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Since forever For years on end Newbies From time to time

12 mars 1988, Nashville, Tennessee : un jour qui aurait pu être comme les autres mais non. C’est ce jour-là que le petit Mike a décidé de pointer le bout de son nez. Une naissance tout ce qu’il y a de plus normal. Un beau bébé de 3, 750 kg et de 50 cm. Sa mère ne dira pas le contraire : oui c’était un beau bébé. Pourtant, au départ Mike n’aurait pas dû exister. Sa mère avait déjà deux enfants, deux ados en fait, quand elle s’est retrouvée enceinte. Les premiers jours après avoir appris cette  nouvelle, elle était passée par un état de petite déprime. Elle se demandait comment elle allait faire : repartir dans les couches, les biberons, les nuits de pleurs, etc….Petit à petit Jérémy, son fils ainé, lui a montré qu’il l’aiderait après la naissance. Et le plus jeune, Chase, semblait aussi de cet avis. Finalement le petit Mike a vu le jour dans une famille où il était aimé. Et cela lui suffisait. Dès ses premières années, le petit Mike connu les joies de vivre dans une famille de musiciens : du bruit, des instruments, des berceuses jouées par ses frères ou son père. Au lieu de jouer avec des petites voitures, Mike lui tripotait les cordes d’une guitare.

Malgré l’écart d’âge entre lui et ses frères, 15 ans avec Jérémy et 12 ans avec Chase, le petit Mike est bien intégré. Ses frères s’occupent de lui assez souvent et ils s’entendent bien. Bien entendu comme tous les frères il y aussi quelques petites disputes mais rien de bien méchant. Un jour, vers l’âge de 5 ans, Mike commence à sortir quelques accords propres et semble s’intéresser de plus en plus à la guitare. De fait, ses parents l’obligent à prendre des cours. Et quand il n’est pas en train de suivre son prof, son père ou Jérémy prennent le relais. Autant dire que Mike a très vite appris ses premières gammes. Son père est heureux car Mike semble vraiment s’éclater avec une guitare entre les mains.

Cinq ans plus tard, Mike était un très bon joueur de guitare. Et pour en être sûr, son père lui avait proposé de faire son premier concert. Le soir venu, le garçon était extrêmement nerveux. Il monta sur scène et joua du mieux qu’il put. Persuadé d’avoir été moins bon qu’à son habitude, il fût très surpris quand le public se leva pour l’applaudir. Ce qui se passa en lui est indescriptible. Cette émotion, cette libération de savoir que le public a aimé. Le son des applaudissements. C’était un tout. La scène. Voilà ce qu’il lui fallait, maintenant il savait. Il continua de combiner guitare, concerts et cours aussi longtemps qu’il put. Mais à 15 ans, il décida de laisser tomber les cours pour se consacrer uniquement à sa passion. De toute façon, l’école c’était pas non plus vraiment pour lui…

Pendant trois ans, Mike cumule les concerts, les premières parties d’autres concerts. Tout se passe pour le mieux, et sa notoriété commence même à dépasser les frontières du Tennessee. Il est heureux. Ses frères le suive quasiment partout et font toujours partie du public ou presque. Et puis Mike aime les avoir avec lui. Quelques fois, il a dû insister pour que Jérémy se libère mais son frère faisait en sorte de se libérer. Puis un jour Mike donna une date de concert à ses frères mais Jérémy n’était pas disponible. Au départ Mike avait dit que ce n’était pas grave mais il se ravisa rapidement. Ce concert-là était le premier pour lequel il savait que certaines personnes importantes allaient se pointer pour le voir jouer et il voulait absolument que ses deux frères soient là. Mike a dû insister une bonne semaine avant que Jérémy ne craque en acceptant finalement de se libérer. Le destin décida de s’en mêler. Pour le malheur de cette famille. Quelques minutes avant de monter sur la scène, Mike apprit la nouvelle : un accident de voiture était survenu sur la route qui menait à la salle, Chase était vivant dans un état critique, mais Jérémy était mort sur le coup. La nouvelle lui fit l’effet d’une bombe. Ses jambes le lâchèrent, il tomba à genoux, cherchant sa respiration. Le sang lui battait les tempes, ses oreilles bourdonnaient. Il ne savait plus rien. Il savait juste que Jérémy était mort. Par sa faute. Sa faute à lui. Il se releva et se dirigea vers la scène comme un robot. Il joua son premier morceau mais ne tint pas plus longtemps. Il s’excusa auprès de son public et disparu.

