J'ai envie d'aller voir Elliot. J'ai passé une sale soirée hier, je me suis réveillé dans un endroit inconnu et sur le coup, j'me suis demandé où j'étais. A vrai dire, j'étais assez perdu. Bon, on était une dizaine dans mon cas mais les réveils comme ceux-là sont peu appréciables, j'suis totalement déboussolé. Donc j'ai surtout besoin de voir Elliot. Il habite pas loin de chez moi, donc contrairement à cette loque, j'y suis allé à pied.

J'arrive enfin devant son immeuble mais j'prends quand même le temps de terminer ma clope ; pour le prix que ça coûte ! Merde, le digicode. Il me l'a dit au moins un millier de fois, il n'empêche que j'oublie toujours. J'me suis fait un mémo, mais je l'ai oublié aussi... Ah, ça me revient.

3 bouteilles de vodka, 2 heures de gueule de bois, tu retrouves 5 filles canons, et tu te souviens pas de 1 prénom. 3251. Ça marche ! Amen ! J'arrive direct dans le hall d'entrée, mais les chaussures d'Elliot sont pas là. Il s'est peut être endormi avec, c'est une possibilité. Je vais jeter un coup d'oeil au salon, personne. J'aime bien marcher, certes, mais j'aime pas me taper des trajets pour rien. Soudain, du bruit dans la cuisine. En même temps, ce mec est un goinfre donc ça m'étonnerait pas qu'il soit là.

Raté. Mais bon, on ne peut pas être déçu quand on se retrouve devant Emily Fisher, que j'ai la chance de connaître plutôt bien. Eh ouais.

- Coucou ! Désolé, je venais voir Elliot et généralement je sonne pas, parce que ce mec m'entend jamais du coup bah... Désolé de pas avoir sonné.

Je lui souris et vais m'asseoir. Je suis pas venu pour rien non plus, et ça fait un bout de temps que je l'ai pas vu.

- Sinon, quoi d'neuf dans ta super vie de mannequin ?

Je l'envie vraiment, cette fille. Elle voyage partout tout le temps, elle a de l'argent, et elle l'a gagné par elle-même. Puis bordel, elle est canon. Non, Reese, c'est la soeur d'Elliot ! Tu veux te retrouver avec un testicule en moins ?

Emily s’était levée tard. Sortie la veille, elle avait profité du fait qu’elle n’avait plus aucune contrainte de travail pour faire la grasse matinée et trainailler. Une fois debout, elle fila sous la douche et s’habilla assez simplement, pour le coup. Elle revêtit un pull à col roulé bleu électrique sur un jeans clair. Simple, mais le rendu sur elle et son corps de rêve était juste parfait ^^. Elle laissa ses cheveux pendre. Avec un bras en moins, fort compliqué de les attacher. Une fois prête, elle mit son attelle. Faire le moindre petit mouvement lui faisait encore assez mal. Elle descendit donc à la cuisine prendre un anti-douleur. Par la même occasion, elle se rendit compte qu’elle était seule à la maison. Ni ses parents ni son frère Eliott n’étaient là. Un coup de fil à Ellen plus tard et la jolie brune apprit qu’il y avait de la pâte à pancakes dans le frigo. Sa mère plaisanta en ajoutant qu’elle est quand même bien capable de juste les chauffer. Mais rien n’est moins sur lorsqu’on parle d’Emily Fisher en cuisine.

La brune sortit une poêle, qu’elle mit sur le feu et alla chercher du beurre au frigo. Elle découpa un morceau de beurre qu’elle lança à frétiller avant de faire un deuxième trajet vers le frigo pour aller chercher la pâte. Ca avait l’air carrément délicieux… Même s’il y en a pour toute la rue. La générosité d’Ellen est une de ses qualités premières, après tout. Ems prit une louche et tenta de dessiner, dans le fond de la poêle, deux ronds de taille égales. Bon, déjà ça c’était loupé. Elle soupira, avant d’aller chercher un verre d’eau et un anti-douleur. Puis, elle vérifia les gamelles de Kitty, son adorable chaton tigré. Elle lui versa de l’eau fraiche ainsi qu’une boite de pâté pour chats, avant qu’une odeur un peu désagréable ne lui chatouille les papilles.

« Oh merde, les pancakes ! »

Elle courut jusqu’aux taques de cuisson et les éteignit. Ses pancakes étaient carbonisés d’un côté et liquides de l’autre. Du grand Emily. Elle soupira, avant de poser la poêle sur l’évier et sursauta légèrement lorsqu’elle entendit qu’elle n’était plus seule. Un large sourire prit place sur son visage lorsqu’elle aperçut Reese. Qui pourrait croire qu’elle l’avait baby-sitté quelques années auparavant. Bon, bah a défaut de pancakes, elle le mangerait bien tout cru, lui (a).

« T’en fais pas, ça me dérange pas. J’adore les surprises. »

Elle se retint d’en rajouter davantage, ne voulant pas tout de suite le mettre mal à l’aise ou dévoiler son jeu. Son ego se boosta un bon coup lorsqu’il évoqua sa vie « de super mannequin ».

« Tout va pour le mieux. Enfin irait pour le mieux si cette stupide épaule se remettait plus vite. »

Expliqua-t-elle, ne le lâchant pas des yeux.

« Y aussi quelque chose que tu pourrais me faire qui pourrait me faire aller mieux...»

Elle marqua une courte pause, histoire de faire monter le ‘suspense’.

« Tu sais cuire les pancakes ? »

Elle me parle de son épaule et je vois son atèle. Je lui souris et compatis avec elle. Je sens l'odeur de brûlé dans la cuisine et comprend de quoi il s'agit lorsqu'elle me demande de lui faire des pancakes. J'ai eu peur qu'elle me demande un massage ou quelque chose dans le genre, je pourrais sûrement pas me contrôler si je la touche dans des gestes sensuels et tout. Je lâche un petit soupir de soulagement que je veux discret.

