Mon téléphone n’arrête pas vibrer…
Putain, ma tête…
Je tâtonne un peu partout, les yeux toujours clos.
Putain, Reese.
«
REESE ! »
Je suis pratiquement sûr qu’il m’a foutu de la glue sur les paupières quand je me suis endormi, le salaud. Mais finalement, avant même de foutre une beigne à la personne avachie à côté de moi, je parviens à émerger.
Je suis pas du genre violent, donc la beigne c’était une exagération, dans la panique.
Les lendemains de soirée… J’ai comme l’impression que mon foie s’est alourdi, et qu’il va me faire la misère aujourd’hui.
Enfin, aujourd’hui, c’est un grand mot. Le soleil est déjà en train de se coucher, en parfaite ambivalence avec mon réveil.
Treize messages, dont douze de Reese.
« Ne regarde pas à côté de toi » « Fais gaffe ça colle par terre » « On remet ça ce soir ? » « T’es mort ? » « Elle s’appelle Leslie je crois » « Quel nom débile ma parole » « Mais ne l’appelle pas, si elle dort encore » « Mec t’es vraiment mort ? » « Nick est d’accord pour venir te récupérer si tu réponds avant seize heures » « Il est quinze heures cinquante-deux là » « Si t’es vraiment mort j’appelle les secours » « Au fait c’est moi qui ai ton slip »
Le treizième est de ma mère « Tu as oublié tes clés mon chéri, je les laisse sous le paillasson, à ce soir »
Avec toute la difficulté qu’une gueule de bois suppose, je me lève. La première chose que je touche avec mes pieds, c’est une sorte de matière gluante et visqueuse. Je réprime une grimace en réalisant que c’est un préservatif et secoue mon pied avec dégoût et ferveur.
Mon pied gauche trouve quand même le moyen de marcher dans une pizza entamée. Je retiens un relent nauséeux et quitte la pièce sur la pointe des pieds – du moins, ce qu’il en reste.
«
Tu pars déjà ? »
Les hommes sont lâches, en général. Et je n’échappe pas à cette règle. Du coup, je ne me retourne pas, et reste planté devant la porte entrouverte.
«
Elliot ? »
Cette douce voix féminine me connait donc ? Pourquoi n’ai-je pas menti sur mon prénom, d’habitude quand je m’appelle Eugène, elles m’oublient plus vite. Je pivote, finalement, et découvre une demoiselle tout à fait charmante. Je fronce les sourcils, je n’aime pas trop quand Reese m’envoie de faux textos.
«
Il est quelle heure ? » demandai-je, la voix drôlement rauque. Merci l’alcool et la fumette.
«
Euh.. dix-sept heures je crois, pourquoi ? »
«
Oh, pour rien. » fis-je en haussant les épaules.
Je trottine jusqu’au plumard tel un étalon fougueux.
Une fois sous les draps, je l’observe avec attention. Elle n’est même pas maquillée, pourtant, toutes les filles que j’ai pu connaitre après l’aube, elles me faisaient penser à Shrek.
«
Leslie. »
Elle sourit. Merci Reese.
«
Tu savais que les plus grands écrivains étaient des alcooliques ? enfin, alcooliques… c’est un terme un peu excessif. En fait, il parait que l’alcool stimule la création, tu vois ? du coup, c’était plus facile pour eux d’écrire dans des effluves d’absinthes. Je te dis ça parce que l’Elliot bourré que tu as vu hier soir, c’était l’Elliot écrivain. Mais j’écris qu’en soirées, sur le corps de jolies filles comme toi, autrement je n’ai aucun talent… ‘fin je joue de la guitare mais j’suis pas le gars le plus doué du monde. »
Quel charmeur je peux être parfois. Leslie se met à rire, et, en fait, je réalise que le sms de Reese n’était pas fondamentalement faux. Elle a un rire de cochon étranglé, c’est assez effrayant. Mais il m’en faudrait plus pour me faire fuir, alors je rigole avec elle.
Nous passerons finalement la soirée au lit, elle à me raconter sa vie et son rêve de devenir mannequin (d’où son intérêt pour moi – Elliot Fisher = Emily Fisher, eh oui). Moi je me contenterais de la faire rire avec mes histoires à dormir debout, inventées avec Reese, mon cher et tendre acolyte (et alcoolique).
Plus tard, je lui ferais mes adieux en embrassant son épaule dénudée et j’inventerais un poème ridicule en son nom. Elle sera charmée et voudra mon numéro. Je lui donnerais celui de Reese, l’hilarité porcine l’attirera peut-être.
***
J’ai pris le bus, et sur le chemin de la maison, j’ai croisé Jasmine. Elle était très jolie, elle portait une robe avec des fleurs et de la dentelle. Je lui ai fais une courbette, et, malgré notre malaise réciproque, elle m’a souri.
«
Salut Elliot. »
«
Salut Jaz’. Ça va ? »
Elle a juste hoché la tête, puis elle est passée devant moi. Je me suis retourné et j’ai demandé :
«
Tu rêves pas d’être mannequin toi, hein ? »
Jasmine a compris l’allusion, elle a continué à sourire et m’a fait « non » de la tête. J’ai esquissé un sourire en coin, à mon tour. La gueule de bois était passée, elle était partie, tout comme mon ex petite-amie.
J’ai contemplé sa démarche, quelques secondes de plus, après j’ai tracé ma route sur mon skateboard. En rentrant, il n’y avait personne, alors j’ai attrapé une pomme et je suis parti voir Eleanor à l’auberge, non pas pour bosser mais pour l’embêter un peu.
«
Qu’est-ce que je vais faire de toi, Elliot ? »
«
Un serveur d’exception, pour sûr ! »
Du coup, j’étais quand même de service.
En sortant, j’ai reçu un autre sms de Reese. « Je ne t’entends pas vomir, coïncidence ? je ne crois pas. Viens au Warehouse ! »
J’ai pris mon Vespa, sans me faire prier, et j’y suis allé. Inutile de vous raconter le lendemain… Cette fois, elle avait un mono-sourcil. Sacrée Vodka, tu effaces tous les défauts possibles et imaginables !