Il faudrait peut-être que Flóki songe à arrêter de faire des soirées comme celle-ci. Il va avoir trente ans dans trois mois. Il serait peut-être temps qu'il se calme non ? Non. Malgré l'état dans lequel il est, il ne regrette rien. Même s'il le sentira passer au réveil. Tout a commencé à Eagle Point. Une réunion entre potes. Quelques verres en fin d'aprèm', après une journée de boulot. Rien de plus. Et puis les shooters se sont invités. Avec leur bonne copine : la tequila. La bande de potes a décidé de faire un tour au casino, puis de terminer par une boîte de nuit. Le scandinave n'est franchement pas le dernier pour s'amuser. Il n'a pas non plus de soucis niveau compte en banque. C'est ainsi qu'il s'est éclaté comme le petit fou qu'il est. Il a dansé. Filles, mecs, tout y passait ou presque. Il a bu aussi, il ne s'est pas privé. Il connaît ses limites, mais ce soir — cette nuit —, il n'a même pas pensé à les respecter. Tenant bien l'alcool, il lui en faut quand même une sacrée dose pour être vraiment, vraiment mal.

Ce qu'il est en toute fin de soirée. Ou plutôt, en tout début de matinée. A vrai dire, lorsqu'ils ont déguerpi du club, le soleil n'était pas loin. C'est Nick qui s'est occupé de faire le taxi pour quelques-uns. Il a autant bu que certains, mais il a une capacité étonnante à conduire de façon sobre tout en étant bien éméché. C'est lui qui a d'ailleurs proposé un arrêt petit-dèj', dans un banal dinner au bord de la nationale. Flo, bien amoché, a décidé de rester sagement dans la bagnole, avec un autre gars tout aussi bien loti. Il est entré le stade comateux. Il a quand même bien fait le con faut dire. Et il n'a pas arrêté une seconde. Déjà énergique de base, avec de l'alcool dans le sang, c'est pire. Lorsqu'il a conscience que les autres reviennent et que la bagnole redémarre, il a juste la force de jeter un coup d'oeil à la radio, qui indique sept heures du matin.

Il abaisse sa casquette plate sur ses yeux pour se protéger de la luminosité matinale, et comate bien tranquillement sur le siège passager pendant tout le reste du trajet. Il ne dérange pas le moins du monde son chauffeur. Chauffeur qui le réveille d'ailleurs. Flóki croit être arrivé chez lui, mais non. C'est chez Nick, alias le chauffeur, qu'il se retrouve. Son cerveau n'arrive même pas à comprendre comment il fait pour se lever, aidé de son pote, comment il arrive à tenir debout, et comment il a atterri sur le canapé. C'est le chaos le plus total. Mais il a la présence d'esprit, ou le réflexe, de se débarrasser de sa veste. Et un léger rire lui échappe tout de même alors que, avachi sur le canap', il regarde Nick lui ramener un oreiller et un plaid. Il marche pas si droit que ça le pauvre. C'est la dernière chose dont le comédien a conscience. Outre le fait d'avoir pris possession de l'oreiller et de la couverture. Encore que. Puis il plonge dans le sommeil comme une pierre dans l'eau. Il réveillé par des mots, un rire, et encore des mots. Le temps que ses neurones assimilent la phrase, Flo a le temps de grogner de mécontentement.

— C'toi la loutre, marmonne-t-il, avant de plonger sa tête dans l'oreiller.

Il pousse un énorme soupire, exténué. Il n'a pas du dormir que quelques heures. Il se sent dans un état second. Et sa tête lui fait mal comme si toutes les armées d'Odin lui étaient passé dessus. Sérieusement. Ça fait longtemps qu'il ne s'est pas prit une cuite pareille. Avec la gueule de bois qui va avec, bien entendu. Ça aurait été trop beau sinon. Il aurait peut-être pu prévoir le coup en finissant la soirée à l'eau. Un bon litre ne lui aurait pas fait de mal. Mais ce qui est fait est fait. D'ailleurs, il ne se souvient pas vraiment de tout. Flóki se prend quelques instants pour émerger un maximum. Ce qui est plutôt difficile. Puis il tourne la tête, ouvre durement les yeux, et repousse le plaid.

— Niiick, t'aurais pas une bouteille d'eau de deux litres s't'eu-plaît.. ? demande-t-il en se redressant, avant de s'assoir, de basculer sa tête contre le dossier, et de fermer les yeux. Je crois que je vais mourir... se lamente-t-il un peu, pour la forme.

