Vraiment, Emily Fisher, au Shelter, alors qu’il est seul à assurer le service ce soir. Bah voyons, Dan va encore sentir son estomac se nouer tandis qu’il devra faire bonne impression parce qu’après tout, il bosse là lui. Dan sait qu’elle est revenue en ville depuis un certain temps mais étant donné leur dernière conversation, il se dit qu’il doit seulement faire profil bas, ravaler sa fierté et jouer le parfait petit barman.

Emily est une femme fatale. En tout cas, elle a été fatale à Dan. Un dérapage, une nuit. Mais il ne va pas parler de ce qui s’est passé, parce qu’il ne s’est rien passé. La jeune femme a été claire sur le sujet.

Elle déboule dans le bar comme une gagnante, comme toujours, fière et resplendissante. Elle s’asseoit sur un tabouret au bar et lui se contente de terminer une commande avant d’oser prendre celle d’Emily. Arrivé devant elle, uniquement séparés par le bar, il lui adresse un sourire un peu tronqué, un peu trop commercial sans doute.

« Salut, je me doutais que tu finirais par ramener tes jolies fesses ici. »

Il a hésité à la vouvoyer, parce qu’ils n’ont rien en commun, rien à faire ensemble et parce qu’elle veut mettre de la distance entre eux malgré leur rapprochement certain quelques années plus tôt, alors il aurait pu marquer le coup, mais il n’en a pas le courage. Les conseils d’Eliza ne marchent pas à tous les coups. Mais son intervention reste teintée d’une certaine rancœur même si Dan ne peut pas (physiologiquement) se montrer dur avec qui que ce soit.

« Je te sers quoi ? »

Demande-t-il alors reprenant le rôle pour lequel on le paye.

Avec sa démarche de reine, Emily ne laisse pas paraitre un seul instant qu’elle est mal à l’aise ou de mauvaise humeur. Elle a tellement l’habitude de cacher ce qu’elle ressent aux humains lambda. A ceux qu’elle doit encore séduire tous les jours. Lorsqu’elle est face à ses parents ou à Noah, elle agit totalement différemment. Elle sait qu’elle peut montrer son vrai visage et qu’ils seront quand même là pour elle. Quoi qu’il en soit, elle prit un tabouret au bar, trouvant son geste légèrement provoquant. Après tout, si elle était allée s’asseoir à une table elle aurait pris de la distance avec le barman. Mais hors de question qu’il soit moins mal à l’aise qu’elle.

Lorsque Dan arrive et lance sa première remarque à Emily, la jeune femme ne sait pas très bien comment interpréter ce qu’il dit. Etait-ce un sous entendu à propos de ce qui s’était passé la dernière fois qu’ils avaient été tous les deux ici? Un genre « logique que tu reviennes puisque t’as du aimer » ? Parce que si c’est ça, il n’a rien compris à leur explication quand elle lui a dit : désolée, j’étais juste bourrée, j’aurais jamais fait un truc pareil sinon. Ou alors il la prenait pour une alcoolo.

« Ne confonds pas douter et espérer, Dan. »

Lui lança-t-elle avec un air condescendant, mais en ne perdant jamais son sourire. Lorsqu’il lui demanda ce qu’elle voulait boire, elle hésita un instant, avant d’avoir envie de jouer un petit peu. Elle fit donc mine de réfléchir un instant.

« hmmm… Sex on the Beach. »

Se décida-t-elle finalement, à nouveau provocante. A la fois elle avait envie d’oublier cette histoire à tout jamais et à la fois elle avait envie de torturer Dan. Du coup, elle oscillait de temps à autre d’un côté ou de l’autre.

Emily n’est pas une femme superficielle, en fait, Dan a tendance à toujours excuser celles qui en ont l’air. Pourtant, on ne peut pas vraiment dire qu’elle soit dans ses petits papiers. A près la nuit qu’ils ont accidentellement passé ensemble et suite au refus catégorique d’Emily que cela se sache un jour, il a été légèrement (complètement) vexé. Tout ça ne relève pas du cœur brisé puisqu’aucun sentiment n’était vraiment inclus dans l’histoire, quoi que … Dan n’est pas du genre à coucher avec n’importe qui, il apprécie au moins de découvrir ce courant électrique qui peut se déclencher entre deux personnes, ce soubresaut d’amour éphémère qui font des moments passagers les plus agréables. Seulement, mettez-vous à sa place, se voir jeter au fond du cachot des vilains secret sous prétexte qu’on n’est pas vraiment le genre de mec avec qui une fille légère peut être fière d’avoir couché, ça ne fait pas du bien.