- Oui, je vais te les faire. T'as l'air assez mal partie !

Je me dirige vers le plan de travail et aperçois le beurre et la pâte à pancakes. J'ouvre le tiroir des casseroles - avec Elliot, on se faisait souvent des pâtes en rentrant de soirée - et mets une noisette de beurre avant de faire deux petits ronds de pâtes. En attendant, je me mets dos aux plaques de cuisson et fait face à Emily.

- Tu restes ici pour combien de temps ?

Je me retourne pour vérifier les pancakes et les retourne. Les deux soeurs de Elliot sont vraiment pas mal. J'ai toujours adoré les regarder. Et puis elles sont sympas, du coup on s'est toujours tous bien entendus. Les deux premiers pancakes terminés, je les mets dans une assiette et la donne à Emily.

- J'espère qu'ils ne sont pas ratés. T'en veux encore ?

Soudain, un bruit sourd. Mon ventre qui grogne.

- Et... Je peux m'en faire aussi, s'il te plaît ?

Le seul petit-déjeuner disponible quand je me suis réveillé était composé de whisky et de tequila. Bwark.

Une fois Reese arrivé dans la cuisine, Emily ne put s’empêcher de jouer à la charmeuse, en ne cessant de le regarder intensément dans les yeux et en jouant de sa voix sensuelle. Elle n’est pas juste qu’un beau corps, elle a hérité de tout le package. Une fois qu’elle eut, à son goût, assez fait monter le suspense, elle lui demanda s’il pouvait lui cuire des pancakes. Puisqu’il était là, autant qu’il serve à quelque chose (a).

« Merci. T’es adorable. »

Emily était bien contente de croiser quelqu’un. Elle a beau avoir un côté parfois très insupportable, elle est aussi assez sociable et adore la compagnie. Elle n’aime pas trop être seule, il faut que des yeux soient posés sur elle, qu’on l’écoute, qu’elle se sente vivre à travers ses relations. En plus, Reese est sympa. Elle l’a toujours bien aimé. Il est drôle et franchement joli garçon. Elle ne se prive d’ailleurs pas du tout pour mater ses fesses lorsqu’il se retourne pour s’occuper des pancakes (a).

« Je sais pas encore de trop. J’espère repartir au plus vite, ça ne dépendra que de la réeducation. C’est trop la galère j’te jure. Ca me rend complètement folle. »

Pour une fille aussi active et dynamique qu’elle, ne pas pouvoir conduire, par exemple, ça la rend limite hystérique. Qu’à cela ne tienne, elle marchera des kilomètres s’il le faut, mais hors de question qu’elle ne reste cloîtrée chez ses parents pendant des années lumières, ça c’est clair. Elle alla se chercher de la confiture à la fraise dans le frigo, avant de prendre place à table, une fois qu’elle eut récupéré son assiette.

« De toute, ça peut pas être pire que les miens ! Tu peux m’en faire deux de plus, je pense. »

Bien qu’elle fasse attention à sa ligne, elle ne peut pas résister à la nourriture cuisinée ou préparée par sa maman. C’est clairement une des choses qui lui manque le plus quand elle quitte Shady Cove.

« Bah évidemment. Eliott me tuerait s’il savait que je te laisse mourir de faim. Quoi que, il risquerait de m’accuser de vouloir t’empoisonner s’il ne sait pas que je n’étais pas derrière les fourneaux. »

Si pour tout un tas de choses elle se vante, elle prend avec beaucoup d’humour ses lacunes culinaires.

« C’trop bon. »

Et deux de plus pour le top model juste derrière moi ! Je remets de la pâte dans la poêle et attend patiemment. Elle m'autorise à m'en faire aussi et j'inspecte la cuisine d'un coup d'oeil histoire de voir ce que je vais mettre dessus. Du nutella fera l'affaire.

- Qu'est-ce qui lui est arrivé à ton épaule, au fait ?

Je sors les deux pancakes de la poêle et les dépose dans une autre assiette, avant d'en recommencer deux. Je pose l'assiette à côté de la sienne. Sont plutôt beaux mes pancakes ! Merci Nick de me laisser faire à manger parce que tu cuisines comme un manchot sans tête ! Et puis Emily a l'air d'apprécier, 1 point pour toi Reese !

- Merci, merci. Du coup je suppose que y'a beaucoup de choses que tu peux plus faire à cause de ton épaule ? Si un jour t'as besoin de quelque chose, tu peux me demander. Ça me ferait plaisir de t'aider.

Mes pancakes sont prêts ! Vous et moi, nous allons vivre un beau moment. Je prends mon assiette et vais m'installer à côté d'elle. Je choppe le nutella et mets quelques cuillères avant de les engloutir.

- C'est vrai qu'ils sont bons. J'suis trop fort.

J'ai mes moments de "je m'aime trop", mais c'est seulement quand j'arrive à faire quelque chose après une cuite. Tout en mangeant, je dévisage Emily. Si Elliot était pas mon meilleur ami, sérieusement, on serait pas en train de manger dans la cuisine, je peux vous le dire.

Mon assiette est vide rapidement, et les deux pancakes m'ont amplement suffit. Je pose une main sur mon ventre et me décide à débarrasser, quand même. Pendant que Emily termine, je commence à nettoyer la poêle, je vais pas lui demander de le faire, vu l'état de son épaule ! Et puis, je suis un mec galant moi. Eh ouais. Enfin ça dépend des moments, mais quand je suis face à une très belle femme, je le suis !

- Tu fais quoi aujourd'hui ? On dirait qu'ils t'ont tous abandonné.

La perspective d'une aprem posé chez Elliot à regarder un film avec sa soeur me plaît beaucoup, tout à coup.

Assise à table avec ses deux premiers pancakes qu’elle était occupée à tartiner d’encore un peu plus de confiture – au point où on en est – Emily répondit à la question de son cuisinier personnel.

