Cela faisait plusieurs fois que Morgan se rendait à la bibliothèque municipale pour autre chose que pour satisfaire sa curiosité et son besoin d'avoir des livres sous la main. Il est simplement bénévole. il fait la lecture aux plus petits. Ça l'a bien occupé pour la fin de ses vacances, après la croisière. Et puis ça l'amuse. Conter des histoires, c'est presque génétique chez lui. Ainsi donc, le voilà installé dans la salle de lecture, plusieurs gamins assis près de lui. Cette fois-ci, il a choisi une des légendes du cycle arthurien, à la sauce enfant. Comme sa mère le faisait avant lui. Là, il est question du commencement, Merlin, Arthur petit, l'épée dans la pierre.

Les enfants écoutent gentiment, patiemment. Parfois, ils posent des questions lorsqu'ils ne comprennent pas quelque chose, et le britannique se surprend à aimer ça. Le contact avec les enfants. C'est peut-être aussi parce que ceux-ci sont sages en ce moment. Enfin, sa patience et son calme doivent aider. La séance passe plutôt rapidement. Il parle aisément, raconte de façon claire pour les gosses, un sourire aux lèvres. Finalement, le conte, ou plutôt la légende, touche au but. Avec chevaliers de la table rondes comme invités. Un petit garçon se fait soudain bien curieux, et impatient, et lui demande de continuer. Mais c'est la fin. Avec un léger rire, Morgan lui dit qu'il faut en garder un peu pour la prochaine fois.

Petit à petit, la salle se vide. Lui-même se lève, attrape son sac, et, alors qu'il relève les yeux, il croise le regard d'un homme. Et pour plus de précision : de l'homme qui l'a écouté pendant quelques minutes tout en restant en retrait. L'anglais l'avait remarqué du coin de l'oeil sans y faire attention, se disant que c'était sûrement le père d'un des enfants. Mais visiblement, non. Châtain, voire blond foncé, peut-être même des reflets roux, les yeux bleu-gris. Son visage ne lui est pas inconnu, et pourtant, Morgan ne le connaît pas. S'approchant de quelques pas dans sa direction, il affiche un sourire, comme à son habitude.

— Bonjour, je peux vous aider ? demande-t-il poliment.

Cela fait plaisir à Morgan de rendre service. Il fait passer un bon moment aux enfants, et c'est tout ce qui compte. Comme chaque chose qu'il fait, il le fait sincèrement. Par contre, il ne sait pas trop quoi penser de l'homme qui l'a écouté une bonne partie de la séance. Sans bouger, sans dire un mot. Mais n'étant pas méfiant outre mesure, il s'approche de lui, le saluant. Il a bien remarqué qu'il n'était pas là pour les enfants, alors il lui demande de façon polie ce qu'il veut. En tout cas, l'homme a l'air du genre sociable, et sûr de lui. Il se présente directement sous le nom de Chandler Hayes, mais l'anglais n'est pas vraiment plus avancé.

Tendant la main pour serrer celle proposée, il l'entend alors dire qu'il est maire. Et il entend aussi distinctement le "tilt" qui se produit dans sa tête. Voilà pourquoi ce ars lui disait quelque chose. Mais Morgan n'est pas franchement intéressé par la politique, même à son âge. C'est plutôt son caractère qui veut ça, il ne s'intéresse pas à ce qui ne l'intéresse pas. Bref. Son sourire s’élargit alors qu'il serre la main du maire. Il est un peu intimidé, de se dire que Hayes l'écoute depuis tout à l'heure. Le sourire bienveillant de l'homme lui paraît bien sympathique, de toute façon.

— Morgan Smith, ravi de vous rencontrer, se présente-t-il à son tour.

Puis Chandler lui dit que ce qu'il fait est bien. Le brun n'a pourtant pas l'impression que cela sorte du commun. Il aime bien faire ça, c'est tout. Et puis, il faut dire qu'il se sent bien à Shady Cove aussi, donc ça ne le dérange pas de s'impliquer. A son niveau. Il ne prétend pas faire quelque chose d'exceptionnel, il ajoute juste sa petite pierre à l'édifice. Souriant, il remercie furtivement le maire. Ce dernier lui demande ensuite s'il est du coin.

— Euh non, pas vraiment, sourit-il, plus à l'aise. Enfin si. J'habite sur Rogue River Dr, avec un ami, depuis avril, explique-t-il simplement.