La réplique cinglante qui suit sa salutation touche Dan en plein cœur. Il baisse le regard un peu blasé tout en gardant un sourire silencieux mais jaune.

« C’est ça… » souffle-t-il détaché.

Il est mieux de rester professionnel et prend commande. S’agitant derrière le bar pour préparer la boisson sulfureuse, le jeune homme commence naturellement et malgré lui la conversation. Déformation professionnelle.

« T’es pas sensée être mannequin quelque part à L.A. ou à New York toi ? »

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’aventure qu’il y a eu entre Emily et Dan relève bel et bien de l’accident. A aucun moment la belle brune n’aurait pu imaginer qu’il se passe quoi que ce soit entre eux. Et pourtant. Contrairement à ce qu’elle raconte, elle n’était pas aussi ivre que ça. Elle était bien pompette, mais elle était surtout triste. Elle se sentait seule et Dan était là et puis il lui disait des trucs gentils et mignons et voilà quoi. Elle a craqué, elle est humaine après tout. Et puis c’est pas comme si elle ne le regrettait pas à chaque fois qu’elle le voyait. Emily n’accorde pas facilement sa confiance aux gens. Elle est méfiante parce qu’elle sait très bien qu’elle est elle-même indigne de confiance la plupart du temps. Du coup, elle sait que n’importe qui pourrait se retourner contre elle n’importe quand, ou presque. Pour le bien être mental et physique du barman, il a plutôt intérêt à savoir tenir sa langue.

Une fois quelques « politesses échangées », Emily donna sa commande à Dan qui commença à s’agiter pour la servir. Quelque part, elle trouve ça assez amusant, presque même jouissif qu’il soit à son service alors qu’il doit sans doute souhaiter qu’elle se trouve bien bien loin en ce moment. Comme s’il lisait dans ses pensées ou qu’il voulait lui confirmer quelque chose, voilà qu’il lui demanda si elle n’était pas sensée être en tournage quelque part… bref, ailleurs qu’ici.

« T’en fais pas, va. Je compte bien repartir aussi vite que je ne suis revenue. »

Elle n’hésita pas à donner une explication, puisque de toute façon la plupart des gens est au courant de ce qu’elle a.

« Je me suis blessée sur un tournage un peu périlleux et je suis au repos forcé. Du coup, je suis venue me faire chouchouter chez mes parents. »

Expliqua-t-elle. Elle évita de lui témoigner à quel point elle avait envie de rentrer à New-York, parce que ça prouverait que c’est plus grave que ce qu’elle n’essaye de faire croire. Emily lui retourna sa question, enfin, en quelques sortes.

« Et toi, quand est-ce que tu commences à faire enfin quelque chose de ta vie ? »

En fait, Dan n’a pas tellement de difficulté à séduire les filles, du moment qu’elles sont vulnérables et prêtent pour un accident d’un soir. De la part de n’importe quel playboy, ce comportement relève du misogynie le plus total, de la part de Dan, c’est triste et touchant. Le doudou de remplacement, le gentil garçon abusé par les circonstances.
 
Dan n’a pas franchement l’envie de crier sur tous les toits qu’il a couché avec Emily Fisher, qui ça intéresserait ? Et puis, qui le croirait. De toute manière, il n’a jamais été du genre à collectionner les trophées, que ce soit en sport, à l’école ou dans la vie de tous les jours. Dan n’a jamais rien gagné, même pas l’amour d’une fille. Il se fout pas mal de tout ça, il vit sa vie, ignorant les pincements de cœur, même si voir débarquer Emily dans son bar ne lui est pas complètement indifférent.
 
