I'm not drunk. You're just blurry [Terminé]

Le mal du pays. Aly s'est toujours interrogée sur cette expression, pour en comprendre le vrai sens. C'est évident, bien sûr. Souffrir de la distance avec son pays d'origine. Mais, ses vraies questions se portent sur le sens profond. Le pourquoi du comment. Pourquoi après tout ce temps elle arrive encore à se sentir comme ça. L'Angleterre est un pays formidable. C'est là qu'elle a grandit. Elle y a passé les dix-huit premières années de sa vie. Elle a apprit à parler et à marcher là bas. Elle a eut ses premières histoires d'amour, aussi...Mais avant tout, il y a sa famille. C'est probablement ça qui lui fait le plus mal. Elle est loin de tout ce qui constitue ses origines, ses bases, ses liens familiaux. Heureusement, depuis quelques semaines, Juliana est là, elle-aussi. Mais sa présence lui fait autant de bien qu'elle ne la renvoi son mal du pays en pleine face.

La journée s'est pourtant bien passée. Rien qui puisse la mettre dans cet état. Elle s'est occupée une partie de la matinée avant de se rendre à la radio pour prendre l'antenne. L'émission s'est bien déroulée, sans encombres. Elle s'est même amusée, comme chaque jour. Elle aime son boulot plus que tout. Ses auditeurs sont de vrais trésors, ils la font rire, parfois même malgré eux.

Nostalgique et plongée dans ses souvenirs, Alyssa n'a pas envie de rentrer chez elle, ce soir. Elle a besoin de réconfort, ou d'oublier, bêtement. C'est comme ça qu'elle se retrouver au Shelter. Ce bar n'a plus de secrets pour elle, elle est une habituée maintenant. Elle connait du monde là bas, jusqu'au personnel ! Dan, le barman, est un mec vraiment sympas. L'autre soir, il lui a filé un coup de main pour déplacer des cartons. Le saluant d'un sourire, elle s'installe un peu en retrait après avoir commandé un gin tonic. On lui sert rapidement, elle ne se fait pas prier avant de le commencer. Rapidement, elle arrive à la fin et en commande un second. Elle n'est pas une adepte des plans comme ça. Se bourrer la gueule dans un bar, seule, pour oublier une espèce de chagrin idiot. Pourtant, c'est bien ce qu'elle fait. Elle n'est pas ivre, , elle boit assez lentement et se goinfre de bretzels, le regard dans le vide.

Christopher lui a parlé d'un trousseau de clefs, ou quelque chose comme ça... Une chose qu'il a oubliée, ou faite tomber la dernière fois qu'il est venu au Shelter. Et bien évidemment, c'est Morgan qui se coltine le trajet à pied jusqu'à cet établissement qu'il ne connaît pas pour retrouver ces maudites clefs. Il ne sait même pas ce qu'elles ouvrent, il n'a pas eu le temps de demander. Chris devait voir des amis ce soir, un truc comme ça. Alors il a demandé au britannique d'aller y faire un tour et avant même qu'il n'ait pu refuser ou dire quoi que ce soit, il était déjà parti. C'est à présent au moins la troisième fois que le jeune homme se demande ce qu'il fout là. Il n'est pas un habitué des bars, la moindre goutte d'alcool le rend saoul, et il se sent toujours comme épié quand il y va en soirée. Comme aujourd'hui.

Sauf qu'aujourd'hui, il a une bonne raison d'être là. S'il s'est finalement rendu au bar, c'est parce qu'il n'avait rien d'autre à faire, et qu'il avait été le nez dans les bouquins toute la journée. Alors les cours, ça va deux minutes, mais pas 24h/24. Il est humain, on a tendance a l'oublier. Reléguant le soupçon de timidité qui lui gâche la vie, il s'approche du comptoir, demande au barman s'il n'aurait pas croisé des clefs abandonnées qui se baladaient, est infiniment soulagé lorsqu'on lui répond par l'affirmative, et remercie sans avarice quand il a enfin les clefs en main. Au moins, Christopher n'aura pas à se plaindre, Morgan il y est allé et a retrouvé ces foutues clefs. Si elles n'y avaient été, par contre, il aurait encore trouvé le moyen d'être irascible. Enfin, le brun n'a plus à s'en faire.

Alors qu'il se détourne cependant pour reprendre le chemin de la sortie, son regard tombe sur une jeune femme. Seule, face à verre et des bretzels. Il ne sait pas ce qui lui a prit, mais quelques instants plus tard et le voilà à deux pas à peine de l'inconnue. Son instinct lui a dit de venir lui parler, parce qu'elle en a visiblement besoin, alors il l'a écouté. Marchant pas mal à l'instinct, Morgan se retrouve parfois dans des situations étonnantes, avec des coïncidences effarantes. Or cette jeune femme-là, il a l'impression de pouvoir lui venir en aide. Un sixième sens, appelez ça comme vous voulez.

— Bonsoir... Vous allez bien, mademoiselle ? demande-t-il avec un léger air inquiet.

Elle n'a pas vraiment la tête d'une madame. Le jeune homme ne lui donnerait certainement pas la trentaine, loin de là. Il est parfois timide, mais lorsqu'il veut, ou n'y fait tout simplement pas attention, il peut adresser la parole à des inconnus dans la rue pour des raisons diverses et variées. Tant qu'il ne prend pas le temps de réfléchir en fait.

Alyssa n'a pas souvenir de s'être sentie aussi déprimée. Sa famille lui manque, ses amis d'enfance lui manquent. Et paradoxalement, ici, elle se sent chez elle. Ses parents désapprouvaient complètement son idée de quitter Oxford pour la Californie mais elle ne leur a pas vraiment laissé le choix. Elle voulait leur prouver qu'elle en était capable. Ses études ont été un véritable échec mais pas parce qu'elle était mauvaise, elle s'est juste trouvé une autre vocation en route. Cette idée non plus n'a pas tellement été appréciée de ses parents qui n'ont pas cessé de lui dire à quel point elle faisait les choses dans le désordre. Mais elle l'a pourtant fait. La distance aidant à prendre ses propres décisions, peu importe l'approbation ou non des parents. Quand elle pense à l'Angleterre, elle a parfois envie d'y retourner, mais seulement quelques jours. Quitter l'Amérique lui fait peur, maintenant. Elle a peur de réaliser que tout ça n'était qu'un rêve et qu'Oxford est sa réalité. Elle ne veut pas quitter son rêve, même si certaines choses lui manquent, parfois.

Le regard dans le vide, un bretzel au bord des lèvres, elle sursaute légèrement quand elle entend qu'on lui adresse la parole. Relevant les yeux, elle se demande si c'est bien à elle qu'il s'adresse. Elle ne le connait pas, il fait peut-être erreur ? Les sourcils froncés, elle se demande un instant qu'elle tête elle doit avoir pour qu'il lui demande ça. Est-elle si déprimée que ça se porte sur sa gueule ? Creepy. Elle a certes le mal du pays, mais elle n'est pas au bord du gouffre non plus.

