtés «Quand ? Où ? Comment ? Pourquoi t’es parti ? Pourquoi t’as attendu un an pour me le dire?»

Beaucoup de questions en une fois, mais peu importe. David ne pourra que s’en prendre à lui-même d’avoir aborder ce sujet maintenant et ainsi attisé la curiosité de Benjamin.

La discussion s’engage plutôt normalement. Très normalement même. C’est David qui commence par poser une simple question à Ben, qui finit par la lui retourner après avoir expliqué son problème de restaurant pour son anniversaire. L’ancien policier répond que pour sa part, il n’y a pas eu grand-chose de neuf. Rien de bien croustillant. Il n’évoque pas son fils tout naturellement parce que Benjamin n’est pas au courant. Il n’y a sans doute que Joan qui sait, et peut-être ses parents à elle. En tout cas, malgré toutes les rumeurs qui circulent, les conclusions hâtives, personne n’a fait le rapprochement, alors qu’on se souvient bien qu’il a déjà vécu ici, et que sa famille maternelle y est originaire. Mais touchons du bois et espérons que personne ne fera ledit rapprochement.

Le pompier se fait cependant têtu, et décide que « rien » n’est pas une réponse acceptable. David soupire un instant, et développe alors, en trouvant deux trois petites choses à dire. Il parle de trucs simples, comme le fait qu’il a battu son propre record ou que les J.O l’occupent bien. Ben lui répond qu’il le fait aussi, mais qu’il n’a pu suivre le curling du fait qu’il se soit endormi devant. David rit un instant.

— J’ai failli faire pareil figure-toi ! Le curling c’est très bizarre à regarder j’trouve, lance-t-il avant de hocher la tête après la question de son pote. Bien sûr, plusieurs fois même. Il y a des stations de ski dans le Montana, et même depuis qu’il n’y habite plus, il ne manque pas d’aller sur les pistes lorsqu’il y retourne. Et Ben pose encore une autre question. 145 kilos mec ! J’ai d’l’acier dans les muscles.

La conversation paraît prendre un tournant très banal, et ça détourne en prime les pensées de David de son fils. C’est ce qu’il espérait en allant courir avec Ben, et il est content que sa stratégie marche. A vrai dire, ça a toujours marché. Être en compagnie de Benjamin n’a jamais été une mauvaise chose. Il est un peu mode automatique dans sa course aujourd’hui, il suit le rythme de son pote, même lorsque celui-ci accélère un peu. Le plus âgé s’en accommode. Il finit par demander si le chemin qu’ils n’ont pas pris tout à l’heure était celui qui menait à un petit plan d’eau. Mais la réponse est non. David soupire, puis s’énerve un peu contre lui-même. Il y a encore des coins à Shady Cove qui lui sont étrangers, alors que lui-même n’est pas étranger à cette ville. Ben s’étonne brusquement du fait qu’il a déjà vécu ici avant, et trébuche. L’ancien flic ralenti un peu le temps que son pote ait retrouvé son équilibre et l’ait rejoint, puis essaye de comprendre ce qu’il lui demande. Il va un chouya trop vite. David arque un sourcil ; il croyait son ami au courant.

— Hé calme ! lâche-t-il. Alors, quand : y’a... de 1991 à 1994. Où : ici, à Shady Cove, chez ma grand-mère, elle habitait du côté où il y a l’auberge maintenant. Ensuite, comment : j’vois pas ce que t’entends par là. Pourquoi : on est venu parce que ma grand-mère était malade et avait besoin de nous, et on est reparti dans le Montana après son décès. Il marque une pause, reprend un souffle régulier, puis termine avec un haussement d’épaules. Je croyais que tu le savais, c’est tout. Les commères parlent beaucoup, t’es apprécié de tous, je pensais pas que t’étais passé à côté.