« Je tournais une publicité sur une falaise et j’ai voulu en faire un peu trop. ‘Fin soit, je suis mal tombée et on a dû m’opérer. »

Ce qu’elle ne dit pas, c’est qu’elle a elle-même aggravé la situation en refusant de se rendre directement à l’hôpital et qu’ici, elle sort sans son attelle. Parfois elle peut être complètement inconséquente et ça pourrait bien lui jouer des tours, par la suite. Elle gouta ensuite les pancakes et félicita le cuistot, le remerciant par la même occasion pour les deux nouveaux pancakes qu’il venait de lui cuire.

« C’est sur, mais heureusement, je sais encore pratiquement tout faire. Il faut juste que je trouve les positions appropriées pour faire les mouvements du quotidien. »

Pour se donner un air de ne pas y toucher et de n’absolument rien sous-entendre là dedans, elle continua de manger l’air de rien, un léger sourire posé sur ses lèvres.

« En tout cas, merci pour ta proposition, je n’oublierai pas d’en faire bon usage. »

Lui promit-elle, avant de lui faire un clin d’œil. Il la fit ensuite rire, lorsqu’il se vanta à son tour. En même temps, il a juste dû cuire la pâte, c’est pas comme si il fallait lui décerner une médaille ! Quoi qu’il en soit, elle sait que les hommes aiment se sentir valorisés, du coup, elle n’hésita pas à en rajouter une couche.

« Tu es carrément bon à marier. Les filles de Shady Cove ne savent pas la chance qu’elles ont de t’avoir dans les alentours. »

Mais bien sur. Elle se tût un petit peu, parfois il vaut mieux, et termina de manger. Si en plus il fait la vaisselle, elle va vraiment finir par croire que ce qu’elle a précédemment dit est vrai ^^. Au moins, il est bien élevé.

« Aujourd’hui ? Je passe du temps avec toi, évidemment. Que pourrait-il y avoir de plus important sur ma to do list ? C’est pas comme si j’étais un top modèle hyper demandé ! »

Se jeta-t-elle des fleurs en ramenant son assiette vide. Puisqu’il s’occupait de la vaisselle, elle se mit à faire un peu de rangement. La confiture, le nutella. Quelle équipe.

« En tout cas, merci pour ta proposition, je n’oublierai pas d’en faire bon usage. » J'ai failli recracher mon morceau de pancake. Elle est obligée d'utiliser cette voix et ce sourire aussi ? Punaise, punaise, punaise. Et quand je me mets à faire la vaisselle, je suis carrément bon à marier ! Que quelqu'un me vienne en aide.

Je récupère l'assiette vide qu'elle a ramené et commence à la nettoyer aussi, tout en lui souriant à la perspective de passer cette journée ensemble.

- T'es surtout un top modèle estropié pour le moment, non ? lui dis-je en rigolant.

Mais top modèle quand même - me fait une petite voix dans ma tête. Je termine la vaisselle et range la poêle et les assiettes. Voici venu le moment maladroit de la journée, à savoir la fameuse question du "on fait quoi ?".

- On pourrait regarder un film. Je doute que tu puisses faire une partie de volley-ball dans le jardin.

Je me dirige vers le salon ; cette famille a une collection plutôt impressionnante de DVD. J'en sors quelques-uns, de plusieurs genres.

- Rassure-moi, tu ne regardes pas que des comédies romantiques ?

Un film d'horreur me tenterait bien. Elle pourrait se jeter dans mes bras si elle a peur ! Sans arrière-pensée aucune. Je suis un homme et je peux protéger une femme, voilà tout ! Cela dit, vu son caractère, elle serait plutôt le genre de personne à rigoler devant la débilité des histoires de ces films. Mais bon. J'expose les DVD sur la table basse, et la laisse choisir parmi un "Mission impossible", "The Grudge", "Juno", si jamais elle est effectivement fan des comédies romantiques, et deux-trois autres dont je n'ai jamais entendu parler, mais les synopsis me semblaient bien.

- Faites votre choix, mademoiselle, lui dis-je, tout en lui faisait une petite révérence.

Emily se mit à espérer qu’Eliott ne rentre pas trop tôt. Et ses parents non plus d’ailleurs. Si l’un des trois était présent, elle serait obligée d’arrêter son petit jeu et ça lui plait beaucoup trop. Par contre, ce qui lui plait nettement moins, c’est lorsqu’il la traite de mannequin estropiée. Son visage ne manque pas de se crisper, mais puisqu’il est occupé à faire la vaisselle et elle à ranger, il n’aura pas le loisir de voir que sa remarque n’était passée que moyen.

« Même estropiée, j’ai un coup de fil à passer et je me fais à shooting à 4500 dollars la journée dans un endroit paradisiaque, chéri. »

Ok, elle exagérait un peu. C’est elle qui doit courir les castings à présent et un coup de fil ne suffit plus, mais ça, il n’a pas besoin de le savoir. Même si elle s’était maitrisée et qu’elle n’avait pas haussé le ton, sa voix redevint immédiatement plus posée et joueuse lorsque Reese reprit la parole.

« Quelle esprit de déduction, Sherlock. »

Elle se resservit un verre d’eau et pris à nouveau un cachet, avant de le suivre dans le salon, se demandant bien comment ils pourraient se mettre d’accord. Evidemment que non, elle n’avouera pas en public qu’elle adore les films romantiques, qu’il lui arrive même de pleurer devant. Très peu de personnes sont au courant et savent qu’elles risquent leur vie si une information de ce type leur échappe.

« Non, tracasse. J’vais pas t’infliger ça alors que tu as été si gentil avec moi… »

Elle se mit à réfléchir à quel type de film elle aimerait regarder en sa compagnie. Stratégiquement, un film d’horreur serait le meilleur plan. En fait, ça la fait plutôt rire les litres de sang déversés et les histoires pas du tout réalistes. Elle adore relever toutes les incohérences. Seulement, si elle ne le lui dit pas, elle pourra jouer la fille terrorisée et se coller à lui. Ca pourrait être carrément marrant. Elle désigna donc « the grudge ».