« Oui, oui, ça va. Je pensais, c'est tout...»

Répond-t-elle sans trop s'éparpiller. Elle ne comprend déjà même pas pourquoi ce jeune homme lui adresse la parole. A-t-elle l'air d'une demoiselle en détresse ? Aucune idée. Elle a juste envie de rester dans son coin, à penser, laisser l'alcool la rafraîchir et l'aider à se sentir un peu mieux. Elle ne veut surtout pas qu'on ait pitié d'elle, elle aimerait juste qu'on passe à côté d'elle sans la voir. Pour une fois dans sa vie, elle aimerait bien être transparente.

Morgan fait toujours les choses par instinct. Parfois ça marche, parfois non. C'est du quitte ou double. Il ne réfléchit pas la plupart du temps. Comme ce soir, alors qu'il est seulement venu récupérer des clefs, son regard tombe sur une jeune femme plutôt mélancolique. Il l'aborde, lui demandant si ça va. Il ne la connaît pas, elle ne le connaît pas. Peut-être que son air dans les nuages n'ai pas du à quelque chose de grave, peut-être même attend-elle tout simplement quelqu'un. Mais ça ne l'a pas empêché de lui adresser la parole. L'instinct. Encore.

En l'entendant parler, il a une impression de déjà-vu. Elle lui dit que ça va, qu'elle ne faisait que penser, mais ça n'est pas vraiment ce qu'on lit sur son visage. Et ça n'est pas vraiment non plus ce qui retient l'attention de Merlin. En fait, pendant quelques instants, il se demande même s'il n'a pas rêvé. Il la fixe durant quelques petites secondes puis, ses pensées passant totalement à autre chose, ses paroles suivent le fil. Il n'a soudain plus grand chose à faire de l'état émotionnel de la jeune femme, il veut juste une reponse.

— Vous ne, vous n'êtes pas originaire d'Angleterre ? Par hasard... ? demande-t-il simplement.

L'accent. Il le repérait déjà avant, de temps en temps, mais depuis la remarque de Samantha sur le sien, il y fait nettement plus attention. Là, il dirait que cette femme a vécu de nombreuses années en Angleterre, sans être sûr de rien. L'instinct, sans doute. Ce n'est pas dit qu'il ne se trompe pas. Mais justement, il préfère être assuré d'une chose que de partir sur de mauvaises bases. Lui n'y a pas vécu énormément, mais tout ce qui se rapporte à sa Grande-Bretagne natale attire son attention. C'est comme ça.

Pensive, le regard dans le vide, Alyssa se pose tout un tas de questions, sans aucun rapport les unes avec les autres. Elle essaye juste de penser à autre chose qu'aux choses et personnes qui lui manquent. Et pour le moment, ça ne fonctionne pas. Ça semble se repérer de loin puisqu'on l'aborde pour s'assurer qu'elle va bien. Sortant de sa rêverie, elle lâche le bretzel qu'elle avait en main et tourne le regard vers le jeune homme qui l'aborde. Une personne qu'elle n'a jamais vu avant ce jour. Elle ne comprend même pas pourquoi il lui parle ni pourquoi il s'inquiète de savoir si elle va bien ou non. Du coup, ça la perturbe un tantinet. Elle répond vaguement, ne voulant pas en dire trop à cet inconnu. Son mal du pays ne regarde qu'elle.

A moins que. Le jeune homme repère tout de suite son accent, ce qui la surprend. Enfin, pas qu'il l'ait repéré, mais qu'il lui en parle. La plupart des gens le remarquent sans lui faire la réflexion, mais là, il lui parle tout de suite de l'Angleterre. De quoi la déprimer un peu plus. Oui, elle est originaire de Grande-Bretagne, et c'est justement pour ça qu'elle est dans cet état ! Elle grimace légèrement en prenant son inspiration un peu plus fortement, comme blasée de devoir répondre à la question.

« Oui, c'est bien le cas. »

Répond-t-elle en baissant les yeux vers son vers à moitié vide - ou à moitié plein, ça dépend comment vous voyez les choses. Elle n'a pas soif mais elle a subitement envie de boire d'une traite toute la boisson qui reste dans son verre. Son regard se relève vers l'inconnu. Curieuse.

« Pourquoi cette question ? »

Morgan a vu juste, la jeune femme est bien originaire d'Angleterre. D'ailleurs, c'est bien ce qu'il semble la tracasser. Son attitude donne l'impression que répondre à cette simple question la blase au plus au point. Serait-ce ce qui la déprime ? Le jeune homme se demande un court instant si ce n'est donc pas le mal du pays qui la tracasse. Mais puisqu'ils viennent tout deux du même coin du monde, Merlin se sent soudain moins seul. Un sourire apparaît automatiquement sur ses lèvres. Une compatriote. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas rencontré quelqu'un étant né et ayant vécu en Angleterre. Un soupçon de nostalgie se pointe dans sa poitrine, cependant, il sait qu'il y retournera, que ce n'est qu'une question de temps, alors il passe facilement outre.

— J'en étais sûr, s'exclame-t-il pour lui-même.

L'avoir fait remarquer à cause de l'accent ne le dérange pas. Il n'a jamais eu de problème avec le politiquement correct, étant donné qu'il ne connait pas ce principe. La plupart du temps, il dit ce qui lui passe par la tête et n'hésite pas à poser des questions lorsqu'il souhaite une réponse. Pour le coup, même s'il doutait fortement d'une réponse positive, il a préféré demander. Et puis, recroisant son regard, c'est la jeune femme qui décide de poser une question : pourquoi. Pourquoi ça l'intéresse de savoir ça ? Il aurait presque l'impression que c'est un reproche.

— Hé bien, parce que moi aussi ! Tout simplement, sourit-il. Je ne pensais pas rencontrer un, ou une, britannique à Shady Cove en fait.

Il se passe une main dans les cheveux, recoiffant quelques mèches. Il place ensuite ses mains dans les poches de son jean, rangeant les clés du même coup. Ses yeux reviennent se placer sur la jeune femme, réaffirmant son sourire. Il a encore pas mal de chose à demander, à vrai dire, mais il commence par le commencement, avec politesse et réflexe. Il est sociable quand il veut, toujours sympathique aussi. Et puis, entre compatriotes...

— Je m'appelle Merlin, et vous ?

Alyssa est habituée, depuis six ans qu'elle vit sur le sol américain, à ce qu'on lui pose la même question sur son accent. Elle ne comprend pas cette obsession que les gens ont à lui faire remarquer qu'elle a un accent et qu'elle est étrangère. Pas qu'elle renie ses origines, mais c'est frustrant à force. La plupart des gens lui posent la question innocemment, parce que ça intrigue, puis d'autre, par intérêt pour la demoiselle, se fichant bien de ses origines. Toujours est-il que, peu importe la raison, elle se sent parfois un peu "rejetée", comme si on lui renvoyait à chaque fois à travers cette question, le fait qu'elle ne vient pas d'ici. En général, elle s'en fou, mais des fois, ça l'agace sérieusement, surtout depuis qu'elle a officiellement la nationalité. Cette fois encore, elle se sent encore un peu plus nostalgique quand l'inconnu lui pose la question, mais, pour une fois, elle décèle une raison différente dans sa question, ce qui attise pas mal sa curiosité, ce qui la pousse à lui poser la question, à savoir pourquoi il lui demande ça.