Lorsque Benjamin parle du fait qu’il s’est endormi devant le curling aux J.O hier soir, David ne met pas longtemps à lui répondre qu’il a presque fait pareil, précisant que ce sport est de toute manière très bizarre à regarder. C’est avec un éclat de rire et un vif hochement de tête que Benjamin lui donne raison. De toute manière, pour lui, le curling c’est comme les boules ou la pèche : c’est plus un divertissement qu’un véritable sport. Enfin, peu importe, chacun son avis. Les pratiquants auront de toutes manières, énormément de contre arguments. David répond ensuite avoir déjà skié plusieurs fois et Benjamin vient à l’envier. Lui-même n’a jamais eu l’occasion de connaître les sensations de ski, ce qui le désole quelque part car c’est, finalement, un de ses grands rêves. Enfin.

« 145 kg ? » s’étonne finalement Benjamin lorsque David lui avoue soulever ce poids « J’en suis qu’à 130 kg moi. » reprend-t-il avec une moue déçue, fort heureusement caché par la pénombre des arbres « Va falloir que j’m’y mette plus sérieusement si je veux t’égaler »

Il rigole doucement tandis qu’il reporte son attention sur le chemin et qu’il accélère légèrement le rythme déjà pas mal soutenu à la base. Il remarque aussi que David arrive à le suivre sans problème. Après un petit temps de silence, son ami lui demande confirmation sur un chemin. Mais la réponse négative semble faire en sorte qu’il s’énerve contre lui-même car il se plaint que même après un an à Shady Cove et sans compter les 3 années qu’il a passé ici, il n’arrive toujours pas à intégré tous les chemins. Alors que Benjamin aurait put le rassurer et lui dire que ce n’est pas franchement la peine de s’énerver sur ce sujet, il s’étonne plutôt ouvertement du fait que son ami ait passé trois ans ici.

Rapidement, il enchaîne les questions ce qui ne semble pas vraiment convenir à David qui lui dit de faire doucement avant de répondre. Il dit avoir été ici de 1991 à 1994 car ils voulaient être à côté de sa grand-mère qui était malade. Ils sont ensuite repartis dans le Montana après le décès de cette dernière. Ensuite, il précise que les commères parlent beaucoup et que, vu que Benjamin est apprécié par tout le monde, il s’étonne qu’il n’en ait pas entendu parler.

Il hausse les épaules « Ben écoute … parfois on n’entend que ce qu’on veut entendre hein » il attend quelques instants le temps qu’ils sortent de la forêt et s’engagent sur le macadam qui les mènent vers la deuxième partie de la forêt. « Mais maintenant que tu le dis … enfin bref on s’en fout après tout. » il relâche un peu ses épaules, détendant les muscles de ses bras « Mais donc … 1994 … 2014 … ça fait donc 20 ans que t’étais ici ? » il tourne son regard vers David « Shady Cove n’a pas énormément changé depuis, non ? »

Ils parlent, ils rient, ça s’annonce bien. A la cool, sans réel but autre que celui d’un petit jogging tranquille. David parle un peu de son expérience au ski, puis de son record en développé-couché. Il arrive à présent à soulever 145 kg. Ben s’en étonne, puis avoue qu’il n’est qu’à 130 kg. En effet, il faut qu’il s’y mette vraiment s’il veut rattraper l’ancien flic en peu de temps. David acquiesce, avec un sourire. C’est toujours comme ça entre eux, lorsqu’un arrive à progresser, l’autre tente de le rejoindre. Ben le dépasse dans d’autres exercices, c’est un peu 50-50. C’est une saine rivalité qu’il y a entre eux. Ils accélèrent un peu le rythme après une intersection, sur décision du pompier, mais David suit sans difficulté. Le silence s’installe un peu, agréable, avant que l’ancien flic de pose une question.