Se coucher à point d'heure, en dormir trop peu pour être reposé, et se réveiller avec une bonne gueule de bois. Ou comment bien débuter la journée. Enfin, quand on émerge aux alentours de midi, la journée est déjà bien avancée. Il faut quand même un instant à Flóki pour comprendre qu'il est sur un canapé. Pas chez lui, mais chez Nick, dont la voix l'a tiré d'un sommeil déjà peu réparateur. Il n'a même pas le courage de se demander comment il a pu atteindre ce foutu canapé. De bonnes courbatures sont tout ce qui lui manquaient. Il est tout engourdi, il a mal à peu près partout. Surtout à la tête. Comme à chaque fois, il se dit que c'est la dernière fois qu'il boit autant, qu'il fait des mélanges, qu'il sort en boîte, qu'il fait la fête comme s'il avait dix ans de moins. Mais à chaque fois qu'il en a l'occasion, il recommence. Peut-être pas à boire autant que durant la nuit qu'il vient de passer. Néanmoins, il n'est pas celui qui se pose deux fois la question avant de sortir.

Se redressant après avoir marmonné une insulte très convaincante, il demande une bouteille d'eau à Nick. Ce n'est pas comme s'il avait le désert du Sahara dans la bouche, mais presque. Il est fatigué au possible en plus. Honnêtement, comment se fait-il qu'il ne soit pas dans son lit, les volets fermés, se remettant doucement de la veille. S'étirant de tout son long, comme un chat au réveil, il tente de se remettre les idées en place. Il ne se lève même pas. La force qui manque, sûrement. Il est en tout cas ravi lorsqu'il avise le cachet providentiel sur la table basse. Il n'aurait pas parié sur le fait que le gérant du Warehouse ait une bouteille d'eau chez lui, mais c'est bel et bien le cas. Le scandinave l'attrape lorsque Nick la lui tend.

— Tu m'surprends là, j'pensais que t'avais que d'l'alcool en bouteille, souffle-t-il avec un sourire à demi moqueur. Merci quand même vieux.

Il prend quelques longues gorgées au goulot, appréciant la fraîcheur de l'eau dans sa gorge. Pauvre assoiffé, complètement déshydraté. Rabaissant la bouteille, il s’essuie le coin de la bouche du dos de la main, alors qu'il entend Nick se foutre de sa gueule. Un train lui serait passé dessus. Ça, Flóki veut bien le croire. C'est tout comme. Il se dit qu'en effet, passer sous un train ne doit pas donner de sensations bien différentes. Sauf que t'es mort après, mais ça c'est un détail. Le professeur lance alors un regard qui se veut courroucé à l'intention de son pote. Il n'a pas l'air plus en forme. Quoique lui au moins, il tient debout. Et a même les capacités de se faire un café.

— Pas qu'un train si tu veux mon avis. Soit dit en passant, ta gueule à toi est pas mieux hein, rétorque-t-il, alors que Nick s'installe dans un fauteuil et se roule une clope. Il lance peu après que la soirée a été énorme, et qu'il n'a que quelques trous, mais que ça lui reviendra sûrement. Flo le fixe un instant, en pleine réflexion. J'me souviens pas de grand-chose moi, avoue-t-il. Y'a beaucoup de flous, le dernier truc vraiment net c'est quand on est arrivé en boîte. Après, pfiout, plus rien, lâche-t-il en mimant une petite explosion avec sa main, avant de sourire. En tout cas j'suis sûr qu'on s'est bien éclaté, ça fait longtemps qu'je m'étais pas pris une mine pareille ! Il rigole un peu, avant de prendre le médoc' sur la table et de se descendre encore quelques centilitres d'eau.

Pour une fois, il y a du soleil. Comme quoi, même la météo veut les empêcher d'avoir ne serait-ce qu'une chance de se reposer. Avec des volets fermés, ç'aurait été mieux. Mais vu l'état dans lequel ils étaient hier soir, ils ne devaient pas franchement penser à ça. Flóki aurait bien dormi encore un peu, or ce n'est pas de l'avis de Nick, qui n'hésite pas à le réveiller en se rendant à la cuisine. Après s'être redressé, le scandinave opte pour de l'eau. Beaucoup d'eau. Et son pote lui ramène une bouteille. C'est un peu étonnant que Nick ait de l'eau minérale chez lui, et Flo ne manque pas de le remarquer. Non sans un petit sourire en coin. Le gérant se demande aussi d'où elle sort, ce qui ne manque pas de faire rire le comédien. Autant que son mal de crâne le lui permet.