Tout en préparant le cocktail réclamé, Dan écoute ce qu’a à dire sa cliente, le plus posément possible. Lorsqu’elle lui annonce son intention de repartir aussi vite que possible, il s’en réjouit presque. Il se demande si c’est un jeu pour elle, s’il est assez important à ses yeux pour qu’elle perde son temps à le torturer. Emily s’est blessée sur un tournage, Dan sourit malgré lui songeant à se lancer dans une plaisanterie d’un gout douteux. Réalisant qu’elle n’a pas été très sympa à vouloir effacer entièrement une nuit de leur vie il relève le visage, plonge son regard cerclé de lentilles sur le joli minois de la brune et se lance.
 
« C’est ça quand on veut faire du porno sans s’être jamais entraîné. »
 
C’est méchant, mais Dan se dit qu’elle est une grande fille, elle survivra à ça, et n’hésite pas à attaquer de son côté d’ailleurs.
 
« Oh ! J’ai déjà abandonné cette idée depuis bien longtemps tu sais. » répond-il plein d’autodérision. Il sert le verre avec son ombrelle rose un peu kitch devant le nez de la bombe puis son regard s’arrêt un instant sur son décolleté. Il pourrait presqu’être fier d’être allé là un jour (même si bien d’autres ont du y aller un jour), d’avoir franchit la barrière des vêtements, même si personne ne le sait, lui en a profité. Pourtant, loin du regard lubrique, Dan se sent plutôt déçu du comportement d’Emily, encore ce soir elle lui fait bien comprendre par son attitude qu’elle n’est pas cette fille fragile en manque d’attentions réelles qu’elle était lors de cette nuit. Elle est Emily Fisher, la bitch en talon haut sûre d’elle est trop bien pour Shady Cove, trop bien pour même accepter d’avoir fauté avec Dan.
 

« Tu sais, je trouve ça assez fascinant que tu oses même m’adresser la parole, c’est pour ton image, c’est ça ? Te donner un côté plus humain, et demain une caméra de télévision viendra m’interroger sur combien la douce Emily Fisher est appréciée dans le voisinage pour sa générosité et sa gentillesse ? » 

Son épaule est, pour Emily, un sujet relativement sensible.  Ca la tracasse beaucoup et ça l'handicape fortement.  Du coup, ça n'est pas spécialement un sujet sur lequel elle aime qu'on plaisante.

« C’est sur que vu mes derniers plans culs, j’aurais eu du mal à en tirer un quelconque entrainement utile… »  

Ne manqua-t-elle pas de lancer, dans un joli sourire moqueur.  Evidemment qu’elle le visait.  Elle n’allait pas non plus se laisser insulter et traiter d’actrice porno par ce type qui.. qui quoi au juste.  Il n’en est nulle part dans sa vie, il est barman, n’a pas de copine, fin faut qu’il se réveille quoi et elle ne manque pas de le lui faire remarquer.  Il semble être d’accord avec elle.  Bien, au moins un point.  Elle porta sa paille à ses lèvres, après avoir enlevé l’ombrelle et écouta la suite de son discours.  Visiblement, elle lui a réellement manqué puisqu’il a tellement de choses à lui dire.

« J’te signale que c’est toi qui arrêtes pas de me parler, depuis tout à l’heure.  J’suis juste venue boire un verre alors fais pas genre je te harcèle ou je viens prendre de tes nouvelles. »  

Il prend un peu trop ses désirs pour des réalités au goût de la brune.

« Mais dans l’hypothèse fort peu réaliste où je serais réellement venue te parler, en effet, ça serait pour une histoire d’image.  Tu sais, ça fait toujours bien d’avoir une bonne action à sa liste.  Tu es ma garantie pour ne pas aller en enfer.  Je te parle, donc j’égaie ta vie et en échange, j’ai les clés du paradis. »  

Elle leva son verre, bien qu’elle y ait déjà goûté, avant de lancer, avec un clin d’œil :

« Santé. »  

Bitch.