Il essaye de se situer géographiquement, mais il a toujours un problème visiblement. Il croyait être assez proche d’un petit lac, mais Benjamin lui explique que non. Après une bonne année ici, il y a encore des coins qu’il n’arrive pas à replacer. D’autant que cette ville n’est pas totalement étrangère pour lui, une partie de sa famille est originaire d’ici. Benjamin n’était pas au courant que son pote avait déjà vécu trois ans à Shady Cove. David s’en étonne, car il connaît bien les habitudes liées aux rumeurs et aux commérages. Le pompier ne tarde pas à l’assommer de questions, il doit même lui dire de se calmer, avant de pouvoir répondre. Après avoir fait ses explications, il finit par dire qu’il est surpris d’apprendre que son pote ne savait rien. Ben hausse les épaules, en avançant une explication un peu foireuse.

— Ca veut pas dire grand-chose ça, souligne-t-il en souriant.

Puis ils sortent de la forêt pour longer la route, qui les mènera dans une autre partie du bois. Le plus jeune croit se souvenir d’un truc, mais finalement ça ne sert à rien. Maintenant il est courant, c’est le principal. Après un rapide calcul, il en tire la conclusion que cela fait vingt ans que David est parti de Shady Cove, mais fait aussi remarquer que la petite ville n’a certainement pas beaucoup changé.

— Bah si quand même, en vingt ans... souffle-t-il. Et puis à seize ans, même si je bougeais déjà pas mal et que j’sortais beaucoup, je pensais pas à parcourir tous les chemins forestiers, j’préférais les sports co’. Pis j’avais autre chose en tête aussi, lâche-t-il en haussant les épaules.

Après un début de discussion plutôt banal, celle-ci se fait bien plus intéressante. Ils évoquent rapidement les JO et le curling, puis l’expérience en ski de David et enfin le fait que celui-ci soulève déjà 145 kg. Benjamin le regarde avec un mépris joué. De toute manière, le développé-couché est la spécialité de l’ancien policier, il a toujours été plus fort que le pompier. Du moins, depuis qu’ils se connaissent. Mais Benjamin n’est pas en reste, réussissant à dépasser son pote dans bien d’autres activités. Enfin.

Lorsque David évoque son passé à Shady Cove, Benjamin ne peut s’empêcher d’en être totalement surpris, si bien qu’il manque de se ramasser copieusement. Mais peu importe. Il rattrape rapidement son ami et lui demande de plus amples explications. C’est ainsi qu’il apprend que ça fait 20 ans qu’il était ici. Il avait donc 16 ans à l’époque. De lui-même, l’homme lui avoue qu’il avait autre chose en tête que de découvrir les sentiers forestiers.

« Autre chose … ? Genre, une copine ? » veut savoir Benjamin en se tournant vers lui et en l’interrogeant du regard, grand sourire s’affichant sur son visage « explique » il décélère légèrement en entrant dans la deuxième partie de la forêt, faisant à nouveau attention au chemin « Désolé d’être aussi curieux mais là tu ne me laisses vraiment pas le choix. »

Il laisse son ami répondre tandis qu’ils prennent à droite. Benjamin sait, par expérience, qu’en suivant ce chemin ils arriveront à nouveau au point de départ. Il lance d’ailleurs un coup d’œil à sa montre. Il est 6h20. Au plus tard à 7h il va devoir être chez, histoire d’avoir encore le temps de se doucher et d’avaler quelque chose. Mais il sait aussi que ce sentier est bien plus sinueux avec une monté assez importante vers la fin. Benjamin lève les yeux au ciel et remarque que le soleil commence à apparaître à l’horizon. Avec un doux sourire il imagine déjà le lever de soleil qu’ils pourront voir depuis l’entrée de la forêt. Mais pour ce faire, ils vont devoir accélérer un peu la cadence.

La lumière étant maintenant assez forte pour voir les différents pièges que peut tendre le sentier, Benjamin lance un coup d’œil vers son pote, crois son regard et, silencieusement avec un petit coup de tête vers l’avant, il lui indique son intention d’augmenter le rythme. David le comprend et, instantanément, ils accélèrent, restant tout de même au même niveau.