A sa réponse, les yeux de la brune s'arrondissent d'étonnement. Elle n'a même pas remarqué son accent à lui. Mais ce n'est pas ce qui l'étonne le plus. Juste le fait d'avoir un britannique face à elle, ici, à Shady Cove. Elle qui se pensait la seule. Un sourire soulagé se promène désormais sur ses lèvres.

« C'est vrai ? Moi non plus je ne pensais pas...! »

Admet-elle, toujours aussi surprise par 'l'aveu' du jeune homme. Ça n'atténue en rien la nostalgie qu'elle a en cet instant, mais elle se sent un peu plus légère. Elle se dit que ce jeune homme doit bien être victime du mal du pays lui aussi et qu'il doit bien y avoir quelques sujets de conversation qu'ils peuvent aborder entre eux, sûrs de comprendre entre compatriotes.

« Alyssa, mais vous pouvez m'appeler Aly. »

Se présente-t-elle dans un nouveau sourire. Réalisant son impolitesse en voyant le jeune homme debout, elle se pince doucement les lèvres.

« Ne restez pas debout, vous pouvez vous asseoir à ma table si vous voulez...»

Morgan a l'habitude d'être toujours un étranger. Depuis qu'il a quitté l'Irlande, il ne s'est jamais plus vraiment senti chez lui. En Bretagne, il avait bien eu l'impression de retrouver un chez lui, mais aux États-Unis, ce n'est pas trop ça. On lui a souvent fait remarquer qu'il n'était pas du coin, mais ça ne lui faisait rien. Il ne peut rien y changer. Il a bien la nationalité américaine par sa mère, mais il ne se sent pas plus américain pour autant. Pour lui, il est britannique, même s'il y a à peine passé la moitié de sa vie, alors que les jeunes de son âge, au collège et au lycée, le rejetaient pour ça, il n'en avait rien à faire. Ça ne le touchait pas. Encore une fois, il n'y pouvait rien. En revanche, curieux, il aime bien savoir si la personne en face de lui est anglaise, irlandaise, écossaise, galloise... C'est plutôt rare, alors il est toujours heureux de rencontrer un de ces exilés.

Et cette fois-ci ne fait pas exception. La jeune femme a l'air aussi étonnée que lui d'ailleurs. Et soulagée. D'un coup d'un seul, grâce à quelques mots, son humeur s'est renversée. Elle est passée de morose à souriante. Elle aussi se croyait seule britannique de la ville. Fait est que non, depuis que Merlin est là. Le jeune homme se présente d'ailleurs sous ce nom, par réflexe, puis apprend le prénom de l'inconnu plus si inconnue que ça. Celle-ci l'invite ensuite à s'assoir. Il jette un rapide coup d'oeil à la chaise désignée, commence par vouloir dire que ce n'est pas nécessaire, surtout si elle attend quelqu'un. Chose dont il ne sait absolument rien, au final. Mais en comprenant qu'Alyssa est sincère, et sérieuse, il acquiesce.

— Oh, oui, si vous voulez, accepte-t-il. Je ne vous dérange pas au moins ?

Il prend donc place à la table de la jeune femme. S'il avait pensé à ça en abordant Alyssa, il se serait pris pour plus fou qu'il ne l'est déjà. Par hasard en plus. Tout basé sur du hasard, c'est étonnant. Finalement, il devra remercier Christopher d'avoir oublié ses clés dans le bar. C'est un peu grâce à lui. Et puis, Morgan aurait pu passer la soirée tout seul, mais il préfère être en compagnie d'Aly, bizarrement. Il a eu sa dose de solitude. Mais passons à un sujet infiniment plus intéressant : l'Angleterre. Et donc...

— Ça fait longtemps que vous êtes aux États-Unis ? demande-t-il de but en blanc après un court silence.

Trois mots pour définir le brun : curieux, vif, et... curieux.

Alyssa n'était pas du genre à croire au hasard. Enfin, ça dépend de son humeur et des événements. Elle y croit quand elle veut, disons. Ce soir, elle serait plutôt du genre à y croire. Depuis qu'elle vit à Shady Cove, elle n'a pas eut l'occasion de rencontrer d'autres britanniques, et ça ne l'étonne pas tant que ça. Shady Cove est une petite ville. Pas le genre de ville dont on entend beaucoup parler et donc, pas le genre de ville où on s'installe par désir quand on débarque dans un pays inconnu. Dans l'esprit d'Aly, en tout cas. Elle, elle rêvait des grandes villes, celles dont elle avait entendu parlé. Alors quand on lui a proposé un poste ici, elle a eut un peu peur. Elle s'attendait à se retrouver en rase campagne mais en visitant, elle a été charmée par le coin. Cela dit, si on ne lui avait pas proposé de job dans le coin, elle ne se serait probablement jamais intéressée à cette petite ville. Elle suppose donc que c'est le cas d'un tas d'autres personnes. Jusqu'à aujourd'hui, ça ne l'étonnait pas d'être la seule anglaise à s'être installée ici. Mais jusqu'à aujourd'hui, elle se trompait.

Tout à coup, elle se sent comme reboostée. Elle a cette soudaine envie de parler, de faire la conversation. Elle se dit que, lui mieux que personne dans le coin, peut partager des choses avec elle sur leur pays d'origine, même si elle n'a pas tellement envie de passer sa soirée à parler de l'Angleterre. Réalisant qu'elle est assise et lui debout, elle désigne la chaise en face d'elle et l'invite à s'y asseoir, par politesse.

« Non, vous me dérangez pas. C'est mieux que de boire seule ! »

Répond-t-elle dans un sourire un brin gêné. Boire seule, comme ça, ça ne lui ressemble pas des masses. Elle trouve ça triste, en fait. Enfin, il y a boire seule et boire seule. Il lui arrive de passer boire un verre ici, seule, mais elle retrouve les habitués, ou des personnes qu'elle connait. Ainsi, elle n'est jamais vraiment seule. Et puis, il y a des soirs comme ça où elle s'isole et boit en broyant du noir. A la question du jeune Merlin, Alyssa se redresse et, dans un petit sourire, se décide à répondre.

« Ça fait neuf ans. Et vous ? »

Le rêve américain pousse davantage à aller dans les grandes villes. Ce sont elles qui attirent le plus, avec l'emploi, l'idée que l'on en a de l'extérieur, tout ça... Morgan en a fait l'expérience. New-York ou Los Angeles attirent bien plus que le petites villes tout aussi charmantes du genre de Shady Cove. En fait, on atterri dans ces villes plus par hasard qu'autre chose, lorsque l'on est né dans un autre pays. a moins de connaître déjà l'endroit, ça n'est pas vraiment par choix que l'on s'installe ici. Pas étonnant donc qu'il n'y ai pas tant de de personnes nées hors territoire que cela. Pourtant, Shady Cove ne manque pas d'atouts. Au final, cette ville est très américaine. Et si on est totalement étranger, que l'on est même pas aux États-Unis depuis longtemps, on doit moins bien s'intégrer que quelqu'un qui débarque de l'autre bout du pays.