« Hmmm… Celui-là. Mais j’te préviens, Eliott m’a dit que ça fait vraiment flipper. »

Bon, sa réputation lui colle à la peau, tout de même. Ne pas s'attaquer au physique d'un mannequin, lecon n°1. Mais elle se remet rapidement de ma remarque. Et en profite même pour se moquer un peu de moi ! Je retiens un sourire et vais dans le salon, lui proposant quelques DVD. Amen pour moi, elle ne m'infligera pas une comédie romantique. C'est mon jour de chance. Surtout quand elle choisit "The Grudge". Je retiens un sourire.

- Oh, t'inquiète pas. Tu pourras te réfugier dans mes bras si tu as trop peur.

J'ai vraiment dit ça à voix haute ? A la soeur de Elliot ? Ouais bon elle m'attire alors forcément, je rentre dans son jeu ! C'est tout bonnement impossible de refuser de se faire draguer par une femme comme elle. Aucun homme sur terre ne peut résister. Ou en tout cas, je ne peux pas.

- Tu peux t'asseoir, j'me charge de lancer le DVD. J'ai tellement l'habitude de votre lecteur que même bourré, j'y arrive en quelques secondes !

En hiver, Elliot et moi passons des après-midi entières à regarder des films en se goinfrant de pop-corn. On ressemble un peu à un vieux couple, des fois, et je peux pas m'empêcher de sourire à cette pensée.

- Je vais chercher quelque chose à boire, ça nous évitera de nous lever si on est pétrifiés par la peur.

Je parle plus pour elle que pour moi. Bon, d'accord, des fois je sursaute aussi, mais c'est normal. C'est un film japonais en plus, et ces japonais sont totalement tarés. Mais je l'ai déjà vu alors ça me donne un cran d'avance. Je vais dans la cuisine et choppe une bouteille de coca zéro et une bouteille d'eau, les deux verres nécessaires et revient dans le salon. Posant le tout sur la table basse, je lui demande :

- Ça te gêne si je ferme les volets ? J'aime pas regarder un film dans une salle trop éclairée.

Autant faire ambiance cinéma jusqu'au bout. En plus, leur télé est super grande, alors bon. Et ça coûte moins cher que le cinéma, surtout. J'attends pas vraiment sa réponse et vais fermer les volets ; après tout, si je rentre dans son jeu, le noir, c'est plus intimiste. Grrr. Je m'affale enfin dans le canapé et prend la télécommande en main.

- T'es prête ?

Même lancée en plein jeu de séduction, Emily ne peut pas s’empêcher de réagir plus vivement que ce qu’elle ne devrait lorsque Reese la traite en quelques sortes d’estropiée. Même s’il a dit ça pour rire, elle ne supporte pas les critiques sur son physique vu à quel point elle se donne pour qu’il soit irréprochable. Légèrement vexée, elle se décide à jouer deux fois plus, histoire de lui montrer que même estropiée, elle reste la meilleure (a). Elle choisit donc de regarder un film d’horreur en sa compagnie et n’hésitera pas un seul instant à jouer la damoiselle en détresse, quitte à mentir éhontément.

« Arrête de me dire des trucs comme ça, parce qu’après je vais le faire et t’as peut être pas envie de te retrouver avec un pot de colle. »

Evidemment, elle avait sorti cette phrase avec un air plus qu’adorable. Sérieusement, s’il lui résiste il est fort, parce qu’on peut dire qu’elle met le paquet pour le déstabiliser. Pourtant, jusqu’à présent, il ne s’est jamais vraiment montré mal à l’aise. Signe qu’elle peut continuer à jouer, que ça ne le dérange pas. Du moins, c’est comme ça qu’elle interprète la chose. Elle ‘obéit’ ensuite, lorsqu’il lui proposa de mettre le dvd et qu’elle s’asseye. Ce qu’il y a de bien avec lui, c’est qu’il la sert. Elle adore qu’on s’occupe d’elle et encore plus qu’on la traite comme une princesse. C’est tout ce qu’elle mérite, après tout. Il va même jusqu’à chercher à boire. Par contre, elle espère qu’il rigole quand il dit qu’il pourrait être pétrifié par la peur, parce qu’il n’y a rien de moins sexy qu’un trouillard. Pour le coup, il arriverait presque à s’en débarrasser, si c’était vraiment le cas. Il ramena les boissons et se mit encore en action. Bientôt il va lui donner le tournis. Voilà qu’il voulait fermer les volets, le coquinou.

« Non mais du coup tu viens t’asseoir ici à côté de moi parce que si en plus je vois rien, ça va pas aller. »

Nouveau mensonge sortit sans aucun problème de sa bouche. Ce qui est bien pour elle, c’est qu’elle ne culpabilise jamais de raconter des bôbards. Ca rend les choses plus faciles. Et puis en plus, ça n’est pas vraiment méchant.

« J’suis pas trop sure, mais bon, allons-y. »

Ce qu’il y a de bien, étant donné qu’elle connaissait le film, c’est qu’elle pourrait sursauter au moment opportun et réellement lui faire croire qu’elle avait peur, pour pouvoir se rapprocher et le torturer un peu, le petit ^^.

Un pot de colle comme elle, ça me gênerait pas. Mais je vais éviter de lui dire ça, elle a déjà une bien haute estime d'elle-même, quand même ! Et puis je dois m'asseoir à côté d'elle. J'ai envie de lui répondre que j'allais pas passer le film assis sur le tapis, mais au lieu de ça, je lui souris et m'affale sur le coussin à côté du sien. Avant de lancer le film, je lui demande si elle est prête. Une fois son approbation reçue, j'appuie sur play, et laisse le film faire son effet.