David n’aurait peut-être pas dû évoquer son passé, les trois années qu’il a vécu à Shady Cove. Pour l’instant, c’est encore gentillet, mais Benjamin pose questions sur questions. A sa décharge, il le pensait au courant. Il finit par s’expliquer, devant l’étonnement sans bornes de son pote. Tout est parti d’une simple intersection, d’un chemin, et d’un petit plan d’eau. Le pompier dit que Shady Cove n’a pas dû beaucoup changer, même en vingt ans. David hausse les épaules ; c’est qu’à 16 ans, il avait bien autre chose en tête. Quoique c’était aussi l’époque de ses prises de tête avec Joan, donc il aurait bien pu aller courir. Bref. Ben va directement aux conclusions, après cette déclaration.

Il avance immédiatement l’argument de la « copine », ne cachant pas sa curiosité. Avec un large sourire, il lui demande de s’expliquer rapidement. David note que le rythme de son ami décélère, et en fait de même. Il s’excuse de vouloir en savoir plus, mais rejette en même temps la faute sur l’ancien flic. Ce dernier secouant la tête, levant les yeux au ciel. Bien l’excuse. Néanmoins, il n’en a pas grand-chose à faire, et décide de lui répondre, tandis qu’ils reprennent à droite.

— Ouaip, une copine. On s’est rencontré à l’école, on était dans la même classe, on a flashé l’un sur l’autre, et voilà. Il hausse les épaules, rien de plus banal. On est resté un bout de temps ensemble, plus de deux ans je crois. On a rompu lorsque j’ai déménagé.

Il reste assez vague, volontairement ou involontairement. Il ne sait pas trop, il fait juste ça par habitude. Il n’est pas le genre à se confier entièrement et totalement, c’est connu. Toujours en courant, il suit Ben, c’est lui qui décide de l’itinéraire. David pense que le chemin qu’ils prennent doit les ramener, en toute logique, de la là où ils sont partis. Mais ce n’est pas vraiment un sujet qui le tracasse, et puis il verra bien, à la fin, s’il a raison. Benjamin lui lance un coup d’œil à l’ancien flic, qui comprend où il veut en venir et hoche la tête. De concert, les deux hommes accélèrent le rythme, tout en restant au même niveau. Le jour commence à poindre. Ils verront bientôt le soleil se lever, à coup sûr.

Après s´être fait encore plus curieux, Benjamin se sent franchement mal. Même s´il s´est excusé pour cette curiosité bien trop poussée à son goût, cette simple déclartion ne l´excuse aucunement. Il remarque d´ailleurs que David ne semble pas vouloir en parler. Et même s´il lui répond, il le fait à contre coeur. Cela s´entend à son ton qui, bien que paraîssant détaché, est tout de même clairement plus sec et quelque peu plus froid. Aussi son pote reste-t-il évasif sur le sujet, preuve indéniable que ce sujet ne lui convient vraiment pas.

Et Benjamin ne peut, malheureusement, que trop bien le comprendre. Chacun d´eux à un passé plus ou moins lourd. David est, certes, né dans une bonne famille, une famille aimante, mais a perdu son meilleur copain de manière fort tragique. Et même si Benjamin ne se cache pas et qu´il sait que David tient à lui, il sait aussi qu´il ne peut -ni ne voudra, même!- remplacé Julian. Le pompier, lui, est né dans une famille qui n´est pas une famille en fin de compte. Il n´a plus aucun contact avec sa mère, ne connait pas son père et n´a plus que Samantha qui est sa seule et unique famille. Mais il ne s´en porte pas plus mal, à vrai dire. Même s´il s´attrape plus d´une fois à penser à comment aurait été sa vie s´il avait eu une vraie mère et un vrai père, et pas seulement une génétrice, il ne voudrait pour rien au monde échanger sa place avec quelqu´un d´autre.

Alors, il décide de respecter le choix de son ami. « Okay » sourit-il en hochant doucement la tête « ceci explique donc cela » Sur ce, il clos le sujet, décidant de ne plus y revenir et de ne pas forcer son ami à s´expliquer d´avantage. Bien évidement, si l´américain souhaite lui en parler, il fera comme ferait tout bon ami: il l´ecoutera avec une attention tout particulière. Mais pour l´instant, Benjamin juge qu´il s´est déjà montré bien trop curieux.