Alyssa, ayant regagné de l'énergie par le simple fait qu'elle ait appris les origines de Merlin, l'invite à s'assoir. Ce qu'il fait bien entendu. Elle précise qu'il ne la dérange pas et que, au contraire, elle préfère cela que de boire seule. Le jeune homme lui sourit en réponse, ravi d'avoir pu la sauver de sa solitude. Il n'est pas gêné de passer un moment de sa soirée avec une jeune femme qu'il n'a rencontré que quelques minutes auparavant. Il est certes, un peu naïf, mais Aly ne lui paraît pas le moins du monde dangereuse. Et puis, elle est anglaise, et rien que ça est un bon argument pour rester discuter. Il ne la juge pas sur le fait qu'elle boive, elle est maître de ses actes. Morgan évite l'alcool car, en plus de n'y trouver aucun intérêt particulier, est très vite soul. Et mieux vaut prévenir que guérir. Mais les autres font bien ce qu'ils veulent. Il lui pose alors une question, relançant la conversation.

— En tout, plus d'une dizaine d'années, onze ou douze je dirais, répond-il à son tour en souriant.

Il n'a jamais tenu un compte précis. Il n'a jamais vraiment calculé en fait. Il a passé trois ans à Seattle, puis une coupure de deux ans en France, puis New-York et enchaînement avec d'autres grandes villes américaines. En fin de compte, il a passé plus de temps sur le sol américain qu'ailleurs. Relativement peu de temps dans chaque ville, mais à l'échelle du pays, si. Cela lui fait bizarre de se dire ça, puisqu'il ne se considère pas comme américain. Il en a les droits, mais cela s'arrête là. Il n'a pas vraiment d'attachement au pays. Sans doute que son séjour morcelé en plusieurs villes lui a donné cette impression de ne s'être vraiment enraciné nulle part.

— Oh et, pourquoi être venue à Shady Cove ? Et aux États-Unis tout court d'ailleurs. Est-ce le rêve américain ? demande-t-il avec un peu d'amusement, mais sans moquerie aucune.

Cela le fait juste rire, ce terme. Comme si les USA était le pays des miracles.

Le rêve Américain. Oui, c'est un peu ça. Depuis gamine, elle ne saurait expliquer pourquoi, mais elle a toujours été fascinée par les Etats-Unis. Quand elle regardait des films ou des séries américaines, elle se disait qu'un jour elle aussi vivrait dans cette ambiance, dans ces décors...Elle qui aime vivre et s'amuser, c'est l'image qu'elle avait de ce pays. C'était une association : USA = fiesta. Pourtant, il n'y a pas que ça. Maintenant qu'elle connait un peu, elle peut faire d'autres associations d'idées comme USA = malbouffe ou encore USA = insécurité. Mais soit, ce sont d'autres histoires. Toute son adolescence, elle rêvait de ce pays, d'y voyager, d'y vivre. Elle aurait adoré y vivre son secondaire et vivre les bals de promo, les cérémonies de remise de diplôme...Elle n'a malheureusement pas eut cette chance mais elle conservait son rêve bien au fond de son coeur et a économisé chaque livre pour se payer le voyage de ses rêves. Elle pensait à un road trip, au début. Ou quelque chose de ce genre. Mais en découvrant ses notes et ses aptitudes, elle a eut envie de tenter sa chance dans une université américaine, bien que peu convaincue.

Elle se sent mieux depuis qu'elle sait que l'inconnu, qui répond au nom de Merlin, est lui aussi Britannique. Ça leur fait un point commun. Un rare point commun dans un petite ville comme Shady Cove. Des Britanniques, elle en a rencontré quelques uns pendant ses études à Duke et même pendant sa vie à Los Angeles, mais ici, beaucoup moins. Un seul, en fait. Merlin.

« Et vous avez toujours vécu ici, à Shady Cove, ou ailleurs ? »

Elle se doute que non. Bien qu'elle adore cette petite ville tranquille, ce n'est pas le genre d'endroit où l'on débarque par choix mais plutôt par hasard parce que le destin nous y amène. Elle-même est venue ici pour une raison bien précise : son boulot. Sans ça, elle n'aurait probablement jamais entendu parlé de cette ville et n'aurait jamais rencontré les personnes qui y vivent, ni les amis qu'elle s'y est fait.

« J'ai fait mes études à l'université de Duke. J'ai toujours rêvé de venir aux USA et c'était l'occasion parfaite de le faire ! Et, je suis arrivée à Shady Cove par hasard, on m'a proposé un boulot ici que je pouvais pas refuser ! ^^ »

Elle se demande un moment s'il sait qui elle est. Il n'a pas l'air vu qu'il n'a pas réagit quand il a entendu son prénom. Pourtant, ici, peu de gens ignorent qui elle est, mais d'un côté, ce n'est pas plus mal qu'il l'ignore.

— Non, je viens d'arriver en fait. Avant, j'ai vécu à Seattle, New-York, Washington, Miami, Chicago et Los Angeles, explique-t-il simplement en réponse à la question de la jeune femme.

Cela fait long comme CV. Et encore, ce n'est que la partie américaine. Morgan n'a jamais vraiment voulu venir aux USA. Il a seulement suivi ses parents. Il a donc connu les États-Unis dès ses 8 ans. Il n'a pas d'illusion sur ce pays. Il le connaît, il sait la réalité du le port d'arme, de l'insécurité dans les grandes villes, de la pauvreté des uns et de l'aisance des autres. Alors il s'amuse simplement de cette utopie de "rêve américain". Les séries et les films montrent une image plus édulcorée des grandes villes attirantes. Et les petites villes sympathiques comme Shady Cove sont plutôt laissées de côté.

Le jeune homme demande justement à Alyssa pourquoi elle est venue aux US. Elle raconte que c'était son rêve, elle en a profité pour faire ses études. Comme il fallait si attendre, son arrivée à Shady Cove est fortuite, due au travail. Ce n'est pas plus mal, sans cette mobilité, les étrangers ne verraient pas plus loin que le bout de leur nez. Mais si elle ne pouvait pas refuser cet emploi, c'est presque normal. Il n'y a pas de place pour tout le monde, même dans les grandes villes eldorado. Une autre question maintenant :

— Ah, et c'est quoi comme boulot ? demande-t-il, curieux.

Il a déjà entendu parler de Duke, et si elle est arrivée à y entrer, c'est qu'elle s'est donné les moyens de réussir. Il a donc en face de lui une jeune femme britannique belle et intelligente. Ça lui suffit pour l'apprécier, elle est sympathique en plus. La discussion est simple en sans chichi, c'est agréable. Et ça lui fait du bien de se sortir de la tête ses cours. De temps en temps, c'est reposant.