Alors que son pote se fait un café, puis va s'assoir sur le fauteuil en attendant, Flóki entame la bouteille sans état d'âme. Elle n'était pas ouverte, donc l'eau à l'intérieur est toujours bonne. Et puis bon, c'est de l'eau. Avec son état de déshydratation, il aurait bu n'importe quoi comme eau. L'alcool ne lui fait pas vraiment envie pour le moment. Nick s'occupe de se foutre de sa gueule, alors qu'il se roule une clope. Ça réactive un peu plus de neurones chez lui. Il lui renvoie quand même la pareille. Mais il ne fait aucun doute que son pote s'en est mieux tiré. Ce dernier évoque ensuite la soirée. Combien elle a été géniale, et tout et tout. Flo ne se rappelle pas de grand-chose après qu'ils soient entrés dans la boîte de nuit.

— Ça m'étonne pas franchement ça, rétorque-t-il lorsque Nick lui balance alors qu'il a fait le playboy. Mais, pauvre de lui, il a oublié la partie la plus énorme de la soirée. De quoi tu m'parles ? Explique ! lance-t-il en fronçant les sourcils.

Avoir oublié une bonne partie de la nuit, ce doit être la pire des sensations. Autre qu'une gueule de bois. C'est comme si rien ne s'était passé. Trou noir. Flóki aurait pu deviner tout seul avoir dragué quelques personnes. C'est dans ses habitudes lorsqu'il sort et croise de belles nanas, ou de beaux mecs. D'ailleurs, s'il cherche dans ses poches, il doit bien avoir un ou deux numéros de téléphone que ça ne le surprendrai même pas. Par contre, il n'aurait aucune idée de qui le lui a donné. Il se rappelle vaguement avoir dansé avec une belle blonde. Mais c'est vague, comme le reste. Et il connaît Nick. Il sait que son pote est du genre à s'amuser de ce genre de situation. Flo aurait fait pareil à sa place.

— Carrément, par contre la prochaine fois, je boirais pas autant. Il pose les yeux sur son pote. Toi avec les mélanges que tu t'es enfilé, j'me demande encore comment t'es arrivé à nous ramener.

Le réveil était un peu dure. La suite ne devrait pas être mieux vu la gueule de bois dont il a écopé. Flóki se remet doucement de la soirée, aidé d'une bouteille d'eau. Il ne se rappelle pas de grand-chose après l'entrée en boîte de nuit. Nick en profite visiblement. Tandis que sa clope prend forme entre ses doigts, il lui dit avoir manqué la meilleure partie, et avoir aussi joué le playboy. De cette dernière chose, l'islandais s'en serait douté. Il n'est pas du genre timide. De base. Alors avec de l'alcool dans le sang... De toute façon, il sait qu'il s'est bien amusé. Il trouve toujours matière à s'amuser. Son pote développe ensuite en disant qu'il se frottait à n'importe qui, et qu'il a même fini par dégobiller.

Le regard de Flo s'arrête sur lui, et, avec une expression neutre, il le dévisage. Cet imbécile est du genre à raconter des salades. Ils se ressemblent assez sur ce point. Mais Nick peut très bien dire la vérité, et ce petit sourire en coin n'est là que parce qu'il se moque. Il le suit des yeux lorsqu'il se lève pour aller chercher sa tasse de café, puis quand il vient se rasseoir en allumant sa clope.

— Tu te fous de ma gueule... ? demande-t-il, mi-incrédule, mi-"pitié faites qu'il raconte des conneries". Dans le cas contraire, un peu de honte n'a jamais tué personne. Et en tant qu'habitué des scènes, il sait aussi que le ridicule ne tue pas. Mais quand même, vomir parce qu'on a trop bu, c'est une sacrée défaite. Il fixe encore un instant son pote. Tu te fous de ma gueule.

Ce n'est plus interrogation. C'est une affirmation. Quelque chose chez Nick le fait deviner que ceci n'est qu'un mensonge. Il ne lui en veut pas, c'est de bonne guerre. Pour plaisanter. Lui aurait fait exactement la même chose. Tirer un avantage de cette situation serait tout à fait son style. Et puis Flóki fait savoir que la prochaine fois, il ralentira un peu sur la boisson. Il aime bien avoir des souvenirs de ce qu'il fait la veille. Nick le charrie en lui disant que ce n'est que parole en l'air, et qu'il recommencera aussitôt remis. Y'a du vrai là-dedans.

— Arf, tu commences à me connaître trop bien, j'vais devoir te tuer, lâche-t-il avec une petite mine désolée, avant de sourire lorsque Nick lui répond, et relance. Il rigole ensuite un peu, après avoir repris une gorgée d'eau. Faudra qu'tu m'apprennes, moi j'arrive pas à rouler dépassé un certain stade. Et après ça va jamais mieux donc... Il hausse les épaules. Puis il arbore un sourire en coin, et se repositionne plus confortablement contre le dossier du canapé. Quel exemple tu donne à ton p'tit-frère sérieux...