Je pose mon bras non pas sur ses épaules, mais sur le dossier derrière elle. C'est censé la frustrer déjà, si elle joue vraiment à un jeu de séduction, puis c'est plus confortable et enfin, si elle vient se réfugier dans mes bras, j'aurais pas besoin de me contorsionner pour la garder contre moi, juste à passer du dossier à elle. Techniques imparables, je vous dis.

10 minutes sont passées. J'ai soif. J'enlève mon bras du dossier et me sers un verre de coca. Elle a l'air absorbée dans le film. Elle a pas bougé d'un pouce depuis avant. Je lui sers un verre d'eau et lui tend. Je finis par poser le mien et reprend ma place initiale, bras sur le dossier, toujours. Je la dévisage du coin de l'oeil - le film, je le connais déjà, et elle, ça fait super longtemps que je l'ai pas vu. Alors bon, quitte à choisir, je préfère la regarder elle. Elle ressemble à Elliot, ils ont le même regard et les mêmes mimiques. Elle se mord la lèvre inférieure. Bon sang. Je vais regarder le film, en fait. C'est moins dangereux.

Encore 10 minutes. Je me penche vers elle doucement, essayant d'être le plus discret possible et, dans son oreille, je souffle un :

- Bouh !

Quand je m'ennuie, j'embête les autres.

En effet, Reese fait bien de garder sa pensée pour lui. Parce que si les choses sont trop faciles, ça plaira tout de suite moins à Emily. Elle qui n’avait rien à faire de sa journée s’était à présent trouvé une occupation parfaite, faire du charme à un jeune homme. Seulement, elle l’apprécie donc elle n’a pas non plus envie de faire la pétasse et en plus c’est un ami de son frère. Si elle veut se rapprocher d’Eliott, elle sait qu’il y a toute une série de choses qu’elle peut se permettre de faire et d’autres non. Déjà là s’il rentrait, c’est pas sur qu’il apprécierait la scène… quoi qu’ils ne font rien de mal, à part regarder un film d’horreur dans la pénombre. Y a plus romantique.

Quoi qu’il en soit et sans en avoir l’air, Emily avait tout prévu. Elle s’était assise de telle façon qu’il soit à sa droite et qu’elle ne soit donc pas gênée par son attelle lorsqu’elle ‘devrait’ lui fondre dessus. Le plus dur, à la limite c’est de faire semblant de voir le film pour la première fois. D’autant qu’il a placé son bras de telle façon qu’il soit derrière elle, mais sans pour autant la toucher. Bon, au moins, il ne s’est pas placé le plus loin possible d’elle, à la limite, elle interpréterait bien ça comme de la provocation. Au bout d’un moment, voilà qu’il recommence à ne pas tenir en place. Il est encore pire qu’Eliott (a). Enfin, au moins, il est plus serviable, puisqu’il lui donne à boire sans même qu’elle n’ait rien à demander. Elle but une gorgée, puis redéposa le verre dans la pénombre, faisant mine de ne pas vouloir louper une miette de ce qui se passe à l’écran. Elle espère que les scènes frissonnantes arriveront assez rapidement, comme ça, il y aura un peu d’action. Même dans l’obscurité, elle peut à un moment sentir le regard du garçon posé sur elle. Le plus dur, à ce moment là, c’était de ne pas sourire. C’est quand même très flatteur. Pour le tester encore un peu, elle se met à se mordiller la lèvre soi disant de stress, avant de finalement commencer à s’ennuyer. Elle connait tout un tas de choses qu’ils pourraient faire, dans cette même pièce, s’ils éteignaient la télévision. Seulement, elle n’a pas le droit de faire ça. Et ça doit sans doute être pour ça que ça lui plait autant. Jouer avec le feu, il n’y a rien de plus grisant. Plongée dans ses pensées, elle sursauta réellement lorsque cet abruti de Reese lui cria « bouh ».

« Oh mais t’es complètement stupide ! »

Lui fit-elle, avant de lui donner une tape sur le bras. Elle ne retint pas spécialement son coup, parce qu'il méritait bien ça. En même temps, elle est loin d'avoir une force de mammouth. Pour le coup, elle doit reconnaitre qu'il l'a bien eue, mais elle est loin d’avoir dit son dernier mot.

« Si c’est juste pour que je me rapproche de toi, il suffit de demander, tu sais. »

Nouvelle provocation, accompagnée d’un léger recul de son corps vers celui du meilleur ami de son frère. Oui, ça, elle ne peut mal de l’oublier.

Mon "bouh" fait son effet, elle s'est effrayée ! Oh, je suis trop fier de moi. Elle en profite pour m'insulter de stupide et me donner une tape sur le bras. Je sais semblant de crier de douleur et me tient le bras, me tortillant sur le canapé. Mais ça me fait rire, en fait. Je reprends mes esprits et lui donne une pichenette sur la jambe, histoire de riposter, quand même.

- Si c’est juste pour que je me rapproche de toi, il suffit de demander, tu sais, dit-elle en se rapprochant de moi.

Très bien, si elle veut jouer, on va jouer !

- Si j'avais voulu me rapprocher de toi, j'aurais fait autrement, lui dis-je en murmurant à son oreille.

Je passe mon bras sur ses épaules et la fait tomber sur le côté, la faisant s'allonger sur le canapé. Avec son épaule en moins, c'est pas trop compliqué. Je me mets au-dessus d'elle et pose mes mains de part et d'autre de sa tête, un sourire aux lèvres. Me rendant compte que je vais peut-être un peu trop loin, je me couche littéralement sur elle et tourne ma tête vers la télé, transformant ce top model en lit d'appoint. Je bloque tout de même ses jambes avec les miennes ; c'est elle qui m'a cherché après tout, elle ne va pas s'en sortir facilement.

- Ça va, t'es plutôt confortable.

A vrai dire, ma tête est sur son épaule qui n'est pas abîmée, donc c'est pas l'endroit le plus confortable. Mais si je lui dis ça, ça l'embêtera pas. Et moi, je veux l'embêter. Oui, des fois j'ai l'air d'avoir cinq ans. Je pose mon coude sous ma tête afin de me surélever un peu et de la soulager de mon poids. Elle fait quoi, même pas 50 kilos. Je reporte mon regard vers le film.