« T´as vu le ski `freestyle´ avant-hier, à la télé? » demande-t-il en suivant le chemin qui tourne vers la gauche « c´est super impressionnant quand même! J´ose même pas imaginer l´état de leur genoux et dos lorsqu´ils arrêteront leur carrière olympique » il rigole doucement, tout en étant tout de même très sérieux. Lui n´a jamais fait de ski. Il n´a ni eu l´occasion, ni les sous pour ce faire et pour tout dire, ce n´est pas franchement ce qui l´attire le plus: le risque de chutes graves est tellement plus élevé qu´en faisant un simple jogging. Bon, les sensations en ski sont surement priceless, mais peu importe, Benjamin ne se porte pas plus mal.

« Oh et d´ailleurs, David » l´interpelle-t-il à nouveau « C´est quand qu´on se fait de nouveau notre séance d´escalade en salle? »

Oui, les deux amis sont très polyvalent en ce qui concerne le sport. Même si Benjamin a une sacré préférence pour la course à pied et le VTT, il n´est pas contre le fait de faire de l´escalade, du tennis ou de la natation, ou de participer à des sport collectifs tel que le Basket ou le foot. Tant qu´il peut se dépenser, lui ça lui va. Pour tout dire, il serait même tenter de s´essayer à l´équitation. David étant originaire du Montana, il doit surement avoir quelques connaissances western, non?

David ne rentre pas trop dans les détails. Benjamin est intelligent, il connaît pas mal de monde dans la ville étant donné qu’il est populaire, et il serait bien capable de faire le lien avec le fils de Joan Keller. De toute façon, l’ancien flic fait comme si ce n’était pas important, une simple histoire de jeunesse, sans conséquences. Ben, bien qu’il se soit montré curieux, ce qui n’est pas dans ses habitudes, revient dans le droit chemin en ne disant rien de plus. Il hoche simplement la tête, et clôt ce sujet en disant simplement que « ceci explique cela ». David reste détaché vis-à-vis de tout ça, mais il est intérieurement soulagé de ne pas avoir à s’étendre d’avantage.

Le pompier revient parler du ski et des J.O, au travers d’une épreuve qui s’est déroulée hier. Le plus âgé acquiesce lorsque son pote lui demande s’il a vu le « freestyle », puis sourit en coin quand il dit ne pas imaginer l’état de leurs genoux et de leur dos une fois leur carrière arrêtée. David hausse les épaules.

— Sans doute. En tout cas j’imagine pas les heures d’entraînements, leur corps a dû s’habituer. Le plus dangereux là-dedans c’est les chutes, mais y’en a aussi beaucoup qui ne sont qu’impressionnantes et pas forcément graves. Après, même des chutes en ski de descente banales peuvent se révéler dangereuses. Mais c’est ce qui donne l’adrénaline aussi. Et toi t’as déjà skié ? demande-t-il.

Il suppose que non, connaissant un peu le passif de son ami. Mais peut-être qu’il se trompe, et que depuis qu’il est installé à Shady Cove, il a eu l’occasion d’y aller, emmenant peut-être sa jeune sœur. David se dit que ce serait, dans tous les cas, sans doute amusant qu’ils aillent skier ensemble, un de ces quatre, ou l’hiver prochain. Ils pratiquent pas mal de sports différents, certains plus fréquemment que d’autres, mais ils n’ont encore jamais pratiqué de sport d’hiver.

— Quand tu veux, répond David lorsque le pompier lui demande quand est-ce qu’ils vont de nouveau faire de l’escalade. Il sourit en coin, haussant de nouveau les épaules. Quand ça t’arrange, tu sais bien que j’suis libre perso.