Flóki ne sait pas s'il faut croire Nick lorsque ce dernier sous-entend qu'il s'est un peu trop lâché. Le barman pourrait raconter n'importe quoi, rien que pour le plaisir de se moquer de lui. Mais le petit sourire qu'il essaie de cacher le trahi. Flo n'est tout d'abord pas vraiment assuré, puis récupère bien vite. Malgré le fait que son pote continu a essayer de le mener en bateau. Puis il avoue finalement déconner. L'islandais en était sûr quelque part. Les deux se ressemblent sur certains points, dont celui-ci. Si l'occasion se présente, s'amuser aux dépends des autres est toujours une option.

Tandis que Nick est au café, le comédien reste à l'eau. Son état s'est un peu amélioré en quelques minutes. Il est passé de catastrophiquement horrible à horrible. Ça fait en tout cas un bout de temps qu'il n'a pas bu autant, avec le lendemain matin qui en découle. Flóki n'est pas prêt à recommencer de si tôt. Mais son pote lui ramène bien vite les pieds sur terre en lui lançant que ce ne sont que des paroles en l'air. Flo ne peut qu'acquiescer. Chaque sortie est l'occasion de s'amuser et de renouer avec les cocktails. La nuit dernière n'a pas fait exception à la règle. En dépit de son immense trou de mémoire, le scandinave est certain de ça. Il plaisante quand même en disant qu'il va devoir se débarrasser de Nick étant donné qu'il le connait trop bien. Au bout de presque quatre ans à sortir et tout ce qui s'en suit, normal qu'ils se connaissent.

— Une petite nature ? Moi ? Si t'avais bu autant qu'moi, t'aurais pas été capable de conduire non plus, rétorque-t-il, alors qu'ils viennent à parler de la capacité de conduire de son pote, avec de l'alcool dans le sang. Norvégien, pas russe. Mais ça boit pas que l'hiver hein, rigole-t-il en évoquant son pays. Tu verrais les jeunes là-bas, quand ils sortent ils font pas semblant. Même les adultes remarque. C'est simple, tu peux pas survivre si tu tiens pas l'alcool.

En revanche, en Norvège, personne ne conduit en état d'ivresse. Par contre, ça boit beaucoup. Flóki a une bonne descente lui, il a l'habitude de boire pour boire et finir bien mal. Il a déjà vu certains de ses amis tomber dans le coma. Pour sa part, ça ne lui est arrivé qu'une seule fois. Mais il était jeune à l'époque. En parlant de jeune, Flóki repense au petit frère de Nick, et de l'exemple que ce dernier lui donne. Il rit à la réplique de son pote. Se penchant, il atteint sa veste posée sur le dossier du canapé, et sort son paquet de clopes de l'une des poches, ainsi que son briquet.

— C'est l'problème avec les gamins, lâche-t-il les épaules en portant une cigarette à ses lèvres. On les a toujours dans les pattes, dit-il en haussant les épaules, puis il allume sa clope.

Le litre d'eau qu'il s'est descendu a enfin étanché la soif du norvégien, et lui permis de ramener un peu les pieds sur terre. S'il s'écoutait, il se rallongerai sur le canapé pendant encore une ou deux heures, puis il retournerai chez lui pour une bonne douche et finirai sa journée comme elle a commencé : a glandouiller. Après avoir bouffer, bien entendu. Pour l'instant, il essuie les railleries de son pote, bien plus frais t bien plus alerte que lui. Ce qui n'est pas franchement difficile. Nick profite de l'amnésie de Flóki pour lui faire croire un peu n'importe quoi. Le norvégien n'est pas dupe. Et bizarrement, il ne sait même plus comment, il en vient à se faire traiter de petite nature, puis de fillette. Son pote sait bien qu'il tient mieux l'alcool que le commun des mortels. Il n'empêche que Flo continu dans sa lancée, s'offusquant théâtralement.

— Viens dans mon lit, tu verra si j'suis une fillette, réplique-t-il très sérieusement, même s'il n'en pense pas un mot.

Loin de lui l'idée de coucher un jour avec Nick. Il s'est déjà tapé des gars, ce n'est pas le problème. Mais ça ne se fait pas entre potes quoi. Et puis Nick... Franchement. Il n'imagine même pas le fou rire qui le prendrait s'il le voyait avec un autre mec. Enfin, le propriétaire du Warehouse veut jouer au chieur. Ce n'est pas Flóki qui va battre en retraite. Et puis la conversation dérive sur le pays d'origine du plus grand. Celui-ci rectifie, précisant que c'est de Norvège qu'il vient, et non de Russie. C'est quand même sacrément différent. Le comédien ne prend pas la mouche, ce n'est pas nouveau les confusions. Il ne faut pas non plus en demander trop à Nick, surtout un lendemain de soirée comme aujourd'hui.