Morgan n'hésite pas à aller saluer l'homme. Il apprend d'ailleurs qu'il se trouve face au maire de la ville. Puis lui-même se présente alors. C'est la première fois qu'il peut associer la fonction de maire à un visage. A vrai dire, il ne s'était jamais vraiment poser la question. La politique ne l'a jamais intéressé, et au début il ne pensait qu'il resterait assez longtemps pour avoir besoin de savoir qui est le maire. Chris n'en parlait jamais non plus. Mais il n'est pas mécontent d'avoir Chandler Hayes en face de lui. Qui le félicite d'ailleurs. Ça fait toujours plaisir.

L'anglais lui répond ensuite qu'il n'est pas à Shady Cove depuis bien longtemps, car il n'a emménagé qu'en avril. Chandler espère alors qu'il se plaît ici. Naturellement, Merlin hoche la tête. Si ce n'est ces rumeurs qui sont parfois désagréables, la ville est très charmante. Le brun n'a plus besoin d'être convaincu, il se plaît effectivement bien parmi la communauté Shady Covienne. C'est peut-être même à cause de ça qu'il fait aujourd'hui du bénévolat. Il affiche un sourire.

— Oui, la ville est agréable je trouve, pas trop grande mais pas trop petite non plus.

Ça le change des New-York et autres Seattle. C'est alors qu'une employée passe par là, et vient proposer un café au maire de la ville. Elle pose ensuite son regard sur Morgan, puis s'adresse de nouveau à Chandler. Elle lui explique que le brun fait de temps en temps du bénévolat à la bibliothèque, et que c'est très gentil de sa part. L'étudiant sourit doucement, touché, et se passe une main sur la nuque en disant que ce n'est rien, qu'il fait ça parce qu'il aime, c'est tout. Il n'est pas là pour de quelconques remerciements. Il trouve ça naturel de donner un peu de son temps aux autres, rien de plus. L'employée lui demande ensuite s'il veut quelque chose à boire. Hayes accepte le café, et Morgan, en bon anglais qui se respecte :

— Un thé si possible ce serait parfait, merci, avance-t-il en souriant.

La jeune femme hoche la tête, puis ajoute qu'elle va faire ça tout de suite. Souriant une dernière fois à l'intention du maire, elle les dépassent et va préparer les boissons. Merlin l'a suit un instant du regard, puis reporte son attention sur Chandler. Il se rend compte qu'il ne connaît vraiment pas grand-chose de cet homme. Il ne sait même pas depuis quand il occupe la fonction de maire. Hayes fait plutôt jeune en tout cas. Il doit avoir aux alentours de trente ans. Ou alors c'est qu'il est très bien conservé. Enfin. Morgan n'hésite pas longtemps à lui poser une question.

— Et vous, vous êtes de Shady Cove ?

Morgan n'imaginait pas vraiment rencontrer le maire à la bibliothèque. Il ne pensait pas vraiment le rencontrer tout court en fait. La vie politique est loin d'être son domaine, et il préfère laisser ce qu'il ne comprend pas aux autres. D'autant que, d'après ce qu'il en a vu et/ou entendu, le maire en fonction, Chandler Hayes ne s'en sort pas mal du tout. Si l'anglais fait du bénévolat, ce n'est pas das un quelconque but politique, ou pour ce faire bien voir. Il en a eu envie, et aider fait parti de son caractère. Il a déjà eu l'occasion de faire un peu de volontariat avant, mais il était jeune à l'époque est c'était sous impulsion de l'école. Ça ne faisait de mal à personne.

Aujourd'hui, ça lui permet même de faire connaissance avec Hayes. Ils ont le point commun de ne pas venir de la ville. C'est après qu'une employée de la bibliothèque soit venue leur demander s'ils voulaient boire quelque chose, que l’étudiant lui demande s'il est né à Shady Cove. Il lui retourne simplement la question, puisque peu de temps avant, c'était Chandler qui lui demandait s'il était du coin. Le maire est de Chicago à la base, et s'il s'est ancré dans la petite ville, c'est parce qu'il y était venu avec des copains pour se rendre au lac.

— C'est vrai que le coin est agréable, mais quand on connaît Chicago, ça change vraiment, lance-t-il, en toute connaissance de cause. Et sa curiosité reprend le dessus. Mais, qu'est-ce qui vous a poussé à venir vous installer ici ? Si vous vouliez faire de la politique, rester à Chicago aurait été plus pratique, non ?

Sans même parler d'aller ailleurs, mais Chicago est vraiment grande, il y aurait moyen de se faire remarquer, de faire de grandes choses, si cela était le but de Chandler. Il a l'air jeune en tout cas. En maire, Morgan aurait plus vu un type d'une cinquantaine d'années. Enfin bon, ça ne veut pas dire que Hayes est moins capable. Au contraire, un peu de jeunesse apporte du dynamisme.