Les yeux brillants d'admiration, Alyssa écoute le jeune homme énumérer les nombreuses villes dans lesquels il a vécu. Elle trouve ça dingue, il a l'air très jeune et pourtant, il a visiblement vécu dans de nombreuses villes. Plus qu'elle en tout cas. Elle se dit qu'il a peut-être eut une enfance difficile liée à tous ces déménagement. Des parents militaires, peut-être ? Ou juste incapable de rester en place très longtemps. Elle sourit car elle s'est trouvé un nouveau point commun avec Merlin. Ils ont tout les deux vécu dans deux mêmes villes : Los Angeles et Shady Cove.

« Wow, ça fait vraiment beaucoup de villes ! Moi j'ai seulement habité Durham et Los Angeles avant d'arriver ici. »

Précise-t-elle dans un sourire. Il ne lui a pas posé la question, mais elle le dit quand même, pour alimenter la conversation. Elle ne lui demande pas la raison de tous ces déménagements, parce qu'elle suppose que ça ne la regarde pas, tout simplement. Elle est curieuse mais pas assez pour se mêler de ce qui ne la regarde pas.

C'est drôle de voir Merlin parler des villes où il a vécu. Il en parle comme si ce n'était rien. Il n'est visiblement pas autant attiré par les USA que la demoiselle qui y voit son rêve. Il s'est peut-être lassé ou n'a peut-être jamais été particulièrement attiré par le pays, peu importe, ça le regarde. Elle, elle est ravie d'être ici, même si des fois elle déprime un peu d'être éloignée de toutes sa famille et de ses racines. Mais ici, elle a trouvé sa place et a rencontré des gens qu'elle adore et qu'elle ne veut pas quitter. Un petit sourire fend ses lèvres quand il lui demande quel est le boulot qui l'a menée ici. Il n'a vraiment pas l'air de la reconnaître, une chose assez rare dans cette ville. Si Aly trouve ça toujours étonnant, bien qu'elle se soit habituée, qu'on la reconnaisse ou qu'on l'aborde pour une photo ou lui dire que son émission est géniale, elle trouve aussi très étonnant, du coup, qu'on ne la reconnaisse pas.

« J'anime une émission de radio locale. »

L'informe-t-elle en attrapant son verre pour boire une gorgée. Une petite. Le verre claque doucement contre la table quand elle le repose, tout en relevant les yeux vers le brun.

« Et du coup, en Grande-Bretagne, vous êtes de quel coin ? »

Pour Morgan, avoir vécu dans autant de villes est presque normal. Mais il sait qu'au contraire, ils ne sont que peu à déménager autant. Il n'a que 22 ans, et il a déjà habité dans de nombreuses villes, facilement une dizaine. Alors il parle d'un ton plutôt neutre des cités américaines. Ce ne sont pas les plus intéressantes pour lui. Elles ont toutes des qualités, mais pour lui, Londres les met toutes au tapis. Alyssa fait d'ailleurs part de sa propre expérience, non sans une pointe d'admiration. Elle n'a connu que Durham et Los Angeles. Le brun sourit ; ils sont un autre point commun. Mais il n'y a pas que cela qui l'amuse.

— Durham, c'est dans le nord de l'Angleterre non ? Il y a un château je crois, ma mère n'a pas dû résister, rigole-t-il doucement.

Il devait être trop jeune pour s'en souvenir réellement. Mais il sait pas exemple qu'il est déjà allé à Oxford. Il y a des photos comme preuves. C'est sa mère qui adore l'Histoire britannique, et cela s'est transmis au fils par les nombreuses visites qu'ils ont pu faire. Soit, il est toujours ravi de se remémorer, même furtivement, l'Angleterre. Et il est aussi soulagé, quelque part, de ne pas être face à une curieuse. Ça aussi, ça repose.

Naturellement, il la questionne sur son travail et apprend qu'elle est animatrice radio, d'une émission locale. Il acquiesce, un peu pensivement. Elle doit être connue dans le coin alors. Shady Cove est une ville où tout le monde se connaît, c'est forcément vrai pour elle aussi. Cependant, Merlin n'est pas du coin et il n'écoute pas franchement la radio, logique donc qu'il ne la connaisse pas, même de nom. Mais il se dit quand même qu'il essaiera, un de ces quatre, de l'écouter. Puis l'anglaise reprend la parole en lui demandant de quel coin de Grande-Bretagne il est.

— De Londres, mais je n'y suis resté que 4 ans, malheureusement, finit-il par soupirer légèrement, non sans un petit sourire.

Il aurait bien voulu y rester. Par moment, il envie son frère d'en avoir de vrais souvenir, de cette capitale. Mais c'est ainsi. Il avait à peine plus de quatre ans lorsqu'ils ont déménagé pour la première fois, alors il fait avec les bribes de souvenirs qu'il a, et ceux qu'on lui raconte.

Elle qui déprimait il y a encore quelques minutes parce que l’Angleterre lui manqué, elle a rapidement repris du poil de la bête depuis que Merlin l’a abordée. En effet, lui aussi est britannique. Ils ont un gros point commun et, dans une petite ville comme Shady Cove, c’est rare de trouver d’autres. Ils en viennent à citer les villes qu’ils ont visitées. Alyssa cite donc Durham et Los Angeles, les deux villes américaines dans lesquelles elle a vécu avant d’arriver à Shady Cove. Merlin lui demande si Durham se trouve dans le nord de l’Angleterre mais ce n’est pas de cette Durham là qu’elle parlait. En Angleterre, elle n’a vécu qu’à Oxford.

« Ah non, je parlais de Durham…en Caroline du Nord. C’est là bas que j’ai fait mes études. »

Précise-t-elle, désolée de le casser alors qu’il parlait de sa mère et d’un château.

« J’habitais Oxford, avant d’arriver aux Etats-Unis. »

Elle réalise qu’elle ne l’avait pas précisé dans les villes où elle a vécu avant d’arriver à Shady Cove. En fait, elle ne citait que les villes américaines, du coup, elle comprend que ça ait pu prêter à confusion. Maintenant, le mal entendu est dissipé, normalement.

« Donc, vous avez passé seulement 4 ans en Angleterre ? »

Demande-t-elle, un peu déçue. Elle espérait qu’il ait passé plus de temps dans son pays d’origine. Assez pour avoir plus de points communs avec l’animatrice, plus de choses à partager. S’il n’y a passé que ses quatre premières années, la Grande-Bretagne ne doit donc être qu’un lointain souvenir.

Oui, mais non. Ce n'était pas la Duhram anglaise dont il était question, mais celle de Caroline du Nord, où elle a fait ses études. Autant Morgan s'y connaît en villes britanniques, autant en villes américaines, il est bien souvent largué. Il vient donc d'apprendre qu'il y a au moins deux Duhram dans le monde. Il se sent un peu idiot, mais il a l'habitude, alors, rougissant quelque peu suite à sa confusion, il rigole légèrement pour montrer que ce n'est pas grave. Elle n'avait certes pas précisé qu'elle ne parlait que des villes américaines et, par conséquent, n'avait pas compté Oxford, sa ville d'origine. Le brun a alors cru, vu comment sa phrase était tournée, qu'elle parlait de toutes les villes où elle avait vécu, et pas seulement depuis son arrivée aux États-Unis.