Benjamin n´a pas pour habitude de se montrer aussi curieux. Et lorsqu´il se montre curieux et qu´il pose plus de questions que normalement, il se sent mal. C´est comme ça. Il a toujours été respectif envers le silence des autres et n´aime pas se montrer intrusif. Mais peu importe. Ne voulant pas s´excuser pour sa brusque curiosité, il préfére mettre de lui-même un terme à leur discussion sur les trois années que David a passé à Shady Cove lorsqu´il avait 16 ans. Après avoir rapidement réfléchit à un autre sujet, il relance celui des J.O qui se déroulent en ce moment même et plus particulière le ski dit "freestyle" qu´il a regardé avec une attention toute particulière. Bien qu´impressionné, il s´est demandé inconsciemment a quel point les genoux et le dos de ces personnes devaient être endomagés.

David lui répond qu´avec les nombreuses heures de boulot et de musculations par lesquels doivent passer les athlètes, leur corps doit surement avoir l´habitude. Benjamin penche légèrement la tête sur les côtés, hésitant et pas très convaincu. « Mouais. Mais je veux dire là, en ce moment même, ils ont encore les muscles fait pour supporter ces choc. Mais une fois qu´ils arrêteront leur carrière, ils perdront forcément du muscle. Et c´est à ce moment là que les réels problèmes commencent.» il lance un coup d´oeil à son ami « C´est bien connu que c´est dès qu´un muscle n´est plus assez fort pour stabiliser une articulation que les problèmes commencent.»

Benjamin peut le confirmer cela. Il ne s´est jamais blesser gravement -dieu soit loué, il touche encore et toujours du bois- mais a déjà eu droit à quelques blessures plus ou moins bénignes, tel qu´un étirement des ligaments de l´épaule droite. Il avait été interdit de toutes sortes de sport pendant 3 semaines. Et autant un muscle met du temps à se former correctement, autant il met extrêmement peu de temps à perdre en masse. Ainsi donc les problèmes d´épaules se sont répercutés sur son dos et un cercle vicieux s´est mit en route. Mais David il sait ça, donc pas besoin de revenir là-dessus. D´autant que tout ça s´est à nouveau arrangé. Bref.

« Non, je n´ai jamais skié » avoue le pompier lorsque son ami lui pose la question « Je n´ai, jusqu´à maintenant, jamais eu l´occasion de ce faire, mais ça m´intéresserait quand même ... un peu» il sourit doucement « J´avoue avoir un profond respect envers les skieurs, car je suppose que ça doit être un boulot monstre quand même pour arriver à un tel niveau ... »

En sport, tout relève du boulot, c´est indéniable. Mais Benjamin est persuadé qu´aux sports d´hiver le talent joue un très grand rôle. M´enfin. Changeant à nouveau de sujet, le pompier revient au présent et s´intéresse maintenant de savoir quand ils pourront à nouveau faire de l´escalade en salle. L´ancien policier lui dit, en un haussement d´épaule, que lui est toujours libre et que c´est à Benjamin de décider.

« Hmm... » réfléchit-il en portant son regard vers le chemin dont l´inclinaison commence à se faire plus remarquable « la semaine prochaine jeudi? Je suis libre à partir de 18h. Et comme la salle à, ce jour là, ouvert jusque 22h... t´en penses quoi? »

Tandis qu´il parle, il sent sa respiration ainsi que les battements de son coeur s´accélérer sous l´effort de la monté.

David fait assez court sur ses trois années de jeunesse à Shady Cove, et sur sa relation avec Joan. Il ne cite même pas son nom, d’ailleurs. Le pompier finit par revenir sur le sujet des Jeux d’Hiver de lui-même, ayant sûrement conscience qu’il s’est montré très curieux. Dave a remarqué que son pote était très respectueux de la vie privée, et qu’il n’aime pas s’y taper l’incruste. En revanche, il est toujours à l’écoute si on veut lui parler. Mais pour le moment, ce n’est pas dans les intentions de l’ancien policier que de se confier, il parle plutôt des skieurs. Ce qu’ils font est toujours impressionnant, que ce soit en termes de vitesse, d’endurance, d’agilité...