La remarque cinglante qui suit la plaisanterie de Dan ne le touche pas. Il se dit que des plans cul, elle a du en avoir un tas après lui, enfin, il a placé sa vacherie comme une légère vengeance, ravi de voir que ça l’irrite un minimum. Il sourit bravement, souffle un « pfff » et attrape un premier verre à sécher de la mini machine qu’il a derrière le bar, puis un deuxième.

Il se lance dans une longue phrase bien vite interprétée comme de l’intérêt par Emily. Erreur, c’est juste son naturel qui parle.  Il préfère se taire concernant sa soi-disant vie minable, lui ne la trouve pas si mal, au moins il est en accord avec lui-même.

« C’est ce qu’elles disent toutes. » Lance-t-il par habitude.

Dan est d’ordinaire taquin avec les filles, ça ne lui réussit pas autant qu’il le voudrait mais ce soir, Emily redevient un instant la même que toutes celles qu’il cherche à amuser. Elle ne s’arrête pas en si bon chemin et lui étale une hypothèse saugrenue qui a pour effet de lui tirer un rire narquois.

« T’as raison, à la tienne. »

Il continu de sécher ses verre puis les range une fois finis. Dan n’a pas envie de s’étaler sur leur passé et pourtant ça le démange un peu maintenant que la glace est rebrisée. Persuadé qu’il en a fini de sa discussion avec elle, il s’occupe d’un autre client.

Non loin de là, à une table haute, un vieux briscard de Shady Cove attrape son whiskey et vient s’installer au bar, à quelques tabourets d’Emily. Il lui jette un regard concupiscent et réclame un verre plein à Dan qui s’exécute bien vite.

« Avec ça ? »

Pas de réponse, il a le regard rivé vers la belle brune. Il se retourne enfin réalisant que Dan attend.

« C’est la petite Fisher, la showgirl là, non ? »

Dan sourit et acquiesce d’un signe de tête ne voyant pas où il veut en venir.

« C’est vrai qu’elle a prit un vilain coup de vieux. »

Le barman reste silencieux, il jette un œil vers Emily qui sirote en silence. C’est vrai qu’on dit qu’elle est finie en ville, qu’elle n’a plus de carrière, mais Dan se fiche un peu de ça. Le vieux vide une partie de son verre et ajoute :

« Tu m’étonnes avec les nénettes qu’ils nous sortent aujourd’hui, passé 30 ans, les anciennes sont vite jetées aux oubliettes, elle a quel âge elle maintenant, 34, 35 ans »

Dan sourit intérieurement, il imagine la tête d’Emily apprenant qu’on lui donne bien 5 ans de plus, m’enfin, ce type n’a pas l’air d’avoir un sens du jugement très développé. Et malgré son égo heurté par l’attitude de la belle, Dan répond naturellement et sincèrement.

« Je pense qu’elle fait très bien son travail, elle n’a pas e soucis à se faire de ce côté-là. »

Il encaisse le type et retourne auprès de la brune voir si elle veut accompagner son cocktail mais en même temps, le vieux se décale d’un tabouret pour atterrir à ses côtés, les yeux plongeant directement dans son décolleté. Dan esquisse un sourire amusé alors que le mec ouvre son clapet.

« Salut ma vieille, quoi de neuf, tu te souviens pas de moi ? Je connais bien ta mère tu sais. Dis donc, ça fait plaisir de te voir dans les parages, tu reviens passer ta retraite dans ton pays natal, comme moi. » lance-t-il sans doute légèrement éméché.

Coupé dans sa lancé, Dan se contente de lire la réaction sur le visage d’Emily.

HJ:

Ce qui agace un peu Emily, c’est que Dan ne soit pas plus que ça en admiration devant elle.  Elle a un peu l’impression qu’il ne se rend pas compte de la faveur qu’elle lui a faite en couchant avec lui.  C’est quand même un évènement qui résulte d’un accident et qui n’arrivera qu’une seule fois dans sa vie, au garçon.  Faudrait qu’il se rende compte un peu.  Quoi qu’elle pourrait interpréter le fait qu’il soit désagréable avec elle comme de la frustration vis-à-vis du fait qu’il ne peut pas crier sur tous les toits qu’il se l’est tapé et qu’elle est aussi bonne que la réputation le dit :p. 