Se sentant coupable de la mort de son frère, Mike a développé une phobie de la scène, si on peut dire. Chaque fois qu’il se dit qu’il va remonter sur scène, rien à faire sa respiration accélère, son cœur bat fort et ses oreilles bourdonnent. Il ne peut plus jouer devant un public. Ses parents, même Chase, ont tenté de le raisonner, de lui dire que ce n’était pas sa faute. Mais lui sait que s’il n’avait pas poussé Jérémy à se libérer ce soir-là il serait encore là. Incapable de rester plus longtemps dans la ville qui a vu son frère mourir, il décide de partir et d’arpenter les routes. Il se déplace de ville en
ville, vivant de petits boulots et dormant dans des motels pas toujours super. Il rencontre des gens divers et variés. Et il finit par découvrir des trucs qui lui font du bien. Il teste un peu tout : alcool, drogue dure, drogue douce…Mais il arrête assez rapidement ses conneries. Incapable de se lever certains matins, il a perdu un job trois fois d’affilée et sait très bien que sans fric il n’ira pas loin. De cette période un peu pourrie il gardera une seule chose : il fume de temps en temps un joint pour décompresser. Il n’a jamais trouvé mieux et n’est pas vraiment devenu dépendant. A certaines périodes, comme la date anniversaire de la mort de son frère, il fume. Il estime que c’est moins pourri que prendre des tas de médocs bizarres. Mais ce périple lui permet de retrouver, ou de se retrouver plutôt. La musique redevient ce refuge pour lui. Il est seul, il ne connait personne et ne le veut pas de toute façon. Tout ce qui lui reste c’est sa musique. Quand il prend sa guitare le soir dans
sa chambre limite glauque, le son des cordes éclaire la pièce et inconsciemment un sourire flotte sur les lèvres du jeune homme, qui tout en jouant replonge dans ses souvenirs avec ses frères. Il est presque bien mais les larmes reviennent, le remords aussi. Et il continue son voyage et fini par atterrir à Shady Cove. Petite ville de l’Orégon. Mike réalise le chemin parcouru et sourit. Il se rend compte de la distance qu’il a mise entre lui et la mort de son frère, pourtant la douleur persiste. Dans
cette nouvelle ville, il décide de se poser dans une auberge qui s’appelle l’Auberge Fisher. Bien plus sympathique que certains motels qu’il a connus. Il postule dans un des bars de la ville et fini par trouver un boulot de barman. Pas la première fois qu’il fait ce boulot d’ailleurs.

Au bout de quelques semaines, il se rend compte qu’il aime bien cet endroit. Les gens sont accueillants, il a un boulot et le patron voudrait le garder en plus. Il prend la décision de s’installer là pour de bon. Il économise le plus possible, fait beaucoup d’heures au bar pour gagner un peu plus et au bout de quelques mois il parvient à avoir assez d’économies pour chercher un lieu de vie autre que l’auberge. Pendant son temps libre, il cherche un coin où il pourrait s’installer. Il finit par trouver son bonheur à la rue Old Ferry Drive, un peu à l’écart. Il est ravi, il peut jouer de la guitare
sans trop gêner ses voisins directs, il peut fumer sans trop se faire capter par ses voisins directs, il est bien. Cette ville lui redonne un peu goût à la vie. Petit à petit, il arrive à repenser à ce jour funeste sans trop éprouver de colère ou de remords. Il commence à y voir plus clair et se rend compte qu’il a délaissé sa famille depuis très longtemps. Un peu inquiet de leur réaction, il décide tout de même de reprendre contact avec eux, en douceur, par étapes. D’abord par courrier, puis plus tard par
téléphone. Il entend à nouveau la voix de sa mère et se rend compte à quel point sa famille lui a manqué. Un jour, il les fera venir ici, mais pas de suite. A Shady Cove, il se remet et retrouve le plaisir initial de jouer de la guitare. Il reprend confiance en lui. Il rejoue régulièrement pour lui, à l’intérieur ou à l’extérieur de chez lui. Mais quand il joue à l’extérieur si un passant a le malheur de s’arrêter pour l’écouter jouer, aussitôt il s’arrête : ses doigts ne lui obéissent plus. Le traumatisme est toujours là. Jouer en public n’est toujours pas au programme et, dans la tête de Mike, cela risque de durer
encore bien longtemps. Mais au moins il prend toujours plaisir à jouer pour lui.

Aujourd’hui, Mike est bien présent à Shady Cove. Il bosse toujours au bar, est heureux et fait tout pour le rester.