Visiblement, Benjamin a suivi une des épreuves avec attention. Il se posait des questions sur leurs articulations à la suite de toute ça. Malgré l’habitude, il est clair qu’ils n’en sortiront pas indemnes. Mais c’est comme tout sport à haut niveau. Il y a aussi fort à parier qu’ils n’arrêteront pas complètement, du jour au lendemain, de skier. Peut-être pas avec de telles figures acrobatiques, dans le cas du freestyle. En même temps, s’ils ne font plus tout ça, ils n’auront pas besoin de la même masse musculaire, tant qu’ils ne finissent pas en mode toumou dans le canap ‘. C’est pas non plus les premiers à passer par là, et pour David, ce ne serait pas une raison pour se priver d’une carrière sportive. Il préfère ne pas répondre à Ben, parce qu’il est aussi d’accord avec lui, et aussi parce qu’il lui a posé une question plus intéressante.

— Et bien faudra qu’on y aille, un jour, je t’apprendrais, lance-t-il avec un sourire, après que Ben ait avoué ne jamais avoir skié, tout en ajoutant que ça l’intéresserait. Il continu en disant qu’il a un profond respect pour eux, étant donné le niveau qu’ils atteignent. David hoche la tête. Ouais, comme tous les sportifs de haut-niveau hein, c’est surtout que c’est pas mal dangereux.

Il est sûrement impossible de déterminer la part de talent qu’il faut pour être un bon sportif, mais il y a toujours un entraînement acharné à la base. Que soit dans les sports d’hiver ou les autres. En parlant d’autres, Benjamin demande quand est-ce qu’ils pourront refaire une séance d’escalade en salle. David répond naturellement qu’étant toujours libre, ce n’est pas à lui de choisir. Le plus jeune réfléchit un instant, puis propose le jeudi prochain, à 18 heures. L’ancien policier hoche la tête, tout en appréhendant la montée qui s’annonce.

— Ouais ça m’va. On s’retrouve directement là-bas hein, comme d’hab’ ? dit-il tranquillement.

Il commence doucement mais sûrement à sentir l’inclinaison du chemin. Son souffle et son rythme cardiaque s’accordent. Les coureurs finissent la montée en silence, de façon à s’économiser. En même temps que le jour se lève de plus en plus. Ils arrivent à l’entrée de la forêt alors que le soleil vient à peine de se montrer. Comme d’habitudes, un levé de soleil est toujours magnifique. D’autant qu’aujourd’hui, ce matin plutôt, le ciel est assez dégagé, et les couleurs qui le parent rendent le tout encore plus magique. D’après les souvenirs de David, ils ne devraient plus être très loin de la fin de leur jogging.

Benjamin sait très bien que David n´est aucunement du genre à se confier. Même s´ils sont très proche et qu´il connait pas mal le passé de son ami, il sait justement que c´est la raison pour laquelle Devid reste mystérieux. Mais peu importe. Le pompier tente tant bien que mal de cacher le fait qu´il soit énervé contre lui-même, et décide de changer complètement de sujet, revenant inconsciemment sur leur thème favori: le sport. Les J.O, ici, en l´occurance, étant donné qu´ils se déroulent en ce moment même.

Benjamin se met à spéculer sur l´état des articulation des skieeurs de freestyle. Il expose rapidement son point de vu, mais ne reçoit aucune réponse de la part de son ami, ce qui est quelque peu frustrant car il ne connait donc pas son avi. Enfin, il peut s´en douter, mais ce n´est pas la même chose. Mais peu importe. David, lui, semble plus enthousiasmé par la déclaration du pompier de ne jamais avoir skier. Sans retenue et avec un sourire, l´homme lui dit qu´ils devront y aller un jour et qu´il lui apprendra.