Emily, pour sa part, ne manque pas d’être désagréable en retour.  Hors de question qu’elle se laisse mal parler dessus et qu’elle ne réplique rien.  Elle est loin d’être une fille fragile qui a besoin qu’un mec arrive pour lui venir en aide.  Elle appris, au fil du temps à se débrouiller seule.  Même lorsqu’elle sortait avec Riley, elle n’était pas du genre à l’appeler en urgence pour qu’il vienne lui sauver la mise.  Elle comptait beaucoup sur lui, ils s’aimaient comme des fous, mais elle a toujours eu un côté indépendante.  C’est ça qui l’a aidée à survivre, toute seule à New-York, alors que ses parents s’inquiétaient tellement.

Après sa dernière méchanceté, elle fit mine de trinquer avec lui, comme s’il devait boire pour oublier qui il était et quelle vie minable il avait.  Ems sortit son portable de sa poche et envoya rapidement un message à Noah pour prendre de ses nouvelles.  Elle reprit ensuite une gorgée de sa boisson, perdue dans ses pensées, bien loin de faire attention à Dan et à la scène qui se jouait pas loin d’elle.  Après tout si elle devait se sentir observée à chaque fois que quelqu’un la regardait, elle n’aurait plus de vie, la pauvre !  

Emy ne sortit de ses pensées que lorsqu’elle aperçu un mouvement en sa direction.  En effet, un vieux de Shady qu’elle avait déjà croisé dans le passé se rapprocha d’elle et ne se gêna pas pour plonger ses yeux dans son décolleté.  Okay, elle est bonne, mais elle fait pas dans les grabataires, non plus. En plus, il se montra fort désagréable dès qu’il ouvrit la bouche.
 
« Ca doit être ça. »   

Dit-elle en lui offrant un sourire plein de mépris.  Elle n’hésita pas à ajouter.
 
« Je sais, ma mère m’a déjà parlé de vous.  Ca fait combien d’années qu’elle est volontaire aux alcooliques anonymes ?  D’ailleurs, je suppose qu’elle ne serait pas contente de vous voir ici et dans cet état… ! »

Ce n’est pas vraiment la défense d’Emily que prend Dan, en fait, il se contente de répondre peut être déjà un peu saoulé par le comportement d’Emily à ce type qui en rajoute une couche. En fait, Dan voudrait bien continuer sa vie sans qu’elle vienne le titiller d’avantage, quand à ce vieux, franchement, qu’est-ce que ça peut lui foutre qu’elle soit dans les parages ou non.

Pourtant il insiste et va à la rencontre de la brunette pour lui balancer quelque chose de bien senti. Dan jubile un peu quoi que la réponse d’Emily ne se faisant pas attendre, il rit de plus belle avec la vu du type resté bouche bée, surpris par l’aplomb de la belle ou tout simplement trop diminué par l’alcool pour donner une réplique sans y avoir réfléchi longuement avant.

« Bien envoyé Fisher. » félicite Dan sans savoir vraiment pourquoi sur ce coup il se met du côté d’Emily. Peut être qu’elle lui fait un peu pitié avec ce qu’on balance sur elle en ville. Quoi ? Non, Dan n’en a rien à carrer en vérité, ça doit être son instinct clownesque qui a simplement repéré une belle vanne. Oui, ça doit être ça.

Le vieux lui jette un regard vide quoi qu’il aurait sans doute voulu signifier quelque chose par là, mais Dan ne comprends pas. En bon barman, il se dit qu’il est peut être temps de mettre le vieux Bill dans un taxi pour la ferme (il n’a aucune idée si le type s’appelle Bill et s’il vit dans une ferme, mais à Shady Cove, ça pourrait bien être le cas non ?), il constate le verre vide (déjà ?!) du gars et en profite pour prendre une ouverture.

« Bon, vous devriez peut être me régler et rentrer chez vous à pied, vous pensez pas ? Ce serait plus raisonnable. »

En général, dire ça ne sert à rien, en général et en l’occurrence ici aussi. Le vieux sort trois billets, en donne deux pour les deux premiers verres et …

« Tu m’en ressers un gamin et après j’dégagerais. Mais t’inquiètes, j’vais pas embêter ta connasse plus longtemps. »

Il annonce la couleur sans même plus regarder Emily et retourne à sa place originelle. A nouveau Dan est plutôt amusé et il lance au type s’éloignant.