- Oh attends, chut, c'est ma partie préférée !

Emily est plutôt satisfaite de voir Reese se tenir le bras suite à son coup. Maintenant, il fait peut-être encore une fois juste le clown, parce qu’elle ne pense pas qu’il aura le moindre bleu. Elle rouspéta lorsqu’il lui donna une pichenette et puis finalement se décida à retourner la situation à son avantage. Elle prétendit qu’il lui avait fait peur dans l’unique but qu’elle se rapproche de lui. En même temps, elle peut le comprendre, le pauvre garçon (a). Par contre, pour le coup, elle ne le voit à nouveau pas venir. Depuis tout à l’heure, il ne réagissait pas vraiment à ses provocations et là, d’un coup, il rentre dans le jeu et lui chuchotte à l’oreille qu’il s’y serait pris autrement, s’il avait voulu se rapprocher d’elle. Curieuse, elle attendit de le voir faire et se retrouva couchée sur le divan en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Difficile pour elle de risposter à une seule main. Pour le sport, elle essaya tout de même de se débattre un peu, et puis aussi pour cacher les battements de son cœur un peu plus rapides dû à ce retournement de situation inatendu. Elle essaye de penser à autre chose qu’Eliott rentrant à ce moment là dans la pièce et les tuant tous les deux. Finalement, Reese se couche sur elle, comme s’il s’agissait d’un coussin et la traite à présent de confortable. C’est toujours mieux qu’estropiée.

« Vas y, mets toi à l’aise ! »

Bien qu’elle essaye de gigoter sous lui pour le dégager, elle était bloquée par ses jambes et finit par s'essouffler. Ca n’était pas la bonne méthode. Elle se mit à réfléchir à comment elle pourrait faire pour s’en débarrasser. Il faudrait sans doute lui faire peur. Elle ne savait pas trop bien comment faire, d’autant qu’à présent, il avait tourné sa tête vers la télévision. Bon, pour le coup, il pouvait se vanter d’avoir pris le dessus sur elle, au sens propre comme au figuré.

« Reese ? »

Elle essaya de recapter son attention en faufilant sa main jusqu’au menton du blond, pour l’obliger à la regarder et à plonger ses yeux dans les siens.

« J’ai terriblement… envie de… »

Elle laissa ses yeux dévier jusqu’aux lèvres du garçon, n’étant tout de même pas sure que dans la pénombre il pourrait réaliser ce qu’elle faisait.

« d’eau. Alors dégage de là, maintenant. J’aime pas être en dessous. »

Bon, j'avoue, y'a plus confortable quand même. Surtout que, en tant que lit, elle est pas censée parler, donc c'est un peu dérangeant. Mais bon. Je souris lorsqu'elle me dit de me mettre à l'aise et ne répond pas, m'affalant encore plus sur elle. Bah quoi, elle m'a donné l'autorisation, après tout ! Je la sens gigoter, j'ai l'impression d'avoir capturé une anguille ou un truc dans le genre. Avec des seins. Et une épaule morte. Soudain, elle m'appelle.

- Hm ?

Oui, les réponses élaborées, c'est pas mon fort. En plus, mine de rien, le film est pas mal. M'enfin. J'aurais pu le regarder, si madame ne m'avait pas choppé par le menton tel un bambin de deux mois avec qui on veut jouer ! Elle me regarde intensément là. Ne panique pas, Reese. De toute façon, c'est toi qui a le contrôle.

- J’ai terriblement… envie de…

Envie de quoi ? Pourquoi elle le dit avec cette voix ? Pourquoi elle me regarde dans les yeux ? Hein ? A l'aide ! Bon, je me suis mis dans cette merde tout seul, parce que je suis trop fort pour me foutre dans la merde, mais quand même !

- d’eau. Alors dégage de là, maintenant. J’aime pas être en dessous.

J'ai presque envie de lui faire un câlin. On a tous les deux nos limites hein, parce que bon, y'a quand même Elliot dans tout ça qu'il faut prendre en compte, et j'ai flippé ma maman qu'elle veuille aller plus loin quand même ! Non mais. Doucement, je me relève et bouge ses jambes pour pouvoir m'asseoir à nouveau.

Et puis je sais même pas quoi lui répondre. SENS DE LA REPARTIE, OU ES-TU ? J'ai dû le laisser dehors. Bon. Allez.

- Je reviens, je vais fumer une clope !

Je me lève et bouge dans la cuisine. J'ouvre la fenêtre et escalade le rebord, laissant mes pieds traîner à l'extérieur. Elliot, t'es où ? Je sors une clope et l'allume, puis ferme les yeux un instant. Je vais pas tarder à partir, je pense. Ça devient insoutenable pour ma libido, tout ça.

Je balance mes jambes dans le vide et les fait rebondir contre le mur, tout en terminant ma cigarette. Je commence à réaliser que je me suis fait avoir, tout de même. Et puis c'est pas une sensation très plaisante. J'envoie ma cigarette je ne sais où, et continue à balancer mes jambes. C'est pas très sain, le petit jeu qu'elle a lancé. Ça peut apporter que des emmerdes de toute façon. J'ai l'impression que si je l'approche, je mets le pied en plein dans les problèmes. Et puis c'est pas vraiment ce que je veux. J'ai quand même une putain d'amitié avec Elliot en jeu. Et puis elle, c'est qui pour moi ? Résigné, je repasse du côté intérieur de la fenêtre et descends du rebord, avant de fermer la fenêtre.

Je retourne dans le salon où madame attend, pas plus perturbée que ça. Je m'assois à côté d'elle, et ne prend pas la peine de la regarder. Elle m'a énervé en fait. En soit, elle a pas fait grand-chose, mais putain, elle profite bien de son physique pour retourner le cerveau des hommes ! Bon certes, je me suis laissé prendre au piège, mais quand même. A la base, je voulais voir mon pingouin, moi. Reese, tu vaux plus que ça, quand même !