« Hm, mouais ... si tu veux » répond le pompier sans très grande motivation. Motivation qui se fait d´avantage moindre lorsqu´il entend son pote parler de la dangerosité de ce sport « Tu me rediras quand tu voudras y aller hein? Que je me prenne à l´avance pour mettre mon assurance médicale à jour »

Il dit ça sur un ton léger et avec un sourire, mais dans le fond, il est tout à fait sérieux. S´il lui arrive quoique ce soit de plus grave, il ne voudra aucunement que ce soit sa soeur ou quelqu´un d´autre qui en pâtisse. Et puis l´argent n´est pas ce qui coule à flot, non plus, chez les Davis. Mais peu importe. Oubliant ce détail, Benjamin commence à parler d´une séance d´escalade. Et d´un commun accord, ils décident de placer cette séance au jeudi prochain.

« ça roule » sourit Benjamin lorsque son ami lui dit que, comme d´habitude, ils se retrouveront sur place.

Puis, commence la partie dure de la monté. En silence afin de garder leur souffle et avoir une respiration régulière, ils grimpent. Le rythme reste assez soutenu, si bien que le coeur de Benjamin accélère graduellement ses battements en même temps que son corps régule sa respiration. Arrivé à l´entrée de la forêt, là oú ils se sont retrouvés avant, ils décélèrent lentement puis finissent par s´arrêter face au lever de soleil. Benjamin éteint finalement sa lampe frontale et, souriant à la vue, commence quelques étirrements.

Après plusieurs instants de silence à simplement apprécier le spectacle de couleur qui s´offre à eux, Benjamin se redresse finalement et se tourne vers David « Bon, moi j´vais devoir filer. » il lance un coup d´oeil sur sa montre « J´ai pas envie d´arriver en retard » Il sourit puis se recule et commence à partir à reculons « à jeudi, au plus tard, alors!»

Il attend la confirmation de David puis se détourne et part en trotinnant doucement pour son cool down.

David reste une fois de plus secret quant à son passé, malgré l’insistance de Benjamin. Ce dernier donne d’ailleurs l’impression de demander repentance, et il change de sujet, passant du coq à l’âne. Ils reviennent à tourner autour des Jeux Olympiques d’hiver et plus particulièrement des skieurs. L’état de leurs articulations n’est guère intéressant pour l’ancien flic, qui passe rapidement à autre chose. De fil en aiguille, il en est venu à demander à son ami s’il avait déjà skier. A sa réponse négative, David lui dit alors qu’à l’occasion, il lui apprendrait, qu’ils se feraient une aprèm’ ou un week-end à la montagne. Ben n’a pas l’air très enjoué, et fait même preuve d’un peu de sarcasme.

— Mais si tu verras ça va être drôle, et j’suis sûr que t’en as vu d’autres alors ne fais pas ta chochotte.

Il arbore un grand sourire. Bonjour, ici la Franchise. Il n’aura qu’à être prudent, comme il l’est toujours. Et puis, il risque parfois sa vie lorsqu’il s’agit d’incendie ou autres, alors des skis et une piste bleue ne devraient pas lui faire peur. D’un autre côté, s’il lui arrivait quelque chose, David s’en voudrait assurément, puisque c’est lui-même qui lance l’idée. Ensuite, ils prévoient leur prochaine séance d’escalade, qui se déroulera jeudi prochain. Ils se retrouveront sur place, aux alentours de 18h donc. Lorsqu’ils attaquent la montée, ils le font en silence, afin de ne pas s’épuiser plus que nécessaire. Ils gardent un rythme assez soutenu, et assez synchronisé. A l’entrée de la forêt, ils décélèrent et s’arrêtent. Le soleil s’est levé. Ils apprécient un peu le spectacle, avec que Benjamin ne rompe le silence et dit qu’ils vont devoir se séparer.

— Ce serait bien ta veine, souffle-t-il, alors que le pompier lui dit qu’il ne voudrait pas arriver en retard. Chose impensable pour monsieur Davis. Puis il lui sourit plus franchement avec un geste de la main. Et bien à jeudi !

Il regarde Ben s’éloigner tranquillement, puis reprend son jogging tranquillement, dans la direction inverse. Il a décidé de rallonger un peu, pour le simple plaisir de courir.