« Un peu de respect monsieur, elle n’est pas qu’à moi la connasse! »

Parce que ça lui plait de se défendre comme il le peut, avec les armes qu’il a. Dan offre même un clin d’œil à Emily tout en préparant le verre du gars, parce qu’il a payé après tout.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, Emily n’est pas venue ce soir dans le but de torturer Dan.  Si elle est au bar, c’est parce qu’elle a besoin de se changer les idées et lorsqu’elle est tombée sur lui, elle s’est dit qu’il fallait faire contre mauvaise fortune bon cœur et elle en a profité pour l’enquiquiner un petit peu.  Faut dire qu’il ne s’est pas laissé faire et finalement elle est plus saoulée par son comportement.  Ajoutons à ça qu’un vieux con vient lui parler en reluquant ses seins, on ne peut pas dire qu’Ems passe la soirée de sa vie.
 
En fait, plus les minutes passent, pire c’est.  En effet, l’ivrogne commence à lui balancer une vacherie.  Ce qui fait doucement rire la belle c’est qu’elle est prête à ramasser tout un tas de critiques, quand elles viennent de quelqu’un qu’elle juge « supérieur à elle ».  Un de ses employeurs par exemple.  Quand il s’agit d’un type qui a raté sa vie et qui boit pour oublier, franchement c’est l’hôpital qui se fout de la charité.  Elle n’hésite pas à lui répondre et voilà que Dan l’encourage.  Non mais, il se croit où celui là.  Plutôt que de faire sortir le vioc’ c’est limite s’il ne sort pas le pop corn.  Imbécile.
 
Enfin, voilà qu’il agit comme un homme et qu’il demande au malotru de s’en aller, et surtout de prendre un taxi.  On n’est jamais trop prudent.  Ems a déjà pris le volant éméchée, mais complètement bourrée jamais.  Parce que complètement bourrée elle sait déjà à peine comment elle s’appelle (a).  Comme si on ne pouvait pas l’oublier trente secondes – ok, elle comprend qu’on ne puisse pas l’oublier trente secondes – le vieux revient à la charge et la traite de connasse.  Son visage se ferme complètement alors que Dan essaye de faire de l’humour.  Elle ne trouve pas sa réplique drôle du tout et le fait que ça soit accompagné d’un clin d’œil ne fait pas du tout passer la pilule.  En même temps il prend sa défense, mais il dit des conneries.  Elle ne comprend vraiment pas à quoi il joue.  Pour sa part, elle ne répondit pas.  Elle n'avait pas envie de se défendre face à eux, et puis ils peuvent bien penser ce qu'ils veulent.
 
Emily sortit son téléphone portable pour voir si Noah lui avait répondu, mais pas encore.  Ca aussi, ça l’agaça.  Bref, elle était loin de passer la soirée de sa vie.  Elle aspira un peu de son cocktail par sa paille, histoire de pouvoir se barrer plus rapidement, dès qu’elle aura fini.

Franchement, Dan se fout un peu de ce que peut penser Emily. Il est un peu dégouté d’avoir encore une fois été traité comme un simple mouchoir mais c’est plus blasé qu’il aborde la chose désormais. Il a bien mieux à faire que se prendre la tête avec ça.
 
Le type se barre en effet, avec un verre en plus. Emily n’a aucune réaction face à Dan qui se dit alors que leur moment à discuter est fini. Dans l’absence d’un autre client à servir dans l’immédiat, il reste un instant derrière le bar à chercher quoi faire puis se décide à aller voir ailleurs. Il ne quitte pourtant pas Emily sans un au revoir.
 
« Oublie-pas le pourboire. »
 
Il peut toujours rêver ...
 

En temps normal  il n’aurait jamais balancé quelque chose comme ça à un client, mais là, il n’a pas tout à fait envie de prolonger la discussion, et puis qu’est-ce qu’ils pourraient bien se dire ? 

Fin de la scène.