— Les russes c'est des tarés, lâche-t-il avec un léger rire. C'est pas loin et il fait bien froid, mais ça s'arrête là. J'te dis, les russes ils sont barges, y'a rien à rajouter.

Il a déjà bossé avec des russes. Il n'est peut-être pas tombé sur les bons, mais les stéréotypes ont la vie dure. En parlant ensuite du petit frère de Nick, que Flo a eu l'occasion de croiser vu qu'il bosse aussi au Warehouse, le comédien va se chercher une clope. Pas bien loin, son manteau est échoué sur le canapé. Allumant sa cigarette, il fait une remarque concernant les gamins. En tout cas, lui se demande comment ses parents ont pu élever six enfants sans avoir envie d'en abandonner un ou deux. Quant à Nick, il lui balance qu'il a de la chance, sans quoi il se retrouverait sûrement avec Reese en cours. Flóki ne peut s'empêcher de rire par la suite.

— Ça m'a l'air joyeux dis donc ! lance-t-il en essayant de calmer son rire. Il tire une nouvelle taffe sur sa clope. Crois-moi qu's'il avait été mon élève, j'aurais pris un malin plaisir à le martyriser. Les élèves chiants ils s'calment bien vite avec moi. Il sourit, innocemment. T'plains pas trop quand même, moi j'en ai quatre de frangins, et une sœur. A peu près trois ans d'écart à chaque fois sauf pour l'petit dernier... J'peux d'dire que la maison a toujours été bien animée.

Grâce à l'eau, Flóki n'a plus le tonus qu'un poulpe mort. Il revient de la nuit alcoolisée qu'il a passé. En meilleure forme, il n'a aucun mal à répondre aux taquineries de l’américain. Lorsque Nick lui répond que c'est hors de question qu'ils partagent le même lit, le comédien rit de bon cœur. Surtout à cause de la grimace de celui-ci. Il sait très bien qu'il ne tentera jamais rien, qu'il n'aurait aucune chance. Il n'en a pas envie, de toute façon. Il sait aussi que Nick est loin de ce bord-là. Au pire, il risquerait de finir à l'hosto. Et ça ne fait pas parti de ses désirs. Certes, le barman n'est pas mal foutu, mais même Flóki trouverait ça bizarre. Ils sont potes. Ça résume tout. Et puis ils évoquent les origines de Flo. Nick pense de suite à la Russie, mais le concerné a bien vite fait de rectifier le tir. La Russie et la Norvège partagent le froid, mais c'est tout. Flóki ne va pas plus loin. Pour lui, les russes sont des tarés. Bien évidemment, l'américain veut en savoir plus, vu que lui-même n'y est jamais allé. Flóki rigole naturellement.

— Moi non plus j'ai jamais posé les pieds là-bas, mais j'ai bossé avec quelques russes, et ils réunissaient à peu près tous les stéréotypes du russe de base.

La vodka, les rires forts. Ils étaient un tantinets sans gênes aussi. Non, franchement, le norvégien n'avait pas du tomber sur les bons. C'était peut-être parce que c'était des hommes aussi. Mi-ours, peut-être. Alors que les filles là-bas, il paraît qu'elles sont pas mal belles. Il n'a pas à se plaindre, les belles blondes scandinaves ne sont pas en reste non plus. La discussion dérive ensuite sur Reese, et Flóki aurait de la chance de ne pas l'avoir en cours. Il ne s'en fait pas néanmoins, il prend toujours un malin plaisir à taquiner et à martyriser ses élèves. Il ne leur fait aucun cadeau, mais au fond il les aime bien.

— Peut-être pas non, mais on plaisante pas avec le théâtre. Pis j'aime bien m'amuser à leurs dépends, aussi, sourit-il en confidence. Surtout quand j'me mettais en tête de faire chier mon petit-frère. On se détestait. On se déteste toujours d'ailleurs, ça a jamais bien collé avec lui, il tire une nouvelle fois sur sa cigarette en haussant les épaules. Enfin bon, on est vachement différent aussi, ça doit expliquer des trucs.

La discussion se poursuit, entre piques et plaisanteries. C'est parce que Nick l'a traité de fillette que Flóki lui a proposé de venir vérifier par lui-même. Bien évidemment, il est hors de question que cela se fasse. L'islandais sait très bien que ce que le barman aime avoir dans son lit, c'est des femmes et uniquement des femmes. Ce n'est pas un problème, chacun son truc après tout. Par la suite, ils en viennent à parler des russes. Flo ayant déjà bossé avec quelques-uns, raconte qu'ils étaient bien proches des stéréotypes. L'américain dresse un portrait comme il les imagine, et ça colle plutôt bien. Le comédien ne retient pas un rire.