— D'accord, je me suis un peu emporté je crois, je ne pensais pas qu'il existait deux ville avec ce même nom, sourit-il.

Ainsi, la jeune femme habitait Oxford. Très belle ville aussi. S'ils n'avaient pas déménagé avant, lui et son frère auraient sans doute fini leurs études là-bas. Soit. C'était finalement presque un miracle de se retrouver face à une compatriote anglaise dans cette petite ville de Shady Cove. Le mal entendu n'a donc pas lieu de s'éterniser. En revanche, Alyssa a l'air un peu déçue en apprenant que Mogan n'a passé que les quatre premières années de sa vie à Londres. Mais là est toute la nuance. Il n'est resté que quatre ans à Londres, mais bien le double en Grande-Bretagne. Le jeune homme sourit, secouant légèrement la tête pour dissiper toute idée fausse.

— Non, pas exactement. Je n'ai passé que quatre ans à Londres, mais j'ai ensuite vécu au Pays de Galle, j'ai parcouru l'Ecosse et l'Irlande, et je suis parfois revenu en Angleterre, avant que l'on ne déménage en Amérique, explique-t-il dans un sourire.

Il comprend qu'Alyssa soit un peu déçue, elle qui a du vivre à Oxford sans doute jusqu'à sa majorité. Elle espérait peut-être partager beaucoup de choses avec lui. Et il est bien le premier à déplorer ces déménagements. Il avait bien tenté ses parents de retourner y vivre, mais il avait rapidement compris que son avis ne comptait pas. Alors il avait suivi le mouvement. Sur ses 22 années d'existence, il en a passé huit en Grande-Bretagne, deux en France, et le reste aux USA.

Alyssa a beau avoir passé 18 ans de sa vie en Angleterre, elle n'est pas pour autant incollable sur son pays. Ses parents voyageaient peu. Avec trois enfants, ils trouvaient ça compliqué, et puis, avec leur boulot, ça semblait mission impossible. Les voyages, les week-end en famille, ça restait très rare. Les seuls déplacements qu'ils faisaient, c'était dans la famille à quelques kilomètres d'Oxford. Alyssa ne savait même pas qu'il existait une ville du nom de Durham en Angleterre. Elle ne connait que celle où elle a fait ses études, en Caroline du Nord. Elle sourit, voyant Merlin se rattraper. Elle ne se moque pas, parce que ça arrive de se tromper. Elle-même aurait pu faire la gaffe.

« Je ne savais pas qu'il en existait une en Angleterre. Comme ça, nous sommes quitte. Vous m'avez appris un truc, et moi aussi j'vous ai appris quelque chose ! »

Lance-t-elle en haussant amicalement les épaules. Il n'y a pas de honte à se tromper pour une si petite chose après-tout. Si les gens commençaient à se prendre la tête pour des broutilles de ce genre, alors ce serait vite l'anarchie ! Alyssa n'est pas une méchante fille, et c'en est bien la preuve. Rapidement, elle apprend que Merlin a passé 4 année à Londres et, sur le coup, elle comprend que ce sont les seules années qu'il a passé en Grande-Bretagne, d'où l'air déçu qu'elle peut arborer, malgré elle. Elle espérait pouvoir partager des choses avec le jeune homme, mais il ne semble pas avoir vécu en Angleterre assez longtemps pour avoir grand chose en commun avec elle. Même après qu'il se soit rattrapé en expliquant qu'il a bien passé quatre année supplémentaire sur le continent, elle sourit mais reste légèrement déçue.

« Vous êtes un globe-trotter, un peu, non ? Enfin, votre famille. C'est pas trop indiscret de vous demander pourquoi vous avez autant déménagé ? »

Demande-t-elle au risque de se faire jeter. Le truc, c'est que ça l'intrigue. Elle n'arrive pas à imaginer une famille trimbaler ses mômes de ville en ville, de pays en pays, comme ça, juste pour le fun. Il doit forcément y avoir une raison ? A moins que, justement, ils en aient juste eut envie, comme ça. Peut-être bien qu'ils se fichaient des contraintes. Elle ne juge pas, elle est juste curieuse.

Morgan n'est pas vraiment gêné de sa gaffe. Un peu, bien sûr, être bien élevé fait autant parti de lui que sa spontanéité. Il s'excuse bien évidemment, un peu dans l'embarras, mais Alyssa n'est pas offensée ou quoique ce soit. Elle sourit, amicale, disant qu'ils sont quittes car ils ont tout deux appris quelque chose par le biais de l'autre. Vu comme ça, elle a tout à fait raison. Merlin sourit en retour, hochant la tête. Il n'y a pas lieu de s'éterniser d'avantage sur ce petit malentendu, et la conversation continu son cours. Le brun s'explique qu'il a passé plusieurs années en Grande-Bretagne, certaines en Angleterre, à Londres, d'autres en Irlande.

Pour lui, il est anglais, britannique. C'est sa patrie, son pays de naissance. Mais pour les autres, il n'est jamais comme eux. Les américains ne le considèrent pas américains, lorsqu'il était en France, il n'était pas français, et les anglais pensent parfois qu'il n'a pas vécu assez longtemps sur leur territoire pour en être un. C'est le problème de l'immigration en tout point du globe. Ici aux USA, les immigrants hispaniques, en grand nombre, ne sont plus espagnols ou mexicains, pas plus qu'ils ne sont états-uniens. Ils sont au milieu. Morgan est dans le même cas. Pour les autres cependant, dans son esprit c'est très clair. Ça le désespère un peu, mais il n'y peut pas grand-chose.

— Mes parents avaient la bougeotte en effet, sourit-il. C'est à cause du travail de mon père, il bosse dans une banque internationale, alors c'était facile de déménager, avec parfois un meilleur job à la clef.

A vrai dire, Merlin ne sait pas exactement pourquoi ses parents ont voulu déménager autant de fois. Ils ont attendu plus d'une dizaine d'années pour partir de Londres et ensuite, ils ne sont jamais resté plus de quatre ans d'affilé au même endroit. Au début, il y avait les deux enfants en plus. Mais après que William ai fini le lycée et ai pris son indépendance, ils ont multiplié les déménagements, trimballant le petit Morgan partout. Il en a vu des paysages, il en a rencontré des gens, ce fût les bons côtés. Cela lui a donné une sacrée ouverture d'esprit, une bonne sociabilité, et une culture générale remarquable. En revanche, ils ne se sont jamais vraiment établis quelque part, c'était le mauvais côté. Mais il ne regrette pas, il a aimé cette vie quelque part. C'était normal pour lui, puisqu'il n'avait connu que ça.