— Oui, j'y ai vécu pendant un an, environ. Il y a à peu près cinq ans je crois, explique-t-il lorsque Chandler lui demande s'il connaît Chicago.

Ce qui est le cas. Avec tout les déménagements qu'il a fait, ce n'est pas rare qu'il connaisse la ville d'origine de ceux qu'il rencontre. En l’occurrence, c'est en connaissance de cause qu'il parle de la ville, et se dit que c'est sans doute plus facile de rester à Chicago pour, à terme, faire de grandes choses. Mais il faut croire que Hayes n'est pas tout à fait comme ça. Il dit de lui-même qu'il manquait de raison dans sa ville natale, et puis il préfère être intègre. D'autant que Shady Cove l'a complètement charmé. Morgan sourit, et hoche la tête. Il le comprend. La politique d'état, nationale, est plus qu'une blague bien mise en scène qu'autre chose. A l'échelle de Shady Cove, c'est plus réaliste déjà.

Finalement, l'employée de la bibliothèque revient avec leurs boissons. Elle les invite aussi à s'installer à une table, pour être plus à l'aise pour discuter. Ils le font sans hésiter. L'anglais n'est pas vraiment pressé, et il est content de converser avec le maire. Il est bien sympathique d'ailleurs. Celui-ci évoque ensuite son ressenti par rapport à la ville de Shady Cove et par rapport à sa politique. Pour lui, la population a envie de changements, elle est moins conservatrice. Il est passionné par son sujet, bien que Merlin, même avec tout la bonne volonté du monde, ne pourrait pas épiloguer sur ce sujet.

— Je vois où vous voulez en venir, sourit-il, puis il rigole légèrement. Ne vous en faites pas pour ça, j'agis pareil lorsque je parle de livres. Puis il acquiesce lorsque Chandler lui demande s'il est étudiant. Exactement. En dernière année pour un bachelor en littérature. Il fait un geste pour désigner la bibliothèque. C'est pour ça que je suis aussi souvent là, et ça m'a parût normal de faire du volontariat ici. Il hausse les épaules, alors que ses mains entourent sa tasse de thé. Ce n'est pas grand chose de raconter des histoires aux enfants de temps en temps, mais ça me fait plaisir de le faire.

La coïncidence est amusante, et prête à sourire. Morgan et Chandler ont tous les deux vécus à Chicago, le second y est d'ailleurs né. Peut-être se sont-ils même croisés, un jour. C'est tout à fait possible. Le plus jeune acquiesce lorsque le maire souligne que le monde est petit, finalement. C'est vrai que pour se rencontrer à Shady Cove, alors que c'est un coin bien paumé... Hayes explique quand même les raisons qui l'ont amené à s'établir dans cette petite ville, pour répondre à la curiosité de l'anglais. Il fait preuve de sincérité, et même s'il n'y est pas né, cela se voit qu'il tient à cette ville et qu'il l'aime. Il ne veut aussi que le meilleur pour les habitants et rendre la vie plus agréable. C'est louable. Pour une fois qu'un politique n'est pas happé par le pouvoir.

Ils sont ensuite installés à une table, pour continuer dans de meilleurs conditions. Avec une boisson chaude en prime. Chandler se laisse un peu emporter lorsqu'il reprend la parole. Bien qu'il s'excuse, Morgan le rassure immédiatement, en lui disant qu'il connaît cette impossibilité de s'arrêter une fois lancé sur un sujet. Pour le maire, c'est son métier et la ville. Pour l'étudiant, c'est la littérature. Ce dernier hoche d'ailleurs la tête à la remarque de l'homme, montrant qu'il le comprend bel et bien. Hayes lui demande ensuite s'il est étudiant, et le sujet de ses études. Merlin lui répond tout naturellement, et relie ses études avec le fait qu'il n'ait aucun mal à raconter des histoires diverses aux enfants. Et puis sa mère lui en contait souvent lorsqu'il était petit. Ce doit être dans le sang.

— Merci, mais encore une fois, ce n'est pas grand-chose, dit-il en souriant légèrement. Puis il prend une gorgée de son thé, alors que son interlocuteur lui demande s'il a des projets pour l'avenir. Reposant sa tasse, l'anglais secoue négativement la tête. Non, je n'ai pas vraiment d'idée là-dessus, répond-il, un peu gêné d'avouer cela. A presque 23 ans, il n'a rien de plus que de vagues idées. Quelques part c'est rageant, mais plus il y réfléchit, plus il s'embrouille, ce qui n'est pas vraiment mieux.