- Bon allez, j'vais pas tarder.

Je me relève et lui fait face. Ça m'a beaucoup refroidi tout ça. Je prends mon verre et le coca pour les rentrer dans la cuisine - je suis pas un malpoli non plus, je range mon bordel. Je retourne dans le salon.

- T'as besoin que je te remonte les volets ? Parce que avec ton épaule, tu vas galérer, je pense.

Sans attendre sa réponse, je me dirige vers les fenêtres et commence à laisser la lumière entrer. De toute façon, si elle veut le faire toute seule, elle va finir par perdre son bras. Ça doit être dégueulasse, brr. Je secoue la tête et pense à autre chose. Une raison plausible pour partir comme ça, peut-être.

- J'ai reçu un sms de ton frère, il m'a dit de le rejoindre. Et vu qu'à la base j'étais venu pour lui, j'y vais.

Je lui souris. Qu'elle comprenne que Elliot passe avant elle, et bien avant. Bien sûr, c'est faux, j'ai rien reçu de lui. Ce fourbe m'a toujours pas donné de nouvelles. Mais elle a pas besoin de le savoir.

Pour la brune, les hommes, c’est un vrai jeu. La règle est simple, se prouver qu’elle est la plus belle du monde. Preuve en est lorsqu’aucun d’entre eux ne lui résiste. La meilleure partie pour elle, c’est celle de la chute. Étonnement, elle ne préfère pas le moment où elle passe à l’acte, mais bien celui où elle sent que l’homme est sur le point de craquer. C’est à ce moment là qu’elle se sent surpuissante, qu’elle a l’impression que rien ni personne ne peut l’arrêter.

Perdue dans ses pensées, elle faisait finalement fort peu attention au film qu’elle connaissait déjà. Au bout d’un temps, Reese refit son apparition dans le salon. Elle avait presque cru qu’il s’était enfui en courant. Elle ne leva même pas les yeux de l’écran, tout en se demandant quelle serait la suite du programme. A dire vrai, elle est un peu lassée pour aujourd’hui, mais qu’il revienne demain, ils pourront rejouer. Visiblement, il était tout aussi agacé qu’elle puisqu’il lui annonça qu’il allait s’en aller. Jusqu’au bout il se décida à la prendre pour une empotée qui ne savait rien faire avec son épaule en écharpe. Voilà la raison pour laquelle elle sort sans son attelle : pour ne pas être infantilisée. Hors de question qu’elle le remercie de la prendre pour une gosse. Au contraire, elle le regarda avec un petit sourire satisfait. Elle l’a fait fuir, preuve qu’elle lui fait peur. Et si elle lui fait peur, c’est qu’il n’est pas si au clair que ça. Du moins, c’est de cette manière qu’elle voit les choses.

« Ok, super. Dis lui de pas rentrer trop tard, sinon papa va criser. »

Lança-t-elle le plus naturellement du monde, comme si elle n’en avait rien à faire qu’il se barre. En fait, elle n’en a rien à foutre. Elle va pouvoir reprendre un anti-douleur et se marrer devant les scènes gores. Cependant, elle ne peut pas réagir comme ça face à lui, du coup, elle prit son air le plus charmant pour lui souffler :

« Merci pour la visite en tout cas, c’est sympa. »

Sourire ultrabright.

Ah, j'ai peut-être vexé madame, à parler de son épaule blessée, à chaque fois. C'était pas intentionnel. Bon, un peu, peut-être. Mais sinon, je voulais seulement rendre service ! Les volets sont tous remontés, mon travail est accompli, et je ne suis même pas remercié. Bah, c'est Emily, après tout. Je soupire et me retourne vers elle, invoquant l'excuse du sms d'Elliot pour partir.

- Oui, je lui dirais.

Je tâte mes poches afin de vérifier que j'ai rien oublié, jette un coup d'oeil sur le canapé et dans la cuisine. Apparemment, tout est bon ! Je reviens dans le salon, et me poste en face d'elle.

- Bon, bah à bientôt, du coup. J'espère que tu guériras rapidement.

Elle me remercie pour la visite, je lui souris et commence à sortir. Soudain, je m'arrête. Enfin, je vais pas me laisser marcher sur les pieds par un vieux mannequin, quand même ? Elle m'a traité comme un gamin, j'suis pas un gamin ! Bon, je pourrais taper du pied à ce moment-là, mais ça ne veut rien dire. Je suis bien plus mature que cette fille qui vend son corps pour se faire des millions, quand même.

Je reviens dans le salon, décidé à lui dire tout ce que je pense. C'était déjà un très mauvais réveil, et j'ai toujours dit que le réveil annonçait mon humeur. Bah voilà, je suis de mauvaise humeur. Et vu qu'Elliot est pas là - quoique s'il avait été là, j'aurais passé une bonne après-midi -, eh bien ça tombe sur Emily. Je m'excuserais plus tard.

- Tu veux que je te dise ? Tu te crois super mature, parce que madame travaille, madame voyage, madame gagne beaucoup d'argent, tout ça. Mais crois-moi, de toute ta vie, je pense que t'as pris aucune leçon. T'as toujours eu une situation confortable, t'as été le premier enfant, celui qu'on pourrit le plus. Alors niveau maturité Em, je pense valoir bien plus que toi.

Je reprends ma respiration et reprend ma tirade. Bah ouais, j'suis bien parti, là.

- Ce qui m'énerve dans tout ça, c'est que tu te permets de prendre les gens de haut. Tu te crois peut-être super célèbre, mais crois-moi, peu ont une bonne opinion de toi, tu sais. Alors tu dois t'en foutre, ça doit te passer bien au-dessus, mais un jour, t'y repenseras, et j'te jure que t'auras plus une aussi grande opinion de toi-même. Donc ton ego, tu peux te le mettre où je pense, pour rester poli. Et encore, je suis même pas sûr qu'il y rentre.