Spoiler:

La bourde est vite oubliée. Alyssa, pour l'excuser, va même jusqu'à lui dire qu'ils sont quittes. Après tout, elle vient elle-même d'apprendre un truc en le corrigeant. Elle ignorait complètement qu'une ville nommée Durham existe aussi en Angleterre. Elle se couchera donc moins bête ce soir, et lui aussi, même si aucun des deux ne semble particulièrement stupide. Piquée par une curiosité soudaine, l'animatrice lui demande pourquoi il a habité dans tant de villes. S'il juge que c'est trop indiscret, libre à lui de garder ça secret, mais elle espère avoir une explication, parce qu'elle est intriguée. Elle trouve ça fou de visiter autant de villes en si 'peu' de temps. Il doit avoir à peine la vingtaine et à vu plus de pays et de villes que certaines personnes pendant toute une vie.

« Oh, je vois ! Ça ne devait pas être facile tous ces changements pendant l'enfance...De ne pas pouvoir rester très longtemps au même endroit...»

Sa réponse est à la fois une réflexion, une supposition et une question, même si sa phrase n'est pas réellement tournée comme telle. Elle espère bien sûr qu'il répondra à sa supposition en affirmant, ou infirmant si lui a trouvé ça cool de ne jamais rester plus de quelques années au même endroit, avec les mêmes repères, les mêmes coutumes, les mêmes amis. Alyssa n'aurait pas trop aimé être à sa place. Elle aime la stabilité. C'est en partie pour ça qu'elle est toujours ici, à Shady Cove et sur le terrain américain, plus généralement.

« Et maintenant ? Vous avez l'intention de rester dans le coin ou vous planifiez déjà votre prochain déménagement ? »

Demande-t-elle, toujours aussi curieuse. Elle ne sait pas s'il vit toujours avec ses parents mais quoi qu'il arrive, mais si le cordon n'est pas encore coupé, peut-être a-t-il l'intention de le faire en partant ailleurs, et seul cette fois-ci ? Après tout, il a peut-être pris goût à tous ces déplacements...

Morgan explique les raisons de ses nombreux déménagements. Ce n'est pas quelque chose de personnel ou d'intime. Il n'a pas de mal à en parler, et c'est pour cela qu'il ne rechigne pas à répondre aux questions d'Alyssa. Le fait qu'il ait habité dans autant de villes différents intrigue la plupart du temps. Les personnes qu'il rencontre n'hésitent souvent pas beaucoup à l'interroger là-dessus. Ce n'est pas courant d'être aussi jeune et d'avoir vu autant de villes, autant de pays. Même s'il aurait vraiment voulu retourner vivre un jour en Grande-Bretagne, il n'est pas totalement mécontent d'avoir autant déménagé.

— Oui et non, on s'habitue à force, avoue-t-il en haussant les épaules. Et puis j'étais curieux, alors ça m'allait bien, sourit-il pour finir.

Ses premières années de scolarité se sont passées à la maison. Il n'a fait que le collège et le lycée, pour faire simple. Et changer toutes les années pendant près de cinq ans ne le dérangeait pas vraiment. Il était déjà habitué, et même s'il se liait facilement d'amitié, il n'a pas eu de véritables amis dont l'amitié supporterait la distance. Il s'en est rendu compte avec le recul. Mais c'est la vie. Il a appris à rencontrer des gens, et a les quitter plus tard, sans pour autant s'effondrer à chaque fois. Tous ces changements à la fin de l'enfance et à l'adolescence l'ont construit, finalement, et ses parents ont été avec lui. Et puis, il a un peu pris le pli. La preuve, il n'a pas eu peur de partir seul dans le pays, au lieu de retourner tranquillement à son appartement proche de Stanford.

— Je ne sais pas, je pense rester au moins jusqu'à la fin de mes études, soit l'année prochaine, répond-il un peu pensivement. Ensuite on verra bien.

Il aimerait se poser un peu, souffler, mais ça, seul l'avenir le lui dira. Tout dépend de. Christopher, de si Merlin trouve un travail, ça pourrait être déterminant, voir si l'un ou l'autre trouve l'amour. Ça, ça boulverse toujours tous les plans. Quoiqu'il en soit, ça lui fera peut-être bizarre de rester des années au même endroit, même avec une très bonne raison. La dernière fois qu'il est resté plus de 3 ans au même endroit, c'était en Bretagne. Il y a presque 10 ans. Autant dire que la diversité et le changement font partis de sa vie. Il n'est pas tout à fait du genre banal, avec un fort besoin de stabilité. Mais de temps en temps, ça ne fait pas de mal.

Alyssa est curieuse mais juste ce qu'il faut. Elle n'est pas curieuse maladive ou curieuse indiscrète. Elle pose donc la question tout en précisant que s'il voit un inconvénient à répondre, elle se passera alors de la réponse. Heureusement, ça ne semble pas être quelque chose de trop douloureux ou de secret pusiqu'il accepte volontiers de lui raconter pourquoi il a autant déménagé dans sa vie. Elle s'attendait à entendre quelque chose de triste. Un drame familial, des difficultés avec ses parents, des balades de foyer en foyer... Elle a également pensé à l'hypothèse du boulot des parents qui imposait de nombreux déplacements dans ce genre. Maintenant qu'elle a la réponse, elle comprend mieux comment une personne aussi jeune peut avoir visité autant de pays en si peu de temps.

« Ah, je n'avais pas vu la chose sous cet angle...Mais j'imagine que ça devait être passionnant de voir toutes ces villes, découvrir de nouvelles traditions, de nouvelles cultures...Non ? »

Certes, il n'a pas non plus visité des pays avec des cultures très différentes. Ce n'est pas s'il avait vécu en Inde, en Chine ou en Afrique où les cultures diffèrent complètement. Mais malgré tout, il a du apprendre de nombreuses choses. Il doit être un jeune homme vraiment très cultivé pour son âge. S'il y a pris goût, Alyssa imagine aisément qu'il ne doit pas avoir spécialement envie de rester à Shady Cove pendant de nombreuses années. Quelque chose doit le retenir ici. Elle se montre à nouveau curieuse, pour savoir s'il envisage déjà de repartir.

« Qu'est-ce que vous faites comme études ? »

Demande-t-elle, intéressée par la conversation.

« Vous avez déjà des idées de destination, si vous deviez partir à la fin de vos études ? »

— Ouais, exactement, sourit-il en réponse. J'ai habité en France aussi, donc là oui, ça change bien plus qu'entre deux villes américaines.

L'astuce, c'est qu'il restait en domaine celte lorsqu'il était en France. En Bretagne. Mais ça le changeait néanmoins du monde anglo-saxon et américain. Sans compter que chaque région a son caractère, comme les états des US. Il y a cet effet aussi en Grande-Bretagne. Morgan a donc vu et appris beaucoup pour une si jeune vie. Toujours curieux, il s'ouvrait à tout ce qu'il rencontrait. Il a même mangé des grenouilles et des escargots ! Et il garde un très bon souvenir des cuisses de grenouilles. Il a aussi eu le loisir de se confronter aux nombreux préjugés concernant le peule français, mais riait aussi face à ceux qu'avaient les Français concernant les Anglais et les Américains. Ces cultures ne sont pas très différentes, car toutes occidentales, mais elles ont quand même leurs fossés.