— C'est à peu près ça. Toujours partant pour boire, ils ont leurs délires bien à eux.. Ils sont froids avec toi, mais entre eux ils rigolent sans en avoir rien à foutre du reste.

C'est des russes quoi. Flóki n'avait pas trop accroché avec ces types, mais le boulot étant le boulot, il a bien fallu faire avec. Ensuite Nick parle de son petit-frère en le décrivant comme un chieur de première catégorie, dont le potentiel double lorsqu'il est avec son meilleur ami. Finalement, comme il est barman lui aussi, ça évite peut-être au norvégien de l'avoir en cours. Mais il rassure tout de suite son pote, en lui disant qu'il n'est pas du genre à se laisser faire par ses élèves. A la remarque de Nick, Flo rigole un peu, avec un clin d'oeil.

— T'imagine même pas, souffle-t-il en toute innocence. Puis c'est à lui d'évoquer sa fratrie, et son frère, juste après lui, avec lequel le courant n'est jamais bien passé. Nick se fait plus sérieux, et curieux, en posant une question. Flóki hausse une nouvelle fois les épaules, prenant une taffe. J'sais pas vraiment. C'est le type sérieux tu vois, qui aime l'ordre, et moi, c'est absolument tout le contraire. Et c'est l'seul qui a fini docteur, alors qu'on s'est tous orienté vers quelque chose de plus artistique.

Flóki aime bien rester flou, joueur, taquin. Il se fiche de ce que l'on pense de ses préférences. Il n'a jamais été vraiment clair avec quiconque. Les déclarations sont faites avec humour, quand bien même ce n'est aucunement mensonger. Là, en tout les cas, c'était clairement de la plaisanterie. Il n'est pas question qu'il finisse dans le même lit que Nick pour autre chose que pour dormir. Et encore. Pas dit qu'il ne préfère pas un canapé. De toute façon, ils en sont à évoquer les russes et leur mentalité. Le barman en brosse un portrait assez basique, que le comédien complète un peu. Ce dernier a déjà eu l'occasion de travailler avec des russes. Et ce n'était pas la meilleure expérience qu'il ai vécu, bien que les bonhommes soient rigoureux, ils n'étaient pas très chaleureux. Comme il fallait s'y attendre, Nick demande comment sont les filles de Russie, car les seules qu'il a vu sont sorties de films x, ce qui ne reflète pas tellement la réalité.

— Tu chang'ra jamais putain, rit-il franchement. J'sais pas pour les nanas. J'en ai pas connu personnellement, mais paraît qu'elles sont belles, hausse-t-il les épaules après avoir calmer son rire.

Il connaît davantage les femmes scandinaves, mais il s'imagine que les russes s'apparentent un peu à ça. Les russes occidentales s'entend. Enfin bref, les blondes aux yeux bleus, on en trouve partout. Puis la discussion tourne un instant autour de Reese, puis de l'attitude en tant que prof de Flóki. Il ne cache pas être parfois un tortionnaire. Mais pas méchant. Nick fait un commentaire comme quoi le norvégien doit faire flipper. C'est avec un grand sourire que celui-ce acquiesce. Son pote n'imagine pas à quel point il vise juste. En début d'année, les nouveaux élèves ont parfois un choc, mais étant donné qu'ils sont là pour le théâtre, ils s'adaptent assez rapidement. Plus sérieusement ensuite, Nick se fait plus curieux sur la relation entre Flóki et son jeune frère.

— Je lui ai plus reparlé depuis que j'ai débarqué aux US, il trouverai encore l'moyen de m'engueuler de toute façon, répond-il en reprenant une bouffée de sa cigarette. Et il est pas le 'vilain petit canard', même s'il est dans un domaine différent, c'pas ça qui a empêché mes parents d'être fiers de lui, ou qui l'empêche de bien s'entendre avec les autres. C'est juste avec moi que ça bloque. Il soupire doucement, haussant les épaules, puis esquisse un petit sourire. Au moins j'ai pu lui faire toutes sortes de farces étant gosse sans avoir une once de remord. Pas qu'j'en ais d'habitude, mais bon. Il sourit ensuite, comme s'il était le gentil dans l'histoire, puis se fait à son tour curieux. Et toi, tu t'es toujours bien entendu avec ton frangin ?