Si la première partie de leur rencontre fortuite s’était plutôt bien passée, il en était tout autrement de la fin. Emily s’était légèrement laissée déboussolée, avant de finalement reprendre le contrôle de la situation. Du coup, ça n’avait pas plu à Reese qui s’était presque enfui, avant de finalement venir signaler qu’il partait. Quel drôle de garçon. Quoi qu’il en soit, elle resta imperturbable et le salua de manière très polie. Elle sait qu’ils vont être amenés à se revoir et peut être que s’il est mieux luné, ils pourraient même se remettre à jouer. Ce n’est pas parce qu’ils en ont assez pour aujourd’hui qu’ils en ont assez pour toujours.

« Merci, c’est gentil. »

Si elle manquait de confiance en elle, elle se demanderait s’il avait souhaité qu’elle guérisse vite pour qu’elle reparte vite. Emily sait que c’est impossible qu’il ait pensé ça. Ou alors c’est qu’il craint de craquer trop vite si elle ne s’en va pas. Pauvre petit chou, va. Voilà qu’il s’en va enfin, alors qu’elle prend ses aises dans le divan, ramenant ses pieds sous elle. La mannequin n’a pas le temps de dire ouf que le blondinet fait son come back. Il est carrément imprévisible. A tel point que voilà qu’il se met à se fâcher sans raison, comme ça, d’un coup, sans crier gare. Surprise, elle ne peut s’empêcher de sourire et se mort la lèvre pour ne pas lui donner l’impression qu’elle se moque de lui… bien qu’elle le trouve pour le coup ridicule. Voilà qu’il comparait sa maturité à la sienne. Excellent, d’autant qu’elle ne l’a jamais insulté verbalement à ce niveau là. Qu’est ce qui peut bien lui passer par la tête pour qu’il ressente toutes ces choses avec le peu de paroles qu’ils ont échangé ?

Plutôt que de s’énerver sur lui, ce qu’elle aurait fait s’il lui prenait vraiment la tête, la brune se contenta de se lever, déjà pour qu’il arrête de la toiser de si haut, puis, dans un sourire compatissant, elle ajouta :

« Je suis vraiment désolée si tu n’a pas apprécié que je repousse tes avances, mais… je pensais qu’on était juste amis, je ne voulais pas te vexer, tu sais. »

Jouer à l’idiote était certainement la chose qui allait le plus énerver le garçon… et le plus l’amuser, elle.

Ce qui m'énerve dans toute cette histoire, c'est que j'ai perdu tous mes moyens l'espace d'un instant pour une fille qui se fout de ma gueule. Sa voix fluette et charmeuse, ça va une fois. Après, ça devient presque un manque de respect - elle se fout de ma gueule ouvertement. Alors je décide de lui dire ce que je pense d'elle, et elle, elle continue à se foutre de ma gueule. Cette femme est une peste, et je reste gentil. Très gentil. Je me pince le nez, il ne faut pas que je m'énerve un peu plus, sinon je ne réponds plus de moi, donc bon. Le pire, dans tout ça, c'est que je suis certain qu'elle ne verra pas sa faute là-dedans. J'ai peut-être 24 ans - seulement -, mais il n'empêche que le respect c'est primordial, je pense.

- Laisse tomber, tu veux. Tu n'en vaux même pas la peine. Et arrête avec ton attitude de "je suis innocente, je n'ai rien fais, je ne te veux que du bien".

Soudain, j'entends la porte d'entrée s'ouvrir. Je m'éloigne d'elle et commence à partir, avant de m'apercevoir que Elliot est enfin là. S'il avait été là depuis le début ce pingouin il m'aurait évité des problèmes quand même ! Il nous dévisage ; en même temps, ça doit être inhabituel pour lui de voir sa soeur avec son ami s'engueuler. M'enfin.

- Je t'expliquerais plus tard. Je t'appelle dans la soirée.

Je le bouscule un peu pour sortir, m'excuse et m'extirpe enfin de cette maison. Une clope, il me faut une clope. Et puis une bière.

L’après-midi prenait une tournure inattendue, d’autant qu’Emily ne s’attendait pas à avoir de la visite. Elle avait été contente, puis amusée et maintenant elle était complètement surprise, mais toujours amusée. Tout un tas de questions défilaient dans sa tête. Comment est-ce que Reese pouvait être fâché à ce point-là sur elle ? Elle n’a rien fait de réellement répréhensible. Et s’il lui en veut juste parce qu’elle l’a dragouillé puis qu’elle s’en est « débarrassée », il a un égo encore plus surdimensionné que le sien. Le voir s’énerver en apprend encore un peu à la brune sur les comportements masculins et l’intéresse, à dire vrai. Du coup, elle n’hésite pas à en rajouter une couche en s’excusant de ne pas s’être offerte à lui sous prétexte qu’ils sont juste amis.

Elle s’apprêta à répondre à Reese qui était en partance lorsque son sang se glaça. Eliott venait de faire son entrée dans la pièce. Pour le coup, la situation n’avait plus rien d’amusant. Il est évident qu’entre sa sœur et son meilleur ami, il reprendra pour son pote et à cause de se crétin ses tentatives de rapprochements vont toutes foirer. Elle en perdit d’ailleurs son sourire. Une fois débarrassée de Reese, elle éteignit la télévision et avança vers son frère, qui bloquait le chemin vers le couloir.

« Les hormones de ton pote lui jouent des tours. C’est lui qui me retourne sur le divan et c’est moi la peste. »

A son tour, elle passa à côté d’Eliott et se dirigea vers les escaliers pour monter dans sa chambre. Ca y est, elle est de mauvaise humeur. Alors que tout avait si bien commencé.

«Et la prochaine fois, dis lui de frapper, j'pourrais me balader toute nue dans la maison si je voulais.»