C'est de là, et de son amour pour la littérature, que vient sa grande culture pour son âge. Il ferait presque je-sais-tout, intello, mais il n’étale pas ses connaissances à la moindre occasion. Et il n'est jamais condescendant, à l'inverse de son grand-frère qui en sait beaucoup et qui le montre. Merlin ne se comportera jamais ainsi. Cependant, il aime apprendre. C'est sans doute pour ça qu'il ne s'imagine pas rester une décennie au même endroit, il a envie de découvrir d'autres choses. Ce qui le retient ici, c'est ses études, ce qu'il ne manque pas de préciser à Alyssa lorsqu'elle lui pose la question.

— Des études de littérature, un peu tout ce qui touche de près ou de loin à un livre quoi, répond-il alors.

Ça lui correspond bien, car lorsqu'il avoue avoir fait une année d'études dans le domaine de la physique, on le regarde souvent avec des yeux ronds. Il enchaine ensuite, après que la jeune femme lui ai demandé où il irait s'il devait partir après ses études. Il ne lui faut pas réfléchir beaucoup pour donner une réponse.

— En Angleterre, à Londres. C'est sûr. Ensuite je naviguerais en Grande-Bretagne... déclare-t-il avec un grand sourire.

Alyssa n'a pas énormément voyagé. Pas assez à son goût en tout cas ! C'est pourtant un sacré voyage qu'elle a fait pour quitter l'Angleterre et s'installer en Amérique. Elle a déménagé trois fois en neuf ans, mais pour elle, ce n'est pas vraiment un voyage, juste un nouveau départ. Elle aimerait pouvoir se vanter de voyages à travers le monde, mais elle n'a jamais quitté l'Angleterre avant d'arriver à Durham et d'entamer sa vie américaine. D'entendre Merlin lui parler de toutes ces villes dans lesquelles il a habité, ça la fait forcément rêver. Elle s'imaginerait bien aux quatre coins du monde ! Sur des falaises rocheuses en Irlande, sur une plage Australienne, au pied de la Tour Eiffel, posant devant la Tour de Pise, les yeux observant le merveilleux panorama après des heures interminable de trecking en Argentine...Il y a tant à faire et tant à voir ! Elle ne désespère pas de vivre toutes ces choses un jour.

Glissant ses doigts sur son verre presque vide, Aly l'attrape pour le vider doucement, écoutant parler le jeune Merlin et lui apprendre qu'il fait des études de littérature. Elle aurait pu le deviner, il a bien l'air d'être le genre de garçon passionné par les livres.

« Je vous envie...J'ai des tonnes d'envies de voyages et pourtant, j'arrive pas à me projeter, à mettre mes idées en place ! J'ai l'impression qu'à chaque fois qu'une destination me fait envie, ça reste au stade du rêve, par manque de temps, d'occasion...»

Confie-t-elle en baissant les yeux doucement pour regarder ses mains. Il va probablement lui dire que 'quand on veux, on peux' mais elle sait qu'avoir envie ne suffit pas toujours.

Si on réfléchit bien, Morgan n'a pas tant voyager que ça. Si on peut tout à fait appeler ça voyager, car ce n'était ni plus ni moins que des déménagements, donc derrière il n'y avait pas qu'une partie de plaisir. Soit. Le britannique n'a fait que deux continents, disons six pays si l'on compte séparément l'Écosse, l'Angleterre et le Pays de Galle. Et il est toujours resté dans l'hémisphère nord, sans aller flirter avec les kangourous ou les girafes, ou même les lamas. C'est surtout qu'une fois aux États-Unis, il est passé par beaucoup de villes. Enfin pour lui, ces déménagements constituent la norme, en quelque sorte, mais maintenant il a encore ses études. Alyssa, après l'avoir questionné et écouté, explique à son tour qu'elle aimerait beaucoup voyager, mais ne va pas au bout des choses. Il lui sourit amicalement.

— Avec votre boulot, ça se comprend aussi, rétorque-t-il simplement lorsqu'elle avoue manquer de temps. Ça viendra si vous en gardez l'envie je pense, et si vous avez peur de vous lancer, commencez par visiter les USA, quelque chose de proche... Vous avez des vacances non ?

Il ne sait pas quelles vacances ça a, une animatrice radio. Peut-être pour l'été, une ou deux semaines, sans doute plus. Par la même occasion, il se demande si elle est déjà retournée en Angleterre. Si c'est le cas, elle ne doit pas être trop peureuse au sujet des longs trajets. Traverser l'Atlantique et les États-Unis n'est pas une paille, Merlin l'a fait assez de fois pour le comprendre. Rien que de traverser les quatre fuseaux horaires américains est plutôt épuisant. Enfin, Alyssa a peut-être seulement besoin d'être secouée, ou de trouver quelqu'un avec qui partir, pour passer le "stade du rêve".

Bien sûr, si ses envies de voyage s'effacent à chaque fois, ce n'est pas qu'une question de temps, mais bien de moyens, mais ça, ça ne regarde pas le jeune homme. Elle ne le connait pas, il n'a pas à savoir combien elle gagne. Il y a aussi le fait qu'elle ne soit absolument pas solitaire, alors partir, même dans une ville pas très loin, c'est difficile à imaginer en solo. Elle est trop habituée à être entourée, elle aime la présence. Elle attend juste de trouver quelqu'un avec qui partir. Elle sait d'office qu'avec Eleanor, ça risque d'être compliqué avec l'auberge. La jeune femme ne s'accorde que rarement des vacances et elle reste généralement dans le coin, pour ne pas rester trop loin en cas de soucis à l'auberge. Et à part Léa, elle ne se voit pas partir avec quelqu'un d'autre parce que vivre 24h/24 avec une personne, ça réveille parfois de mauvaises choses. On remarque des défauts, on ne fait plus attention qu'à ça, et ça ruine une amitié. Non, vraiment, elle ne préfère pas prendre le risque.

« Je n'ai pas peur de me lancer. »

Répond-t-elle, presque vexée. Elle n'a pas besoin de conseil pour ça. Elle n'est pas stupide, elle sait très bien que le monde regorge de milliers de lieux à visiter et pas nécessairement au bout du monde. Elle sait que les Etats-Unis est un pays formidable pour avoir des tonnes de choses à voir et pas forcément très loin de Shady Cove, mais elle n'a pas le temps ni l'envie de partir seule. Peut-être est-ce l'alcool qui lui donne l'impression d'être prise pour une idiote, mais peu importe. En fait, elle se rend compte que cette conversation la rend lasse, elle commence à se sentir fatiguée. L'animatrice soupire.

« Il se fait tard, je vais rentrer. »

Annonce-t-elle en faisant glisser son doigt sur le bord de son verre en tournant la tête vers le barman. Sa note est déjà payée, il n'y a donc, techniquement, rien qui la retienne ici.

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I'm not drunk. You're just blurry [Terminé]

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