La conversation s'oriente bien sur vers la gente féminine russe. A croire qu'il n'y a que ça qui intéresse Nick, puisque c'est lui commence à en parler. Flóki n'est même pas surpris. En revanche, il est bien obligé de dire qu'il n'a, lui non plus, aucune expérience concernant les femmes de Russie. Il a déjà connu des anglaises, des danoises, outre les scandinaves des différents pays, des américaines bien sûr. Mais pas encore de russes. Aux États-Unis, on peut en rencontrer de toute nationalité. Mais peut-être pas à Shady Cove, qui est une bien petite ville. Et puis la tolérance ne règne pas vraiment.

— J'ai jamais dit ça ! rétorque le comédien, puis il continu après que son pote lui ait dit qu'il servait à rien. Hé, c'juste que j'connais pas de russes, tu peux pas m'en vouloir.. En revanche, j'peux te présenter des amies à moi, norvégiennes ou suédoises, au choix.

Il lui sourit, sachant que Nick n'est jamais contre de nouvelles têtes. Surtout si elles sont belles et féminines. Et puis son pote n'a pas du voyager beaucoup. Enfin bref. Sûrement que le décuvage y est pour quelque chose, mais ils n'ont aucun mal à passer à un sujet totalement différent. Ils passent par le petit frère de Reese, puis par les qualités de Flóki en tant que professeur. Quoique ''qualités'', c'est plutôt vite dit. Il ne fait pas vraiment cadeau, mais n'est pas un de ses professeurs stricts et sadiques en toute chose. Il sait quand même être compréhensif. Et puis Nick s'intéresse à la relation entre le norvégien et son frère. Flo ne cherche même pas à esquiver, il répond. Il n'est pas très expansif sur lui-même et sa famille, mais puisqu'on lui pose des questions, il ne voit pas pourquoi il ne répondrait pas.

— Sans doute parce que j'me suis exilé en Amérique. Il hausse les épaules. J'sais pas ce qu'il pense de ça. Il doit encore penser que quoique je fasse, j'ai raté le coche, que j'suis incapable d'arrêter la drogue. Pourtant, j'ai réussi ! Il sourit, et retire une taffe de sa clope. Et ensuite, Nick lui demande pourquoi ça ne coince qu'avec lui, alors que le frère en question s'entend bien avec le reste de la fratrie. Je sais pas, c'est comme ça, répond-il simplement. Il demande alors à Nick la situation avec son frangin, et celui-ci lui dit que le problème ce n'est pas son frère, ce sont ses parents. Ouais, si c'est pas l'un c'est l'autre. Et pourquoi ça coince avec tes parents ?

Il sourit en coin, le taquinant un peu en reprenant la même formulation. Il n'empêche qu'il est assez curieux.

Flóki a visé juste lorsqu'il a fait mention de ses ''amies'' de Norvège et de Suède. Nick a l'air tout de suite intéressé par ces connaissances. Il demande immédiatement comment elles sont. L'islandais rigole de bon cœur, tandis qu'il se dit furtivement que plus le temps passe, mieux il va. Sans doute le médoc' a eu le temps de faire son effet. Et la bouteille d'eau aussi. Et peut-être, tant qu'à faire, rire avec son pote est aussi une bonne médecine.

— Elles sont pour la plupart blondes ou châtain, les yeux souvent bleus, grandes aussi je dirais, ça dépend du point de vue, fines... Belles quoi, résume-t-il en souriant.

Il ne s'avance pour le caractère, ça, ça change suivant chacun. Il a peut l'impression que le barman fait ses courses, mais il sait aussi que ce n'est que pour plaisanter, à prendre au second degré. Ni l'un ni l'autre ne considère les femmes comme de vulgaires objets. On peut très bien avoir pas mal de partenaires au cours de sa vie, ça ne signifie que l'on dénigre totalement le sexe opposé. Tous les hommes ne sont pas des pourris. Certaines nanas se comportent aussi comme des garces en utilisant les mecs pour le propre plaisir. Il y a des cons partout. Pour sa part, Flo est juste volage, ne s'attache que s'il a de bonnes raisons. Ce qui ne s'est pas produit depuis son départ de Norvège.

Bref. De toute façon, ils changent de sujet. Après avoir parlé de Reese, du travail de Flóki, Nick s'intéresse à quelque de plus personnel. Ne se confiant pas de façon spontanée, le comédien n'est pas non plus contre répondre à quelques questions. La situation n'est cependant pas anodine. Le barman est un bon pote, il n'est pas du genre à déballer ce qu'il sait à tout le monde, et ils se connaissent depuis quelques années. Flo n'a pas de mal à lui fournir des réponses. Il lui explique entre autre que lui et son frère ne se sont pas reparlés depuis bien quatre ans, et que celui-ci ne lui porte pas une grande estime. Le norvégien n'en a cependant rien à foutre, surtout parce qu'il s'agit de son petit-frère. Nick lui dit que ce n'est pas important, en effet, puisque Flóki n'a rien d'un looser. Il n'a pas à avoir de regrets, puisqu'il est maintenant clean, avec un boulot stable qui lui plaît, et qu'il peut encore continuer de jouer la comédie.