Le monde est petit. Morgan et Chandler ont habité la même ville, et pourtant, c'est à des centaines de kilomètres de là, à Shady Cove, qu'ils se rencontrent réellement. Car qui sait, ils se sont peut-être déjà croisés dans les rues de Chicago. Le maire évoque son parcours dans les grandes lignes, raconte comment il en est venu à s'implanter ici... L'anglais le trouve très sympathique, et pas du tout prétentieux ou hautain. Il aurait pu aller ailleurs, dans une grande ville, gravir des échelons, mais il a préférer s'installer dans cette petite ville de l'Oregon pour s'en occuper comme il se doit. Rien que ça démontre bien que c'est plus qu'un métier, c'est une vocation.

L'étudiant fait un court rapprochement avec Christopher. Ce dernier et Hayes ont trouvé leur voie, même si l'un ne peut plus la suivre de force. A table, la conversation s'oriente davantage vers le plus jeune, et ce qu'il fait comme études, pour ensuite se terminer sur ce qu'il voudrait faire par la suite. Merlin est obligé d'avouer qu'il n'a aucune véritable idée là-dessus. En revanche il n'évoque pas le fait qu'il a commencé à chercher de-ci de-là pour un petit boulot. Histoire de payer sa part du loyer. Il sait que ce n'est pas toujours évident pour Chris de tout gérer seul. Cependant, comme s'il était vraiment au courant de tout, Chandler lui dit qu'ils — elles — cherchent quelqu'un pour un coup de main ici, à la bibliothèque de Shady Cove. Morgan arque un sourcil.

— Vraiment ? demande-t-il en peu surpris. Pourtant, je n'étais pas au courant que... Il reporte un instant son attention sur l'une des employées, avant de revenir sur le maire. Bref peu importe. Je vais leur en parler en effet, souffle-t-il avec un sourire, se traitant mentalement d'idiot pour ne pas s'être renseigné ici. Ça ne fait pas longtemps que je cherche un boulot en plus, alors merci de m'avoir facilité la tâche.

Il sourit de nouveau, reconnaissant. Il pourra se faire une véritable idée du travail en bibliothèque, tout en étant payé. Il n'aurait pas vraiment pu trouver quelque chose de plus arrangeant, sachant qu'avec ses pauvres réflexes, il ne faut pas quelque chose à risque. Les livres, ça ne cassent pas. Furtivement, il se fait la remarque que Chandler est vraiment au courant de tout dans cette ville. En même temps, s'il prend un moment pour parler avec l'un des citoyens, c'est normal.

hj:

Au final, cette rencontre a permis à Morgan d’apprendre qu’ils cherchaient quelqu’un à la bibliothèque. Chandler lui dit que c’est assez récent. Pas étonnant que l’étudiant n’en ait pas entendu parler, alors qu’il vient ici relativement souvent. Il aura appris quelque chose aujourd’hui, et peut-être a-t-il trouvé là la source de revenus qu’il s’était mis en tête de trouver. Pour aider Christopher parce que mine de rien, ils vivent ensemble, alors il serait peut-être temps pour le britannique de mettre la main à la pâte. Il n’évoque pas les raisons de cette recherche d’emploi – il ne sait pas si l’homme est au courant pour les rumeurs... –, mais n’en est pas moins reconnaissant.

— D’accord, je vois, acquiesce-t-il, avant d’avoir un petit sourire. Merci quand même, je me renseignerais.

Hayes lui a précisé qu’il n’était pas vraiment sûr d’avoir les fonds pour payer un autre salaire, mais il a aussi dit qu’il regarderait ça de plus près. Morgan voit sa recherche facilitée. Il ne pensait pas trouver quelque chose sur Shady Cove en fait. Chandler finit par s’excuser en disant qu’il a déjà assez abusé de son temps, puis lui dit qu’il espère le voir à la fête prévue pour Halloween. L’anglais sourit de nouveau, finissant son thé. Chris lui a déjà parlé de cette fête.

— C’est plutôt vous qui devez être occupé, et ça me ferait plaisir aussi de vous revoir à la fête. Il jette un coup d’œil à sa montre, remarquant l’heure. Bon, j’ai des cours qui attendant d’être appris, je vais vous laisser. J’ai été ravi de faire votre connaissance en tout cas. A bientôt, sourit-il en se relevant et en serrant la main du maire.

Récupérant son sac, il lui sourit une dernière fois puis tourne les talons, saluant les employées présentes à l’accueil à la cantonade. Il est content d’avoir rencontré Chandler, surtout si cela se fini avec un petit boulot à mi-temps.