— J'me fous de ce qu'il pense depuis qu'il est entré à l'école primaire, ça va pas changer maintenant, lance-t-il en se marrant un peu, puis il fini sa clope en demandant ce qu'il en est du côté de la famille de Nick.

Il sait que lui et ses parents ne sont pas les plus proches du monde. En revanche il ne sait pas pourquoi. Alors, sa curiosité naturelle le pousse à demander. Il sait aussi que Nick n'est pas du genre à se confier, mais celui-ci lui répond tout de même. Il explique qu'ils avaient des idées différentes sur son avenir. Il joue sur l'humour, alors que le sujet n'est pas du genre à faire sourire. Jeune, le barman était déjà du genre à sortir, faire la fête, alors que ses parents voulaient qu'il fasse des études de médecine. Mais ce n'était pas du tout dans ses projets, ce qui est la cause du froid entre lui et ses parents. Ceci explique cela, c'est vrai. Flóki n'a pas eu de soucis de ce côté-là, son père était déjà acteur. Ça a juste été plus difficile de s'impose comme quelqu'un d'autre que le 'fils de'.

— Bah d'un côté, t'es un genre de pharmacien, tu vends de l'alcool et tu donne un lieu aux gens pour s'éclater et oublier leurs problèmes. C'est mieux qu'des anti-dépresseurs j'trouve, dit-il en rigolant un peu. De toute façon, t'es assez grand pour faire c'que tu veux, t'as monté ton propre truc, t'es indépendant, si tes parents sont pas contents, c'est leur problème.

Les deux potes passent du coq à l'âne sans vraiment s'en rendre compte. Pas plus qu'ils se demandent comment ils en viennent à parler de la famille étaient, quelques minutes plutôt, en train de s'interroger sur les filles russes. Flóki fait aussi un peu de pub pour les norvégiennes. Tant qu'à faire. Ensuite, ils dérivent donc doucement mais sûrement les joies de la fraternité. Sans oublier de passer par le boulot de Flo à l'Université, puisque Reese aurait pu y passer, par l'Université. Même s'il n'y est pas allé, il n'est pas non plus un abruti. Le scandinave l'a déjà croisé, et ce qu'il a principalement retenu, c'est qu'il est comme pas mal de jeunes : fainéant, et opérationnel seulement pour les soirées. Ce n'est pas un mauvais barman non plus, cela dit.

Flóki est ensuite amené à parler un peu de lui, et de la relation qu'il entretient avec l'un de ses frères. C'est rare que lui et Nick abordent de tels sujets. Quand ils se voient, ils pensent plus à s'amuser qu'à se raconter leurs problèmes. C'est pas des nanas. Ce matin, ils se remettent justement d'une soirée, alors ça ne dérange pas l'islandais de se confier un peu. De son point de vue cependant, il n'y a pas de quoi en faire un roman. Il ne s'entend pas avec son frère, ça ne va pas plus loin. Et il le fait clairement comprendre à Nick. Pas méchamment, mais il n'aime pas être plaint ou quoique ce soit. Il sait que son pote n'est pas non plus dans cet optique de pitié, il voulait juste se montrer sympa. Il sait aussi qu'il ne se formalisera pas de cette petite précision. Flo a tout de même noté les compliments, ce qu'il l'amuse en même temps que ça le touche. Il ne montre cependant pas ce dernier côté. Pas son genre. Il préfère poser des questions à propos de la famille de Nick. Chacun son tour.

— Arrête, j'suis sûr que j'arriverais au moins à la faire réfléchir, lance-t-il non sans un sourire, après sa plaisanterie comme quoi le gérant du Warehouse n'était au final pas si éloigné d'un pharmacien, en exagérant le truc. Nick dit ensuite une vérité vraie ; on cherche toujours la fierté de nos parents, consciemment ou inconsciemment. Flóki hausse les épaules, terminant sa clope et se penchant pour écraser le mégot dans le cendrier. Ouais, toujours. Mais ça t'y peux rien. Pis t'as réussi ta vie, t'as pas à te plaindre. Te manque plus qu'la nana et les mioches tiens ! rit-il une nouvelle fois. Quoique c'est aussi valable pour sa pomme, mine de rien.